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lundi 10 avril 2017

Le Boeuf sur le toit revoit sa carte des desserts avec Philippe Uracca



On connait tous son nom. Le Boeuf sur le toit reste une brasserie dont l'enfilade de salles fait forte impression, pour son volume et sa décoration Art déco à la fois simple et imposante.

Ce fut longtemps un lieu mythique du jazz, certains emploieraient le terme de temple. Nous sommes à quelques pas des Champs-Elysées et pourtant le calme règne dans ce lieu hors du temps mais jamais dispensé de modernité. L'endroit entretient ses réputations. Coté musique, le jazz a la place d'honneur tous les jeudis.

Coté cuisine les chefs successifs (Geoffrey Servant depuis début 2017) ont su allier modernité et élégance tout en osant les dernières tendances d’une cuisine originale et élaborée.

Olivier Streiff, le restaurateur expérimenté et demi-finaliste au look atypique de Top Chef 2015, avait proposé, du 15 février au 5 mai 2016, un menu éphémère à son image et empreint d’inventivité en collaboration avec le chef du restaurant.

C'est maintenant Philippe Urraca, Meilleur Ouvrier de France, qui collabore à la carte pour quelques semaines avec deux desserts extrêmement raffinés.

Ceux qui suivent l'actualité pâtissière le savent : il affectionne les profiteroles. Il a même ouvert une boutique, Profiterole chérie, où il la décline de toutes les manières possibles. Et il est incalable sur le sujet. Ainsi il nous a appris que la profiterole, qui signifie petit profit, était au XVI° siècle un petit cadeau qu'on offrait aux domestiques qui avaient bien travaillé.

La profiterole est un des desserts préférés des français, trop souvent dégradée dans les restaurants, surtout quand les choux y sont congelés alors qu'ils doivent être cuits "à la minute".

Si elle a été cuite moins de 45 minutes avant d'être garnie (au moment de servir) elle est alors sublime. C'est dans cette direction que Philippe Urraca a travaillé avec Kevin, le chef pâtissier du restaurant.
J'ai eu la chance de suivre la réalisation des deux desserts en cuisine. Je pourrais en donner les recettes mais on ne peut pas rivaliser avec un MOF, juste peut-être s'en inspirer en reprenant certains de ses conseils.
Par exemple respecter ce temps de 45 minutes, penser à coiffer avant de le cuire, le chou d'un crumble pour le croustillant (avec un mélange de 140 g de beurre pommade - 170 de cassonade -200 de farine T55 et 30 g d'eau) et ne pas oublier la sauce d'accompagnement incontournable pour transcender un chou en profiterole.
Ce sont deux variations que le grand pâtissier a imaginé pour le Boeuf sur le toit  et vous pouvez suivre ci-dessous la suite du déroulé de la réalisation du Soufflé tiède aux agrumes confits, chou craquelin, sorbet à l’orange pressée
 
La seconde est une Profiterole au chocolat Valrhona Caraïbe, glace aux oeufs et vanille Bourbon de Madagascar
Le chef nous a montré comment présenter le dessert en ayant soin d'emportepiècer le chapeau du chou pour en soigner la présentation et puis combiner deux types de chocolat, par exemple le Guanaja  à 70% pour la mousse au chocolat qui garnira un des deux choux et le Papouasie, plus doux, pour la sauce.
Tous ses secrets sont dans le livre qu'il a publié sur le sujet en 2014 chez Solar. Pour aller plus loin il faut se plonger dans celui qu'il a écrit avec Cécile Coulier et qui est le premier "vrai" pas à pas autant détaillé en pâtisserie, du moins parmi les ouvrages que je connais.
Chaque page donne au moins une astuce, un conseil, une explication.
Chaque spécialité est déclinée en plusieurs déclinaisons à laquelle s'ajoute une recette d'exception, proposée par un grand chef, pas nécessairement Philippe Urraca.
Je vous recommande ces deux desserts mais ceux que proposent le chef pâtissier Kevin ne déméritent pas. Ils seront bientôt remplacé par des combinaisons associant les fruits rouges dès qu'ils seront de saison.
Pour le moment le préféré reste "La tête dans les nuages" : minestrone de fruits exotiques, granité Campari passion et espuma au yaourt à la grecque au miel (de litchi me précise Kévin) de la Réunion. Ce dessert sera prochainement revisité avec un granité Mojito.
Il y a aussi un Praliné feuillantine, dacquoise noisette, bavaroise pralinée et Chantilly pralinée

Et puis un Sablé Guanaja, crémeux chocolat, Chantilly infusée vanille Bourbon à l'orange, offrant une alliance entre une légère noisette et un praliné intense.
Pour les férus d'histoire, une chanson populaire de l'époque, O Boi no Telhado avait fortement impressionné le compositeur Darius Milhaud au cours de son voyage au Brésil. Il donna ce nom à son retour à paris un ballet-comédie et par voie de conséquence le restaurant où toute la bande se retrouvait le soir pour jouer du jazz prit le même nom ... le boeuf sur le toit.

Le Boeuf sur le toit fut l'épicentre mondain des années vingt qui vit danser, chanter et battre le cœur du Tout-Paris. C'était alors le rendez-vous des artistes, écrivains, musiciens, créateurs et grands couturiers, mais le restaurant n'était pas encore installé à cette époque au 34 rue du Colisée.
Il déménagea de nombreuses fois (le restaurant est tout de même rue du Colisée depuis 1941), mais conserva toujours son nom, qui a même donné au jazz l’expression "faire un bœuf" - héritage probable des invitations lancées par Django Reinhardt à ses comparses en fin de concerts. "On se fait un bœuf ?" était devenu synonyme de "rendez-vous au Boeuf ... sur le toit".

Certains soirs Cocteau jouait à la batterie offerte par Coco Chanel, Juliette Greco chantait, Charles Trenet et Léo Ferré mettaient des poèmes en musique.  C'était "the place to be" où se plurent Raymond Radiguet, Max Jacob, Paul Morand, Louis Aragon, Maurice Sachs, François Mauriac, Jacques Maritain, Joseph Kessel, Jean Hugo, André Gide…

Le Bœuf sur le toit fut le temple convivial des idées d’avant-garde et le refuge joyeux des fins de soirées des musiciens qui s’y retrouvent pour d’infinis concerts improvisés. Il l'est toujours.

Le Boeuf sur le toit
34 Rue du Colisée, 75008 Paris
01 53 93 65 55
Soirée jazz le jeudi
Ouvert sept jours sur sept
De 12h à 15h et de 19h à 23h (minuit les vendredi et samedi)

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