Encore Molière, encore le Misanthrope ... oui mais dans une mise en scène de Peter Stein avec une distribution éclatante, autour d'un Lambert Wilson qui, avec cet Alceste, endosse un de ses plus beaux rôles. Le choix de Lambert Wilson était évident, après le film de Philippe Le Guay, Alceste à Bicyclette (2013), même si bien entendu nombreux étaient les acteurs susceptibles d'interpréter ce rôle.
Molière a écrit Le Misanthrope "ou L’Atrabilaire amoureux" avec l’énergie d’un être révolté. Une fougue contre la trahison, contre les gens de la cour qui font et défont les réputations. Le sujet demeure actuel.
En opposant à la vanité du monde l’amour absolu d’Alceste pour Célimène, le dramaturge exprime une intransigeance et un idéalisme qui défient le temps. La question est fondamentale et nous sommes nombreux à nous la poser : Faut-il fuir ce que l’on exècre et se retirer du monde ou bien sommes-nous condamnés à composer avec nos semblables ?
Le spectacle est à l'affiche d'un nouveau théâtre, plus précisément d'une salle qui vient d'être rebaptisée en changeant de propriétaire (désormais Jean-Marc Dumontet) et qui porte le nom magnifique de Théâtre Libre.
Miracle de Molière, du metteur en scène (il fut directeur de la prestigieuse Schaubühne de Berlin), de l'acteur du rôle-titre ? En tout cas le public remplit un théâtre qui affiche complet et on est heureux de constater qu'on "revient" dans les salles de spectacle.
Je n'ignore pas les critiques de ceux (et je ne leur renie pas leur légitimité) qui ont été déçus par le décor, et dans une certaine mesure par le jeu des acteurs. Ces gens là sont des spécialistes du théâtre et ne peuvent réfréner leurs exigences de perfection ... ou d'audace ... Il me semble que chaque soirée doit être appréciée en tant que telle, c'est-à-dire un moment unique, incomparable à aucune autre.
La simplicité du décor, identique tout au long de la soirée, m'a un peu agacée mais j'ai pensé que c'était tout à fait intentionnel de la part de Ferdinand Woegerbauer. Je m'attendais -je le reconnais- à un "coup de théâtre" final et j'ai été réjouie lorsqu'il s'est produit, à la toute fin. Je ne vous en dis pas davantage, si ce n'est que les courants d'air qu'on perçoit à la fin de chaque acte, de plus en plus présents, annonce un terrible orage.
J'ai été saisie par la précision de la mise en scène. Le plus juste n'est pas nécessairement le plus complexe. J'ai lu des reproches à propos de la direction d'acteurs. Personnellement je l'ai sentie magistrale, et courageuse car présenter un Alceste "inégal" permet de témoigner de sa fragilité. Il n'est pas tant que ça campé dans son retranchement et demeure avant tout humain.
Le spectateur accepterait alors (Acte IV) de le soutenir dans sa tentative de convaincre Célimène (Pauline Cheviller) de tricher : Efforcez-vous ici de paraître fidèle, Et je m'efforcerai, moi, de vous croire telle.
Qu'il est loin celui qui défendait avec force au début de la pièce : je veux qu'on soit sincère et qu'en homme d'honneur on ne dise aucun mot qui ne sorte du coeur !
La situation s'est inversée. C'est la femme qui devient l'inflexible : vous ne m'aimez point comme il faut que l'on aime. Alceste sera définitivement rejeté. La lecture de Peter Stein est sombre et tout à fait à propos. Le parti-pris d'un décor sans fioriture est donc logique. Et imposer aux acteurs de jouer la plupart du temps assis les pousse à exprimer différemment les émotions de leurs personnages.
Par contre les costumes, d'Anna Maria Heinreich, ont été créés dans un classique très revisité avec une joyeuse audace. La costumière respecte les codes de la fin du XVI° siècle. Ainsi l'habit d'Alceste, sombre bien entendu, est rehaussé de rubans verts qui tombent en volutes. Les robes des femmes conjuguent austérité et extravagance, avec des associations de tissus étonnantes, très colorées, faisant penser aux prétintailles caractéristiques de l'époque et rarement montrées au théâtre.
Ces costumes sont au service des caractères, montrant la frivolité pleine de vie de Célimène et dévoilant la coquetterie d'Arsinoé, qui ne joue pas que la pruderie par une très grande Brigitte Catillon. La joute entre les deux femmes est subtile (acte III- scène IV).
On aime les histoires qui finissent bien et celle-ci s'achève sur une interrogation. Plaindra-t-on Alceste qui, ne parvenant pas à exprimer sa tendresse, choisit la fuite ou celui de Célimène qui, avec une infinie douceur, refusera de renoncer au monde avant que de vieillir ?
Il faut arrêter de chercher la "meilleure" mise en scène des classiques. Ces textes ont une portée universelle. On peut donc les lire de diverses manières et celle de Peter Stein mérite largement d'être vue. ll signe sa deuxième mise en scène de Molière de l'année, après Tartuffe (avec Pierre Arditi dans le rôle-titre et Jacques Weber dans celui d’Orgon). On se dit que jamais deux sans trois et on attend ... avec patience.
Le misanthrope de MolièreMolière a écrit Le Misanthrope "ou L’Atrabilaire amoureux" avec l’énergie d’un être révolté. Une fougue contre la trahison, contre les gens de la cour qui font et défont les réputations. Le sujet demeure actuel.
