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vendredi 24 décembre 2010

Lennon imaginé par David Foenkinos

Après une enfance terrible, une plongée précoce dans l’immense célébrité, sa rencontre décisive avec Yoko Ono, des années d’errance d'alcool et de drogue, John Lennon a décidé d’interrompre sa carrière en 1975, à l’âge de 35 ans, pour s’occuper de son fils Sean. Pendant cinq années, à New York, il s’est retiré de la vie médiatique et n’a pas sorti d’album. C’est durant cette période qu’il a pris le temps de réfléchir à la folie de son parcours. Jusqu’à ce que le fil de son existence soit brutalement interrompu, le 8 décembre 1980, jour de son assassinat par un déséquilibré. Imaginant les confessions du créateur des Beatles et s’emparant d’une période méconnue de sa vie, David Foenkinos dresse un portrait intime et inédit de John Lennon.

La couverture n’est pas engageante. L’aplat jaune citron jure au-dessus de la photo d’archive où le chanteur n’est pas à son avantage. Que des millions de femmes hystériques aient été prêtes à tout pour l’approcher est un mystère que la découpe du titre suggère d’éclaircir comme le faisceau d’une lampe torche braquée sur un indice.

Erreur de communication ou au contraire choix visionnaire pour évoquer la schizophrénie du personnage ? Lui-même s’étonnait d’être « un pauvre type se prenant pour Dieu ». Mort de trouille quand il lui fallait parler à deux personnes et parfaitement à son aise pour chanter devant un auditoire de 50000.

Mais plus que tout c’est le nom de David Foenkinos qui m’a donné envie de lire l’histoire d’un cafard qui rêvait d’arrêter la guerre en chantant Give peace a chance. L’auteur de la Délicatesse ne pouvait qu’exceller dans une biographie attentionnée et romantique.
Certaines bio sont comme des photos anthropométriques, faites dans les sous-sols de la PJ. D’autres ouvrent des univers comme savaient si bien le faire Sarah Moon ou Robert Doisneau. Peu m’importe donc que l’ouvrage de Foenkinos soit un peu, beaucoup ou très exact. S’il n’est pas académique il n’en est pas moins juste.

Au lieu de pointer le coté sale gosse de Liverpool comme le film Nowhere boy (sorti il y a quelques jours) semble le faire, David Foenkinos restitue les influences qui ont balloté John Lennon. Son récit avance, d’hypothèse en hypothèse, jetée chapitre après chapitre comme autant de dalles d’un chemin japonais assez tortueux. S’exprimant en son nom il nous livre le fruit de ce travail au cours de 18 séances de confidences imaginaires sur le divan d’un psy. Nous sommes conviés à ces conversations intimes où l’ordre chronologique n’a pas lieu d’être.

Ce qui importe est de comprendre ce que ses parents lui ont transmis. Son père voulait être chanteur (il a sorti un disque en utilisant quasiment le même titre qu’une de ses chansons); sa mère, qui jouait du banjo, lui a appris ses premiers accords. Mais aucun ne s’est comporté comme des parents doivent le faire avec leur progéniture. L’enfance de John est régie par l’ennui et la solitude.

L’imagination du gamin prend racine dans le néant et l’évasion semble la seule voie possible. Lennon sera marqué à vie par le sentiment du provisoire et ne se remettra pas d’un sentiment de laissé pour compte qui favorise les déceptions et les coups de foudre inverses. Rien d’étonnant à ce que son livre préféré ait été Alice au pays des merveilles.

L’histoire des Beatles démarre comme une révolte d’ado dans l’Angleterre bien lisse de la fin des années 50. Le groupe qui se constitue n’aurait pas du subsister. Quelques années d’écart entre les quatre garçons l’auraient fait voler en éclats s’il n’y avait eu la suppression du service militaire qui leur permet de ne pas se séparer. Une destinée tient à peu de choses comme celle-là.

On peut dire aussi que s’il n’avait pas obtenu (après des années de patience et de procédure) la citoyenneté américaine John Lennon n’aurait pas été assassiné à New York.

David Foenkinos fait revivre le combat contre sa violence intérieure alors que la société américaine est électrocutée par l’ampleur de la guerre du Vietnam et que John Lennon milite pour la paix. Il décrypte la fascination exercée par l’Inde sur de nombreuses personnalités du show-business.

Il analyse la rencontre essentielle avec Yoko Ono, la seule personne qui lui ait donné la force de s’accepter. Plus qu’une femm, Yoko fut un monde qui absorba tout entier le chanteur.
Il réussit surtout à nous rendre l’humanité d’un homme dont la vie ne lui appartenait plus, qui derrière ses petites lunettes d’intello sarcastique, n’aspirait qu’à la bonté et à l’amour. Un homme victime d’une célébrité atomique et qu’il sacrifia sans un regret pour élever son second fils.

L’auteur raille avec culot tous les connards qui font des livres sur Lennon, qui mythonnent 300 pages (p.124). A juste titre. Il a gagné son pari d’aller plus loin que les autres biographes, infiltrant le crâne de cet homme qui le touche, dont la musique l’accompagne tout le temps et qu’il admire d’une manière infinie.

David Foenkinos, Lennon, Plon, 236 pages

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