J'avais découvert Elif Shafak l'an dernier avec Lait noir aux édition Phébus. Elle y brossait les splendeurs et misères de la condition de mère et d’écrivain. Cet ouvrage polyphonique lui avait été inspiré par sa propre expérience de la maternité et d'une lourde dépression postnatale après la naissance de sa fille en 2006.
The Forty Rules of Love (Soufi, mon amour), paru en Turquie en 2009, achève de consacrer sa popularité dans le domaine littéraire. En parallèle de cette activité d’écrivain, Elif Shafak enseigne les sciences politiques. Sa thèse sur « le mysticisme islamique et la compréhension circulaire du temps » a été primée par l’Institut des sciences sociales turc. Elle vit à Istanbul avec son mari et ses deux enfants et on peut se demander en quoi ce roman là peut avoir quelque chose d'autobiographique, à commencer par le prénom de l'héroïne, si proche du sien.
Ella Rubinstein a en apparence tout pour être heureuse : une jolie maison dans le Massachusetts, trois beaux enfants, un chien fidèle. Mais, à l’aube de ses quarante ans, elle se demande si elle n’est pas passée à côté d’elle-même. Les infidélités de son mari ne sont plus un mystère et les cours de cuisine du jeudi ne suffisent pas à exalter sa vie monotone. Décidée à reprendre une activité professionnelle, elle est engagée comme lectrice par un agent littéraire. Sa première mission : rédiger une note sur un manuscrit signé Aziz Z. Zahara. Ce roman, qui retrace la rencontre entre le poète Rûmi et le plus célèbre derviche du monde musulman, Shams de Tabriz, va être une révélation pour Ella. Au fil des pages, elle découvre le soufisme, le refus des conventions et la splendeur de l’amour. Cette histoire se révèle être le miroir de la sienne. Aziz – comme Shams l’a fait pour Rûmi sept siècles auparavant – serait-il venu la libérer ?
Il y a plusieurs niveaux de lecture et on imagine aisément combien il y a matière à transformer le livre en un script capable d'intéresser un producteur américain. C'est l'histoire d'une femme encore jeune qui fait le bilan de sa vie. Elle a perdu beaucoup d'estime de soi et aurait grandement besoin qu'on lui tienne la main et qu'on l'encourage à se révéler.
C'est l'histoire d'un homme qui a déjà entrepris de reconsidérer le sens de son existence.
Ces deux là sont "forcément" appelés à se rencontrer malgré la distance géographique et culturelle qui les sépare.
C'est aussi un roman historique retraçant la rencontre entre le grand mystique Rûmi et le derviche Shams de Tabriz, au XIIIe siècle.
C'est enfin un roman philosophique qui explique les principes fondateurs du soufisme qu'Elif Shafak présente comme la religion de l'amour, censée apporter une énergie vitale, chaude et apaisante.
Au final nous avons entre les mains un échange épistolaire inséré dans un roman historique et ésotérique. Ce livre n'est pas facile à lire parce que les allers retours entre le moyen-âge musulman et l'époque contemporaine ralentissent la progression de l'histoire, parce que la mise en abîme des intrigues est complexe, parce que la portée philosophique mérite qu'on prenne le temps d'intégrer chacune des 40 règles qui ponctuent le récit. On ne songe pas nécessairement à les cocher au fur et à mesure de leur apparition et on apprécierait d'ailleurs un récapitulatif en fin d'ouvrage.
Pressentant probablement qu'il sera difficile de convaincre des occidentaux de la supériorité du soufisme sur toutes les autre religions Elif shafak a habilement choisi de placer son personnage principal dans le monde américain, a priori rationnel. On s'identifie à cette femme sans y prendre garde. Qui ne serait pas ému(e) comme elle d'apprendre qu'un parfait inconnu, dans un des coins les plus reculés du monde, a prié pour son bien-être et noué un ruban sur un arbre à souhaits ? (p. 72)
Nous sommes tous disposés à dresser comme elle une liste de dix résolutions à entreprendre d'urgence (p.134). Je parie que beaucoup vont se livrer à cet exercice dès le matin du premier janvier.
