C'était jusqu'au 14 février au Théâtre 13 mais le spectacle va tourner et vous pouvez par exemple le voir le vendredi 11 mars à 20 h 30 au Théâtre Victor Hugo de Bagneux (92).
Fabian Chappuis signe l'adaptation, la mise en scène et une scénographie assez originale mais très fonctionnelle. Trois pans de murs mobiles, qui dès le début de la représentation sont badigeonnés dans un camaïeu de blanc-Terre de Sienne-gris bleuté. D'abord support pour des courtes vidéos, un peu à la manière de ce qu'avait tourné Andy Warhol, avec ses portraits de célébrités censées ne pas bouger.
Les visages sont muets, devant l’objectif, mais expressifs, fixant le spectateur avec gravité. Une certaine gêne s'infiltre parmi le public qui s'installe alors que les films s'enchaînent sans qu'un mot soit prononcé.
Ces panneaux deviendront plus tard une rue, une place, l'intérieur d'une maison, un chemin de fuite. Une chorégraphie muette d’entrées et de sorties annonce le réel commencement de la pièce. Barbeline (Elisabeth Ventura) remet du blanc sur la maison de son père. La peur d'une attaque est bien présente.
À la fois cruelle et bouleversante, parfois drôle aussi, Andorra dénonce les mécanismes sournois de la haine et de l’exclusion. C'est un portrait acide et sans concession de ces "petites gens" qui les attisent et les propagent mais aussi de ceux qui en deviennent les victimes expiatoires.
Écrite en 1961, la pièce est un formidable appel à la vigilance, à la résistance, au refus de l’obéissance aveugle et résonne encore aujourd’hui de toute sa vérité.
Andorra est un petit pays imaginaire "pays pauvre et inoffensif, tranquille, où on sert Dieu" qui attend avec angoisse l’invasion des Casaques Noires, les redoutables soldats de la dictature voisine. Jusqu’ici, il s’agissait d’un îlot de tranquillité, autoproclamé pur et "vierge de toute culpabilité" par ses habitants. Les façades de leurs maisons ne sont-elles pas blanches comme neige ? Ne tolèrent-ils pas justement chez eux la présence d’un Juif, preuve irréfutable qu’ils ne sont pas comme les "barbares" d’à côté ?
Ce Juif, c’est Andri (Romain Dutheil) un jeune homme que le maître d’école (Laurent d’Olce) aurait, selon la version officielle, courageusement enlevé des griffes du pays des Casaques Noires. Un acte magnifique dont se gargarise la population d’Andorra. Les mêmes vont changer d'avis au moment où une menace d’invasion se précise… grandioses de mauvaise foi et affligeants de lâcheté, estimant qu'il vaut peut-être mieux se débarrasser de cet encombrant réfugié.
Le venin de l’antisémitisme s’insinue doucement mais inexorablement : le menuisier ne veut pas d’Andri comme apprenti, le soldat le provoque continuellement, le médecin rechigne à le soigner, l’aubergiste à le servir. Le drame paraît désormais inéluctable.
Le maître d’école finit par dévoiler la vérité : Andri n’est pas juif mais le fruit d’une relation extraconjugale qu’il eut jadis avec une femme du pays des Casaques Noires, la Senora (Anne Coutureau). L’enseignant, n’ayant pas eu le courage d’assumer sa liaison, inventa de toute pièce la belle histoire du Juif sauvé d’une mort certaine.
Malheureusement il est trop tard pour arrêter les loups. Andri, à force de subir la vindicte populaire, endosse fermement et fatalement une identité qui n’est pas la sienne. Le sacrifice ne pourra pas être évité. Toute la question est de juger de son utilité.
On ne peut que saluer le travail de troupe choral, précis et exigent, qui porte cette histoire, en lui donnant un souffle émouvant et un rythme toujours soutenu. Le texte dénonce les comportements des villageois en décortiquant le mécanisme :
Ces panneaux deviendront plus tard une rue, une place, l'intérieur d'une maison, un chemin de fuite. Une chorégraphie muette d’entrées et de sorties annonce le réel commencement de la pièce. Barbeline (Elisabeth Ventura) remet du blanc sur la maison de son père. La peur d'une attaque est bien présente.
À la fois cruelle et bouleversante, parfois drôle aussi, Andorra dénonce les mécanismes sournois de la haine et de l’exclusion. C'est un portrait acide et sans concession de ces "petites gens" qui les attisent et les propagent mais aussi de ceux qui en deviennent les victimes expiatoires.
Écrite en 1961, la pièce est un formidable appel à la vigilance, à la résistance, au refus de l’obéissance aveugle et résonne encore aujourd’hui de toute sa vérité.
Andorra est un petit pays imaginaire "pays pauvre et inoffensif, tranquille, où on sert Dieu" qui attend avec angoisse l’invasion des Casaques Noires, les redoutables soldats de la dictature voisine. Jusqu’ici, il s’agissait d’un îlot de tranquillité, autoproclamé pur et "vierge de toute culpabilité" par ses habitants. Les façades de leurs maisons ne sont-elles pas blanches comme neige ? Ne tolèrent-ils pas justement chez eux la présence d’un Juif, preuve irréfutable qu’ils ne sont pas comme les "barbares" d’à côté ?
Ce Juif, c’est Andri (Romain Dutheil) un jeune homme que le maître d’école (Laurent d’Olce) aurait, selon la version officielle, courageusement enlevé des griffes du pays des Casaques Noires. Un acte magnifique dont se gargarise la population d’Andorra. Les mêmes vont changer d'avis au moment où une menace d’invasion se précise… grandioses de mauvaise foi et affligeants de lâcheté, estimant qu'il vaut peut-être mieux se débarrasser de cet encombrant réfugié.
Le venin de l’antisémitisme s’insinue doucement mais inexorablement : le menuisier ne veut pas d’Andri comme apprenti, le soldat le provoque continuellement, le médecin rechigne à le soigner, l’aubergiste à le servir. Le drame paraît désormais inéluctable.
Le maître d’école finit par dévoiler la vérité : Andri n’est pas juif mais le fruit d’une relation extraconjugale qu’il eut jadis avec une femme du pays des Casaques Noires, la Senora (Anne Coutureau). L’enseignant, n’ayant pas eu le courage d’assumer sa liaison, inventa de toute pièce la belle histoire du Juif sauvé d’une mort certaine.
Malheureusement il est trop tard pour arrêter les loups. Andri, à force de subir la vindicte populaire, endosse fermement et fatalement une identité qui n’est pas la sienne. Le sacrifice ne pourra pas être évité. Toute la question est de juger de son utilité.
On ne peut que saluer le travail de troupe choral, précis et exigent, qui porte cette histoire, en lui donnant un souffle émouvant et un rythme toujours soutenu. Le texte dénonce les comportements des villageois en décortiquant le mécanisme :
La haine m’a fait pousser des ailes. La haine rend patient et dur.
Malgré tout la dernière réplique est déconcertante : Un jour ou l’autre faut savoir oublier, c’est mon humble avis.
De Armand Jacob (Max Frisch Édition de 1965)
Par la Cie Orten
Adaptation, mise en scène et scénographie : Fabian Chappuis assisté : d'Emmanuel Mazé
Vidéo : Bastien Capela et Quentin Defalt
Avec : Alban Aumard, Anne Coutureau, Romain Dutheil, Stéphanie Labbé, Hugo Malpeyre, Laurent d'Olce, Loïc Risser, Marie-Céline Tuvache, Elisabeth Ventura, