Le Salon de Montrouge est un tremplin pour les artistes qui n'ont pas encore acquis une forte notoriété et dont le jury de sélection estime que le talent mérite d'être exposé. Aucun des noms qui suivront ne vous "parlera" donc. Mais si j'avais écrit cet article il y a quelques années vous auriez lu par exemple celui de Hervé Di Rosa ou de Felice Varini ou de Jean-Michel Alberola, président d'honneur de la 60 ème édition.
Le Salon a changé un peu sur le plan de la forme (en terme de processus de sélection et de scénographie de présentation) avec l'arrivée l'an dernier d'Ami Barak au commissariat artistique mais l'esprit demeure. 53 artistes ont émergé sur les 3000 dossiers reçus.
Je recommande à ceux qui veulent approfondir leur connaissance de l’art contemporain de faire une visite avec les médiateurs culturels (le premier samedi et tous les dimanches de l’exposition). La sélection d'oeuvres qui suit n'est que le reflet de ce qui attira mon oeil le matin de ma venue ... avant la proclamation des récompenses. Et j'ai respecté la catégorisation retenue cette année autour de quatre thématiques :
Elevage de poussière
Autour d'œuvres troublantes et mystérieuses, réalisées cependant à partir de matériaux souvent considérés comme ordinaires. En envisageant des dispositifs qui décomposent les perceptions, ou en s’appuyant sur des processus évolutifs, les artistes questionnent la réalité de la matière tout en veillant à transmettre une sensibilité originelle.
Manoela Medeiros est née en 1991 à Rio de Janeiro. Elle vit et travaille entre la France et le Brésil. Elle m'a expliqué que pour réaliser la série Ruines, dont la première oeuvre est présentée ici, elle a peint plusieurs couches monochromes, qu'elle a ensuite grattées, en laissant les débris au sol, intentionnellement, à l'instar de Jean-Baptiste Caron qui expose actuellement au cnaei de Chatou.
Son travail est intimement lié à l'architecture, et à l'archéologie de l'espace. Des moisissures peuvent apparaitre. Des insectes parcourir les tableaux. Ces aléas sont en quelque sorte intégrés dans la démarche.
Vous la voyez à coté de Hiatus, une pièce plâtrée qui est un tasseau de bois peint correspondant aux dimensions d'un espace de la cloison auparavant raclé, créant une interrogation mettant en tension le vide et le plein.
Née à Clermont-Ferrand en 1992, lieu où elle a fait ses études d’art, Camille Brée vit et travaille actuellement à La Courneuve. Elle s’intéresse aux formes simples et minimales, qui privilégient la discrétion contre le trop-plein et la saturation visuelle. Elle s'attache à montrer ce qu'on ne voit pas. Elle a réalisé spécialement pour le salon une installation composée de 4 éléments ci-dessus représentés :
- Le fond résulte d'un geste pictural consistant à appliquer une couche de vernis translucide, à même le mur. Ce matériau, choisi par les artistes pour son invisibilité est ici sublimé. Le visiteur se trouve en situation lui aussi inversée puisque traditionnellement le vernis était appliqué à la toute fin, avant d'ouvrir officiellement les portes d'une exposition (d'où le terme de vernissage) aux privilégiés qui découvraient le site en avant-première.
- Les éclats, sont des projections lumineuses que le visiteur peut croire naturelles mais qui sont formées grâce à un mécanisme technique et artificiel. Là encore la perception est une nouvelle fois fictionnalisée. On remarque une de ces fragiles lucioles, selon les termes de Camille, en haut de la photo.
- Les éléments lucides, sont des prismes en verre disposés à même le sol, révélant les interstices entre le sol et la cloison.
- L’étrangère, enfin, est un projecteur d’une intense lumière dirigée contre la cimaise et qui crée des ombres, en l'occurrence celle des visiteurs et ici la mienne, intentionnellement.
Née à Nice en 1989 où elle vit et travaille, ancienne élève de la Villa-Arson, Jeanne Berbineau-Aubry fut lauréate de la villa Médicis en 2015. Elle travaille beaucoup sur les lumières, ascendantes comme celle d'une flamme de cierge, descendantes, comme une série d'ampoules composant un lustre. Pour le Salon, elle présente des Néons cristallisés ainsi que des liqueurs en macération. Celles-ci sont formées d’éléments naturels prélevés dans son environnement direct à la villa Médicis, et offrent une expérience olfactive propice à la réminiscence des souvenirs fragmentaires associés à son séjour.
Semblant être en suspension, ces éprouvettes sont perçues à ce stade comme des parfums ou des liqueurs. Un nez exercé reconnaitra la menthe et quelques autres plantes médicinales.
