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vendredi 10 décembre 2010

Dialogue avec mon jardinier de Henri Cueco

L'actualité littéraire fait caracoler nos envies de découverte et réactive nos désirs. Même si nous n'aurons jamais assez de temps pour lire tous les livres qu'on sélectionne après un sévère arbitrage.

Il ne faudrait pas oublier d'excellents ouvrages en croyant qu'ils ont vieilli. Ce qui est bon ne se périme pas et n'a pas de date limite de consommation. Dialogue avec mon jardinier est de ceux-là. L'offrir à Noël avec le DVD du film réalisé en 2007 par Jean Becker avec Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin serait une jolie idée de cadeau.

En fait de dialogue c'est le jardinier qui assure (dans le livre) l'essentiel de la conversation qu'il relance sans faiblir, avec candeur et intelligence.

S'il ne fait pas la révolution il exprime néanmoins avec nostalgie le désarroi d'un monde qui décline alors qu'il serait urgent de prendre appui sur la nature. Ce que l'un peint avec des couleurs l'autre l'exprime avec des mots et le lecteur accompagne doucement l'un et l'autre.

La connaissance du film n'est pas un handicap pour apprécier le texte où j'ai relevé quelques extraits assez représentatifs des différents registres.

Dans le fond on n'est pas mal dans notre HLM, là-haut. La vue y est belle et le soir, après la soupe, au lit. Mais le matin je suis debout avant le soleil. Je bois mon thé en regardant le soleil se lever. Je l'attends sur le balcon (...) il se passe toujours quelque chose quand tu regardes bien (...) Je regarderais jusqu'à la fin des temps, c'est mieux que du cinéma. (p. 48)

Quand il n'y aura plus personne dans les usines ou les ateliers, qui achètera ? (...) A mon époque, il y avait pas le chômage : quand on perdait un travail, on en cherchait un autre. (p. 51)
Il faudrait un costume à étagères et à tiroirs, comme une armoire (...) à Paris çà fait pas chic de charger les poches du pantalon. (p. 80)
Le jardinier occupe une posture tour à tour paternelle et fraternelle. Il apostrophe son compagnon d'un "fils de loup" affectueux, lui recommande d'avoir toujours sur lui un canif et de la ficelle, lui apprend les gestes du faucheur. Ses questions voilent des réponses qui arrivent en demi-teinte avec philosophie, humour ou une pointe d'ironie. Ses réflexions personnelles sont pleines de bon sens. On le sent investi d'un désir de transmission avant de quitter la scène comme nous devrons tous le faire un jour.

Apparemment plus solide, le peintre tente de lui donner une définition de la philosophe : ami de la sagesse, en grec (p. 136), mais comprend surtout la chance qu'il a d'avoir un tel ami. A nous de retenir la leçon : il est précieux de suivre de tels enseignements. Parce que, comme il le remarque avec perspicacité : l'avenir, personne ne le prédit. Déjà qu'on ne comprend rien au présent ...

Dialogue avec mon jardinier, de Henri Cueco, éditions du Seuil, 2000

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