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vendredi 1 octobre 2021

La plus grande collection au monde de convolvulacées est à Châtenay-Malabry

J'ai bien dit "convolvulacées" mais, si le terme est trop compliqué pour vous, parlons de patate douce, de belle-de-jour ou de liseron. Ces plantes appartiennent en effet à la même famille et le moins qu'on puisse dire c'est que ses membres n'ont pas bonne presse. On les dit invasives mais il faut rétablir quelques vérités.

D’abord ce ne sont pas toutes des lianes. Il en existe qui, au Mexique, deviennent des arbres, d’autres sont arbustives, grimpantes ou retombantes ou enfin couvre-sols. Mais elles ont toutes en commun la même forme de leur fleur, en entonnoir avec cinq pétales soudés.

Par contre vous remarquerez sur les photos la diversité des feuilles dont certaines peuvent aller jusqu'à ressembler à une chauve-souris déployée. Cet animal est d'ailleurs un des animaux pollinisateurs de quelques espèces. Et le feuillage de plusieurs espèces de patates douces peut se consommer comme des épinards. Ils sont pour la plupart très denses et offrent des contrastes saisissants entre les variétés.
Une de leurs spécificités est d'avoir besoin d'un tuteur pour se développer, le plus fin possible (car c'est plus épuisant de s'enrouler autour d'un tronc que d'une tige) hormis celles qui sont couvre-sols comme les patates douces (mais que l'on peut malgré tout faire grimper si on manque de place) ou le Liseron de Mauritanie (Convolvulus sabatius ci-dessous à gauche) ou qui se laissent choir comme la Dichondre argentée (Dichondra argentea ci-dessous à droite). Originaire du Sud des États-Unis, celle-ci est vivace,  rustique jusqu'à -10°. Son feuillage argenté est persistant ou semi-persistant et sa croissance est rapide. Elle supporte toutes les expositions et elle est d'un bel effet au bord des murets ou en potée et suspension pour décorer les terrasses et balcons. Ses fleurs sont très petites et blanches, à peine visibles à l'oeil nu. Les fruits sont des capsules minuscules contenant 1 ou 2 graines, convoitées et dispersées par les fourmis.
Les arbres n'ont pas davantage besoin de soutien mais leurs branches sont fragiles et peuvent se casser au moment de leur rentrée sous serre. Il y a par exemple l'Ipomoea murucoïde, originaire du Mexique. dont les mexicains utilisent l’écorce en cataplasme pour soulager les morsures de serpents.
Un second arbre, lui aussi en pot, est un don du Museum arboretum de Chèvreloup. Il est entré illégalement en France en 1995. N'étant pas auto-fertile on tente des boutures pour la multiplier, pour le moment sans résultat. Un autre arbuste résulte d'un croisement, d'où la présence d'un x dans sa dénomination. Il est étonnant (ci-dessous) avec ses longues tiges qui se comportent comme de la broussaille. C'est le Convolvulus×desprauxii, une espèce hybride de Convolvulus floridus et Convolvulus scoparius, endémique des îles Canaries.
Toutes les couleurs de fleurs existent. La Strictocardia beraviensis "Philippe Bonduel" (Afrique du Sud) est d'un rouge corail lumineux. A noter que les guillemets signifient qu'il s'agit d'un cultivar, c'est-à-dire un type végétal résultant d'une sélection, d'une mutation ou d'une hybridation (naturelle ou provoquée) et cultivé pour ses qualités particulières. Le pistil est très développé. Il est politisé par les oiseaux qui déguste une goutte de nectar au fond du calice. Il y peu d'oiseaux nectarivores en région parisienne mais tout de même quelques-uns, ce qui explique la production de quelques fruits. A coté, l'Ipomoea Setosa Campanulata (Brésil) est une liane aux fleurs rose clair s'ouvrant l'après-midi, aux tiges poilues, aux fruits étrangement gonflés et eux aussi poilus et aux belles feuilles découpées évoquant la vigne.
Ci-dessous à gauche une originaire du Caire (Ipomoea Cairica P.B. 99-50) dont les feuilles sont palmilobées. 
Rien à voir avec celles de l'Ipomoea Indica Edith Piaf aux fleurs bleu clair striées d'une bande rose.
Pour avoir un aperçu de cette richesse, il suffit de venir visiter la plus grande collection au monde, qui se trouve en région parisienne, dans l’arboretum de la Vallée-aux-loups, à Châtenay-Malabry (92), un endroit magnifique auquel j’ai d’ailleurs consacré plusieurs articles. J’ai eu cette chance cette année, juste avant que les plus fragiles soient rentrées pour les protéger du froid. Date limite de leur vie en plein air sous nos climats  : 15 octobre.
L'histoire est singulière. Vous connaissez sans doute les murs végétaux. Le premier a été créé en 1988 à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris et celui de la façade du musée du quai Branly les a rendus célèbres en 2004. On les doit à Patrick Blanc, chercheur au CNRS. Mais l'homme a d'autres spécialités.