J'ai choisi ce cliché comme exemple de cartel. Les commissaires auraient-ils cherché à faire un geste artistique en accentuant sur le prénom (symbolique de la jeunesse des artistes ?) et/ou en limitant la visibilité en les positionnant très bas, dans une typo peu lisible sans lunettes grossissantes ?
Née en 1991 à Jette (Belgique), Constance Sorel vit et travaille à Paris. Avec Teresia, les voilages tombent à ras du cartel, créant un effet artistique supplémentaire. Cet ensemble de voilages blancs, issus du monde entier, semblent uniformes, mais ont chacun leur manière de refléter la lumière.
Posé sur le sol Arc-en-ciel est un ensemble d'objets en verre, cristal et ampoules, lampe-torche, prismes et miroir, qui donne à voir la preuve de petites apparitions colorées.
Vous la voyez à coté de Hiatus, une pièce plâtrée qui est un tasseau de bois peint correspondant aux dimensions d'un espace de la cloison auparavant raclé, créant une interrogation mettant en tension le vide et le plein.
Née à Clermont-Ferrand en 1992, lieu où elle a fait ses études d’art, Camille Brée vit et travaille actuellement à La Courneuve. Elle s’intéresse aux formes simples et minimales, qui privilégient la discrétion contre le trop-plein et la saturation visuelle. Elle s'attache à montrer ce qu'on ne voit pas. Elle a réalisé spécialement pour le salon une installation composée de 4 éléments ci-dessus représentés :
- Le fond résulte d'un geste pictural consistant à appliquer une couche de vernis translucide, à même le mur. Ce matériau, choisi par les artistes pour son invisibilité est ici sublimé. Le visiteur se trouve en situation lui aussi inversée puisque traditionnellement le vernis était appliqué à la toute fin, avant d'ouvrir officiellement les portes d'une exposition (d'où le terme de vernissage) aux privilégiés qui découvraient le site en avant-première.
- Les éclats, sont des projections lumineuses que le visiteur peut croire naturelles mais qui sont formées grâce à un mécanisme technique et artificiel. Là encore la perception est une nouvelle fois fictionnalisée. On remarque une de ces fragiles lucioles, selon les termes de Camille, en haut de la photo.
- Les éléments lucides, sont des prismes en verre disposés à même le sol, révélant les interstices entre le sol et la cloison.
- L’étrangère, enfin, est un projecteur d’une intense lumière dirigée contre la cimaise et qui crée des ombres, en l'occurrence celle des visiteurs et ici la mienne, intentionnellement.
Née à Nice en 1989 où elle vit et travaille, ancienne élève de la Villa-Arson, Jeanne Berbineau-Aubry fut lauréate de la villa Médicis en 2015. Elle travaille beaucoup sur les lumières, ascendantes comme celle d'une flamme de cierge, descendantes, comme une série d'ampoules composant un lustre. Pour le Salon, elle présente des Néons cristallisés ainsi que des liqueurs en macération. Celles-ci sont formées d’éléments naturels prélevés dans son environnement direct à la villa Médicis, et offrent une expérience olfactive propice à la réminiscence des souvenirs fragmentaires associés à son séjour.
Semblant être en suspension, ces éprouvettes sont perçues à ce stade comme des parfums ou des liqueurs. Un nez exercé reconnaitra la menthe et quelques autres plantes médicinales.
J'ai choisi ce cliché comme exemple de cartel. Les commissaires auraient-ils cherché à faire un geste artistique en accentuant sur le prénom (symbolique de la jeunesse des artistes ?) et/ou en limitant la visibilité en les positionnant très bas, dans une typo peu lisible sans lunettes grossissantes ?
Née en 1991 à Jette (Belgique), Constance Sorel vit et travaille à Paris. Avec Teresia, les voilages tombent à ras du cartel, créant un effet artistique supplémentaire. Cet ensemble de voilages blancs, issus du monde entier, semblent uniformes, mais ont chacun leur manière de refléter la lumière.
Posé sur le sol Arc-en-ciel est un ensemble d'objets en verre, cristal et ampoules, lampe-torche, prismes et miroir, qui donne à voir la preuve de petites apparitions colorées.
Le laboratoire des formes
À de nombreux égards, l’histoire des arts peut être assimilée à une histoire des formes. Qu’il s’agisse de les mettre en exergue, de les dissocier de la réalité ou, au contraire, d’interroger leur proximité avec des motifs culturels, sociaux voire politiques. Comme si le carré, le triangle ou le cercle constituaient une trame de départ à partir de laquelle il devient possible de méditer sur le monde. Les artistes réunis dans ce chapitre nous montrent qu’elles possèdent, malgré tout, la capacité de se renouveler et d’enclencher de nouvelles dynamiques.
Né à Tokyo en 1985, Masahiro Suzuki réside actuellement à Marseille. Ses nombreux voyages, sont la source première de son œuvre. Paysage de la peinture en témoigne en immergeant le spectateur dans une oeuvre qui se découvre à 360°. La peinture devient volume, de différentes hauteurs, en construisant plusieurs niveaux de regard et de lecture.