Les paroles du livre résonnent alors avec justesse : si tu veux changer la manière dont les autres te traitent, tu dois d'abord changer la manière dont tu te traites. Tant que tu n'apprends pas à t'aimer, pleinement et sincèrement tu ne pourras jamais être aimée. Quand tu arriveras à ce stade, sois pourtant reconnaissante de chaque épine que les autres pourront jeter sur toi. C'est le signe que bientôt tu recevras une pluie de roses.(p. 159)
Soufi, mon amour d' Elif Shafak, Phébus, 2010
The Forty Rules of Love (Soufi, mon amour), paru en Turquie en 2009, achève de consacrer sa popularité dans le domaine littéraire. En parallèle de cette activité d’écrivain, Elif Shafak enseigne les sciences politiques. Sa thèse sur « le mysticisme islamique et la compréhension circulaire du temps » a été primée par l’Institut des sciences sociales turc. Elle vit à Istanbul avec son mari et ses deux enfants et on peut se demander en quoi ce roman là peut avoir quelque chose d'autobiographique, à commencer par le prénom de l'héroïne, si proche du sien.
Ella Rubinstein a en apparence tout pour être heureuse : une jolie maison dans le Massachusetts, trois beaux enfants, un chien fidèle. Mais, à l’aube de ses quarante ans, elle se demande si elle n’est pas passée à côté d’elle-même. Les infidélités de son mari ne sont plus un mystère et les cours de cuisine du jeudi ne suffisent pas à exalter sa vie monotone. Décidée à reprendre une activité professionnelle, elle est engagée comme lectrice par un agent littéraire. Sa première mission : rédiger une note sur un manuscrit signé Aziz Z. Zahara. Ce roman, qui retrace la rencontre entre le poète Rûmi et le plus célèbre derviche du monde musulman, Shams de Tabriz, va être une révélation pour Ella. Au fil des pages, elle découvre le soufisme, le refus des conventions et la splendeur de l’amour. Cette histoire se révèle être le miroir de la sienne. Aziz – comme Shams l’a fait pour Rûmi sept siècles auparavant – serait-il venu la libérer ?
Il y a plusieurs niveaux de lecture et on imagine aisément combien il y a matière à transformer le livre en un script capable d'intéresser un producteur américain. C'est l'histoire d'une femme encore jeune qui fait le bilan de sa vie. Elle a perdu beaucoup d'estime de soi et aurait grandement besoin qu'on lui tienne la main et qu'on l'encourage à se révéler.
C'est l'histoire d'un homme qui a déjà entrepris de reconsidérer le sens de son existence.
Ces deux là sont "forcément" appelés à se rencontrer malgré la distance géographique et culturelle qui les sépare.
C'est aussi un roman historique retraçant la rencontre entre le grand mystique Rûmi et le derviche Shams de Tabriz, au XIIIe siècle.
C'est enfin un roman philosophique qui explique les principes fondateurs du soufisme qu'Elif Shafak présente comme la religion de l'amour, censée apporter une énergie vitale, chaude et apaisante.
Au final nous avons entre les mains un échange épistolaire inséré dans un roman historique et ésotérique. Ce livre n'est pas facile à lire parce que les allers retours entre le moyen-âge musulman et l'époque contemporaine ralentissent la progression de l'histoire, parce que la mise en abîme des intrigues est complexe, parce que la portée philosophique mérite qu'on prenne le temps d'intégrer chacune des 40 règles qui ponctuent le récit. On ne songe pas nécessairement à les cocher au fur et à mesure de leur apparition et on apprécierait d'ailleurs un récapitulatif en fin d'ouvrage.
Pressentant probablement qu'il sera difficile de convaincre des occidentaux de la supériorité du soufisme sur toutes les autre religions Elif shafak a habilement choisi de placer son personnage principal dans le monde américain, a priori rationnel. On s'identifie à cette femme sans y prendre garde. Qui ne serait pas ému(e) comme elle d'apprendre qu'un parfait inconnu, dans un des coins les plus reculés du monde, a prié pour son bien-être et noué un ruban sur un arbre à souhaits ? (p. 72)
Nous sommes tous disposés à dresser comme elle une liste de dix résolutions à entreprendre d'urgence (p.134). Je parie que beaucoup vont se livrer à cet exercice dès le matin du premier janvier.
Les paroles du livre résonnent alors avec justesse : si tu veux changer la manière dont les autres te traitent, tu dois d'abord changer la manière dont tu te traites. Tant que tu n'apprends pas à t'aimer, pleinement et sincèrement tu ne pourras jamais être aimée. Quand tu arriveras à ce stade, sois pourtant reconnaissante de chaque épine que les autres pourront jeter sur toi. C'est le signe que bientôt tu recevras une pluie de roses.(p. 159)
Soufi, mon amour d' Elif Shafak, Phébus, 2010
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