En opposant à la vanité du monde l’amour absolu d’Alceste pour Célimène, le dramaturge exprime une intransigeance et un idéalisme qui défient le temps. La question est fondamentale et nous sommes nombreux à nous la poser : Faut-il fuir ce que l’on exècre et se retirer du monde ou bien sommes-nous condamnés à composer avec nos semblables ?
Le spectacle est à l'affiche d'un nouveau théâtre, plus précisément d'une salle qui vient d'être rebaptisée en changeant de propriétaire (désormais Jean-Marc Dumontet) et qui porte le nom magnifique de Théâtre Libre.
Miracle de Molière, du metteur en scène (il fut directeur de la prestigieuse Schaubühne de Berlin), de l'acteur du rôle-titre ? En tout cas le public remplit un théâtre qui affiche complet et on est heureux de constater qu'on "revient" dans les salles de spectacle.
Je n'ignore pas les critiques de ceux (et je ne leur renie pas leur légitimité) qui ont été déçus par le décor, et dans une certaine mesure par le jeu des acteurs. Ces gens là sont des spécialistes du théâtre et ne peuvent réfréner leurs exigences de perfection ... ou d'audace ... Il me semble que chaque soirée doit être appréciée en tant que telle, c'est-à-dire un moment unique, incomparable à aucune autre.
La simplicité du décor, identique tout au long de la soirée, m'a un peu agacée mais j'ai pensé que c'était tout à fait intentionnel de la part de Ferdinand Woegerbauer. Je m'attendais -je le reconnais- à un "coup de théâtre" final et j'ai été réjouie lorsqu'il s'est produit, à la toute fin. Je ne vous en dis pas davantage, si ce n'est que les courants d'air qu'on perçoit à la fin de chaque acte, de plus en plus présents, annonce un terrible orage.
J'ai été saisie par la précision de la mise en scène. Le plus juste n'est pas nécessairement le plus complexe. J'ai lu des reproches à propos de la direction d'acteurs. Personnellement je l'ai sentie magistrale, et courageuse car présenter un Alceste "inégal" permet de témoigner de sa fragilité. Il n'est pas tant que ça campé dans son retranchement et demeure avant tout humain.
Le spectateur accepterait alors (Acte IV) de le soutenir dans sa tentative de convaincre Célimène (Pauline Cheviller) de tricher : Efforcez-vous ici de paraître fidèle, Et je m'efforcerai, moi, de vous croire telle.
Qu'il est loin celui qui défendait avec force au début de la pièce : je veux qu'on soit sincère et qu'en homme d'honneur on ne dise aucun mot qui ne sorte du coeur !
La situation s'est inversée. C'est la femme qui devient l'inflexible : vous ne m'aimez point comme il faut que l'on aime. Alceste sera définitivement rejeté. La lecture de Peter Stein est sombre et tout à fait à propos. Le parti-pris d'un décor sans fioriture est donc logique. Et imposer aux acteurs de jouer la plupart du temps assis les pousse à exprimer différemment les émotions de leurs personnages.
Par contre les costumes, d'Anna Maria Heinreich, ont été créés dans un classique très revisité avec une joyeuse audace. La costumière respecte les codes de la fin du XVI° siècle. Ainsi l'habit d'Alceste, sombre bien entendu, est rehaussé de rubans verts qui tombent en volutes. Les robes des femmes conjuguent austérité et extravagance, avec des associations de tissus étonnantes, très colorées, faisant penser aux prétintailles caractéristiques de l'époque et rarement montrées au théâtre.
Ces costumes sont au service des caractères, montrant la frivolité pleine de vie de Célimène et dévoilant la coquetterie d'Arsinoé, qui ne joue pas que la pruderie par une très grande Brigitte Catillon. La joute entre les deux femmes est subtile (acte III- scène IV).
On aime les histoires qui finissent bien et celle-ci s'achève sur une interrogation. Plaindra-t-on Alceste qui, ne parvenant pas à exprimer sa tendresse, choisit la fuite ou celui de Célimène qui, avec une infinie douceur, refusera de renoncer au monde avant que de vieillir ?
Il faut arrêter de chercher la "meilleure" mise en scène des classiques. Ces textes ont une portée universelle. On peut donc les lire de diverses manières et celle de Peter Stein mérite largement d'être vue. ll signe sa deuxième mise en scène de Molière de l'année, après Tartuffe (avec Pierre Arditi dans le rôle-titre et Jacques Weber dans celui d’Orgon). On se dit que jamais deux sans trois et on attend ... avec patience.
Mise en scène de Peter Stein
Avec Lambert Wilson, Jean-Pierre Malo, Hervé Briaux, Brigitte Catillon, Manon Combes, Pauline Cheviller, Paul Minthe, Léo Dussollier, Patrice Dozier, Jean-François Lapalus et Dimitri Viau
Décors de Ferdinand WoegerbauerCostumes d'Anna Maria Heinreich
Lumières de François Menou
Au Théâtre Libre
4, bd de Strasbourg, 75009 Paris - 01 42 38 97 14
Jusqu'à fin juin 2019
Du mardi au samedi à 20 h
En matinée à 16 h le samedi et le dimanche
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Svend Anderson
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