L’installation est composée de plusieurs "peintures debout" de dimensions variables et de cadres tridimensionnels accrochés aux murs. Les premières sont constituées de cages en bois réalisées par un menuisier, recouvertes ensuite d’une toile en coton puis d’une couche de poudre de marbre. L'artiste utilise principalement des pigments locaux, surtout des ocres du Lubéron. Le pigment est mélangé à de l’huile d’œillette, qui permet une bonne conservation, et est dilué dans de la térébenthine, associée notamment à de l’essence de lavande qui embaume l’espace de l’œuvre.
Les cadres sont quant à eux formés des résidus de l’atelier et d’objets trouvés, souvent en Italie, comme ici une pierre glané à Pompéi, ou là une coquille d'oursin qui sent encore les effluves iodées de la mer.
L'artiste est aussi marqué par son pays d'origine, le Japon où le regard fait partie intégrante de toutes les oeuvres, y compris paysagères.
Nicolas Balleriaud est né en 1991. Il vit et travaille à Lyon. Ses installations sont de l'ordre des reliques. Il mêle le dispositif du théâtre, de la scène et des décors, à l’agencement de notre environnement quotidien et usuel comme ici avec Sainte Hygiène, un ensemble de 90 sculptures, étagères, matériaux divers.Née en 1992 à Saragosse (Espagne), Léna Brudieux vit et travaille à Bordeaux. Elle s'intéresse aux habitudes culturelles et à la manière dont nous les interprétons de façon plus ou moins consciente à l'échelle individuelle. Un empilements de vaisselle traduit le décalage du quotidien. One Becomes a Dear friend, the other not est conçue autour et avec une sculpture centrale encadrée par des photographies.
Fiction des possibles
Le métissage entre le réel et la fiction est au cœur des œuvres de ce chapitre. Pour chacun des artistes il s’agit de signifier le rôle de la fiction dans notre manière de décrypter la réalité, bien qu’elle semble contenir, par définition, des éléments non référentiels. Chaque œuvre, en partant de paradoxes formels ou de situations inconcevables, devient ainsi un espace d’expérimentation, capable d’enclencher des expériences de pensée.
Suzanne Husky en fait la démonstration la plus forte. Née à Bazas en 1975 en Aquitaine, formée en art et en paysagisme, vivant à San Francisco, elle pervertit la tapisserie de la Dame à la licorne en introduisant une pelleteuse dans ce jardin idéal.
Pour les vases, elle remplace les scènes pastorales par des scènes actuelles avec manifestants et forces de l’ordre. Ses détournements prennent ainsi une dimension politique.
Dorian Cohen est né en 1987 à Paris et il y travaille. Il a peint cet immense Départ en vacances en 2015, sans représenter le moindre véhicule malgré l'imposante géométrie des voies de circulation dans un paysage qui pourrait avoir été fantasmé.
Suzanne Husky en fait la démonstration la plus forte. Née à Bazas en 1975 en Aquitaine, formée en art et en paysagisme, vivant à San Francisco, elle pervertit la tapisserie de la Dame à la licorne en introduisant une pelleteuse dans ce jardin idéal.
Pour les vases, elle remplace les scènes pastorales par des scènes actuelles avec manifestants et forces de l’ordre. Ses détournements prennent ainsi une dimension politique.
Dorian Cohen est né en 1987 à Paris et il y travaille. Il a peint cet immense Départ en vacances en 2015, sans représenter le moindre véhicule malgré l'imposante géométrie des voies de circulation dans un paysage qui pourrait avoir été fantasmé.
Récits muets
Ils proposent une lecture du monde au travers de récits réels ou fictionnels qui emploient autant les objets que les paroles et le corps. En jouant avec la forme inachevée du récit, les artistes donnent forme à des faits authentiques (restituer une expérience singulière) ou imaginaires, tout en laissant les temps passés, présents et futurs en suspens.
Laurence Cathala est née en 1981 à Chatenay-Malabry et vit et travaille à Lyon sur de multiples supports : dessin, sculpture, pratiques numériques et éditions, installation, pratiques mixtes, et s'intéresse particulièrement aux livres. On voit ci-dessus une oeuvre immense, La Première Version, composée d'un grand texte imprimé sur papier et des annotations manuscrites sous forme de post-it colorés autour du texte.
L'oeuvre construit un dialogue entre un auteur fictif et le spectateur qui mènerait une enquête sur le livre dans un futur lointain.
Née en 1980 à Villeurbanne Mathilde Chenin vit et travaille à Aubervilliers quand elle n'est pas sur les routes du monde entier. Elle aussi emploie les post-it depuis très longtemps, initialement comme outils pour manipuler sa pensée. Avec le temps ils sont devenus le medium essentiel de son art.
