Quand on la connait on sait que le sujet la concerne. Sophie Adriansen est ce qu'on appelle une "grande fille". Mais ce n'est pas pour autant que son dernier roman pour la jeunesse est totalement le récit autobiographique de ses soucis d'adolescente.
Même si elle nous donne des clés à la fin du livre en nous livrant les sources de son inspiration. Elle glisse auparavant avec beaucoup d'humour qu'elle n'a pas donné son propre prénom à son héroïne (p. 13) comme s'il avait alors pu avoir une dimension prophétique.
En effet Sophie est aussi le nom d'une très populaire girafe, plébiscitée par les bébés, créée par la société Vulli en Haute-Savoie, appelée ainsi parce qu'elle a vu le jour le 25 mai 1961, jour de la Sainte Sophie.
La Grande Sophie est aussi une chanteuse que j'aime beaucoup. On peut tous et toutes se retrouver dans les livres de Sophie Adriansen. Parce que c'est une auteure qui maitrise très bien les ressorts de l'écriture. Que ce soit d'ailleurs dans le domaine littérature de jeunesse comme dans celui qui est plus dédié aux adultes.
Elle passe allègrement de l'un à l'autre, comme nombre d'autres écrivains qui ne sauraient pas choisir (ou qui ne voudraient pas ... ). Je citerai par exemple à Claire Castillon, Martin Page, Olivier Adam, Jeanne Benameur, Anna Gavalda, Christian Oster, Marie Desplechin ... la liste est longue. J'espère que comme moi vous êtes capable d'apprécier les deux versants.
Certes les codes sont différents mais une grande personne peut trouver un vrai plaisir de lecture et de réflexion dans un livre accessible à de jeunes lecteurs. Je pense notamment à l'excellente Pyramide des besoins de Catherine Solé dont je ne cesse de recommander la lecture autour de moi.
Les grandes jambes peut se caractériser comme un récit initiatique sur l'adolescence, la vocation et l'identité.
Marion, collégienne en pleine croissance, est obsédée par la longueur de ses jambes qui n’en finissent pas de s’allonger, rendant la recherche d’un jean qui lui aille bien extrêmement délicate. A l’âge des complexes, des premiers émois amoureux et de la construction de l’image de soi, être hors cadre se révèle parfois difficile, voire douloureux. Comment attirer les regards de Grégory, dont elle est amoureuse, avec un pantalon qui lui découvre les chevilles ? Mais alors que le collège part en voyage scolaire à Amsterdam, Marion profite de cette occasion pour élargir son horizon. Elle approfondit sa passion pour l’art, notamment en découvrant in situ le célèbre tableau de Rembrandt La Ronde de nuit, et met en perspective ces contrariétés d’adolescente née après l’an 2000 en visitant la maison d’Anne Frank.
Les complexes adolescents ne sont pas toujours correctement évalués par les adultes qui pensent que "ça passera". Grandir de 10 cm plusieurs années de suite n'est pas facile à vivre, surtout au début des années collège. On ne passe pas inaperçue en dépassant ses camarades d'une tête. Ce qui est original dans le traitement que Sophie Adriansen a choisi est de lier le complexe à un problème vestimentaire. Comme si le bon habit ferait oublier la différence.
Elle le lie aussi à un TOC, celui de la césure, qu'elle explique page 13. On est sans doute obsédé par les chiffres dès qu'on se sait différent de la moyenne. Rien d'étonnant à ce que Marion se cramponne à la statistique voulant (p. 44) que la hauteur d'un enfant de deux ans, multipliée par deux, prédise sa taille adulte.
Elle dote Marion de plusieurs atouts. Une maman qui la soutient et l'aide à résoudre son problème (tout le monde n'a pas comme alliée une maman qui sait coudre). C'est une "bonne" élève qui se révèlera complètement à l'occasion d'un travail commandé par le professeur d'arts plastiques. Elle se trouvera un point commun avec Anne Frank en visitant sa chambre à Amsterdam. Elle aussi a grandi "trop vite" en prenant 13 cm en l'espace de douze mois.
Et puis elle découvrira qu'elle peut être belle dans le regard de l'autre. Bref, ces Grandes jambes sont à lire à tout âge, comme d'ailleurs le précédent ouvrage de Sophie, Max et les poissons, qui ne cesse de recevoir des récompenses, très méritées.
Sophie Adriansen passera l'été à écrire. Trois nouveaux romans pour la jeunesse devraient sortir sous sa signature en 2017.
Les grandes jambes de Sophie Adriansen aux éditions Slalom, en librairie depuis le 9 juin 2016.
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