En 1996, il avait présenté "Les folles Ipomées" au festival des jardins de Chaumont-sur-Loire (où je suis allée en 2010). N'ayant pas la possibilité de les conserver il chercha ensuite à offrir ces 80 plantes alors inconnues en France à qui voulait bien en prendre soin. Ce sera Nelly Bouilhac qui s'en chargera à Châtenay pour le Conseil général des Hauts-de-Seine. Et qui développera la collection, en partant de rien puisqu'au mieux on les considérait comme des plantes médicinales et qu'elle n'avait à l'époque aucune connaissance botanique.

Elle peut être fière aujourd'hui de compter 31 genres parmi les 56 genres qui sont référencés et 1500 espèces parmi les 1900 qui existent. Les 700 mètres carrés de serres sont bien remplis en hiver. Les noms, par contre, sont en train de changer suite aux analyses ADN mais nous conviendront d'utiliser pour le moment les plus connues et d'attendre la fin des recherches pour lancer "la valse des étiquettes".

Il faut savoir aussi qu'il y a deux catégories : les vivaces, et puis les annuelles, souvent subtropicales qui font beaucoup de graines pour assurer l’avenir. Nelly conseille de scarifier les graines, pour faciliter le travail du bourgeon et les mettre en terre humide, enfoncées juste de la même hauteur que leur épaisseur,  en les plaçant à l'horizontale car on ne sait pas où est le haut, où est le bas.

Si ces plantes se développent vite c'est parce qu'elles font la course à la lumière. Mais elles n'abiment pas leur support puisqu'elles sont démunies de crampons. Leur nom vient de convolvere, qui signifie envelopper, s’enrouler.

Une des plus spectaculaires en terme de développement est l'Ipomoea indica, (parfois dites Ipomoea learii mais ce n'est pas son nom véritable). Elle surplombe la volière des rossignols de la serre. On peut s'étonner de la présence d'oiseaux mais elle s'explique par le fait qu'ils sont insectivores et bien utiles pour préserver les plantes puisque l'emploi d'insecticides est prohibé. En s'approchant de certaines ipomées on remarquera des sachets contenant des coccinelles.
L'Ipomea indica est une vivace qui pousse à l'état sauvage sur les falaises de Porto. Capable de ramper comme d'escalader de grands arbres, elle pourra produire des tiges d'une douzaine de mètres en une seule saison, et donc de recouvrir par exemple une tonnelle en un temps record.
Elle produit, de juillet jusqu'aux premières gelées, des milliers de grandes fleurs bleu-violet le matin, s'empourprant aux heures les plus chaudes de la journée, avant de se refermer lorsqu'il fait trop chaud. La souche est rustique jusqu'à -8°C en situation abritée. Elle est considérée comme une plante invasive en climat doux, dont il faudra contrôler le développement.