Histoires des ensembles est une installation de notes repositionnables en papier et d'une table à tapisser. Elle est organisée sur le principe d'une line map, gelée ici, faisant se rencontrer à Montrouge trois ensembles construit de 2002 à 2016. les mots et les territoires qu'ils dessinent sont issus de moments de vie partagés avec différents collectifs, notamment au Mexique. L'artiste chorégraphie en quelque sorte le travail de mémoire avec un poésie très perceptible derrière la force politique.
Julie Le Toquin est née en 1992 à Quimper et vit et travaille à Paris . Cette orpheline de père et de mère a développé depuis ses 9 ans de multiples protocoles d'auto-archivage (journal intime, conservation de documents, ...) afin de conserver sa mémoire. Sa démarche vise à interroger notre rapport à la mémoire. Elle parle d'elle pour parler des autres, et prendre du recul par rapport à la société dans laquelle nous vivons, aux souvenirs, aux rituels... La robe pendue à Montrouge a été coupée dans un tissu sur lequel Julie a recopié à l'encre deux de ses journaux intimes. Ce vêtement, qu'elle porte régulièrement, place le spectateur en position de voyeur, pour peu qu'il l'accepte.
Sur la table se déploie sous forme de rouleau Combien de temps êtes-vous prêt à passer avec moi pour me découvrir ? qui propose la lecture d'un journal intime rédigé depuis ses dix ans.
Dans le hall les oeuvres de Pauline Bastard sont regroupées dans une installation, humoristiquement nommée Unamed qui suscite un sentiment d'étrange. Elle met à distance notre réalité. Elle investit les panneaux publicitaires de la ville de Montrouge comme lieu de monstration des avatars humains de la série Prestige. Elle en décline quelques-uns sur un mobilier promotionnel disposé dans les espaces du Beffroi. Ses visages attirent et interrogent.
Le salon de MontrougeLaurence Cathala est née en 1981 à Chatenay-Malabry et vit et travaille à Lyon sur de multiples supports : dessin, sculpture, pratiques numériques et éditions, installation, pratiques mixtes, et s'intéresse particulièrement aux livres. On voit ci-dessus une oeuvre immense, La Première Version, composée d'un grand texte imprimé sur papier et des annotations manuscrites sous forme de post-it colorés autour du texte.
L'oeuvre construit un dialogue entre un auteur fictif et le spectateur qui mènerait une enquête sur le livre dans un futur lointain.
Née en 1980 à Villeurbanne Mathilde Chenin vit et travaille à Aubervilliers quand elle n'est pas sur les routes du monde entier. Elle aussi emploie les post-it depuis très longtemps, initialement comme outils pour manipuler sa pensée. Avec le temps ils sont devenus le medium essentiel de son art.
Histoires des ensembles est une installation de notes repositionnables en papier et d'une table à tapisser. Elle est organisée sur le principe d'une line map, gelée ici, faisant se rencontrer à Montrouge trois ensembles construit de 2002 à 2016. les mots et les territoires qu'ils dessinent sont issus de moments de vie partagés avec différents collectifs, notamment au Mexique. L'artiste chorégraphie en quelque sorte le travail de mémoire avec un poésie très perceptible derrière la force politique.
Julie Le Toquin est née en 1992 à Quimper et vit et travaille à Paris . Cette orpheline de père et de mère a développé depuis ses 9 ans de multiples protocoles d'auto-archivage (journal intime, conservation de documents, ...) afin de conserver sa mémoire. Sa démarche vise à interroger notre rapport à la mémoire. Elle parle d'elle pour parler des autres, et prendre du recul par rapport à la société dans laquelle nous vivons, aux souvenirs, aux rituels... La robe pendue à Montrouge a été coupée dans un tissu sur lequel Julie a recopié à l'encre deux de ses journaux intimes. Ce vêtement, qu'elle porte régulièrement, place le spectateur en position de voyeur, pour peu qu'il l'accepte.
Sur la table se déploie sous forme de rouleau Combien de temps êtes-vous prêt à passer avec moi pour me découvrir ? qui propose la lecture d'un journal intime rédigé depuis ses dix ans.
Dans le hall les oeuvres de Pauline Bastard sont regroupées dans une installation, humoristiquement nommée Unamed qui suscite un sentiment d'étrange. Elle met à distance notre réalité. Elle investit les panneaux publicitaires de la ville de Montrouge comme lieu de monstration des avatars humains de la série Prestige. Elle en décline quelques-uns sur un mobilier promotionnel disposé dans les espaces du Beffroi. Ses visages attirent et interrogent.
Le Beffroi, 2, Place Emile Cresp - 92120 Montrouge
Du 27 avril au 24 mai 2017
De 12h à 19h tous les jours, même fériés
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