Tel est le souci qu'on peut rencontrer avec de telles plantes. Mais si on comprend leur mode de croissance on pourra les contenir. Les plantes de cette espèce ont toutes pour spécificité de décompacter et de dépolluer la terre. Leurs racines peuvent se propager jusqu’à 8 m de profondeur et à chaque fois qu'on donne un coup de bêche pour les arracher on ne fait que favoriser le bouturage.

Si on veut malgré tout s'en débarrasser il sera plus efficace de freiner leur expansion en apportant du sable à la terre qui, plus légère, ne les intéressera plus. Si on est pressé on peut les couvrir d'une bâche pour les priver de la lumière ou bien cultiver tout de suite en plantant autre chose qui couvrira le sol.
Quand elles se sont enroulées autour d'un rosier il suffira de les couper régulièrement autour des pieds sans les arracher puisqu'elles ne les étoufferont pas. Et on continuera à profiter de leur floraison. Ces plantes sont extrêmement mellifères et si certaines (comme l'Ipomoea carnea photographiée pour montrer combien les graines sont différentes d'une variété à une autre) contiennent des substances hallucinogènes dans leur pollen celles-ci n’affectent pas les abeilles mais peuvent être toxiques pour le bétail. Elles représentent une source sûre de nourriture pour les abeilles dès le début du printemps. Il faut donc les préserver. Et puis, s'agissant d'annuelles qui se ressèment par graines, il "suffit" après tout de supprimer les fleurs fanées en fin de journée pour ne pas être envahis.
Plusieurs convolvulacées sont comestibles. Le liseron d'eau, Ipomoea aquatica, est cultivé dans les régions tropicales pour ses feuilles consommées comme légumes.
Ce sont surtout les patates douces que l'on mange. Il y en a de multiples ici, au pied de la serre (mais on pourrait les cultiver en tipi) et de feuillages de couleurs très variées, parfois panachées.
Celles qui ne sont pas d'un grand intérêt gustatif sont de plus en plus utilisées par les communes pour agrémenter parcs, massifs, suspensions ou ronds-points et après avoir visité l'arboretum je les remarque davantage. Comme ici à Antony (92) :
Et voici l'Ipoméa batatas Palm Blackie, au feuillage presque noir et très découpé.
Les tubercules de la variété Murasaki sont très originaux par leur chair blanche et leur peau rose pourprée. Cuisinés comme les pommes de terre classiques – en purée, à la vapeur ou en poêlées –, ils peuvent aussi être râpés crus en salade. La chair douce et très légèrement sucrée à la saveur de noisette permet également de confectionner de surprenantes chips.
Quelques dernières photos pour terminer et poursuivre l'illustration de la diversité de ces Ipomées. On pourrait tout à fait composer, dans son jardin, une horloge florale en disposant les plantes selon leur heure de floraison quotidienne. On pourrait ainsi passer une journée entière auprès d'elles sans se lasser. Je précise cependant que mes photos ont été prises un matin, en fin de saison d'une mauvaise année climatique pour ces espèces qui aiment les fortes chaleurs.
Voilà pourquoi j'ajoute le lien vers l'émission Silence ça pousse qui a consacré une séquence à la collection. Une fois el fichier ouvert allez à la fin de la 11ème minutes jusqu'à la 15 ème ici.

La Collection nationale de Convolvulacées remplit une triple mission scientifique, de conservation es espèces, en particulier d’espèces menacées dans leur milieu naturel, et conservatoire de graines et de vulgarisation auprès du grand public.

On vient du monde entier à Châtenay pour les admirer de fin mai à début octobre, obtenir des graines ou faire des échanges (sur rendez-vous bien évidemment). Le stock est d'environ 500 000 graines. Certaines acquisitions sont exceptionnelles et n'ont pas encore fini de "parler", notamment sur leur mode de multiplication.

Collection nationale des Convolvulacées
Arboretum de la Vallée-aux-Loups - 102 rue de Chateaubriand
92290 Châtenay-Malabry
tel : 01 49 73 20 63

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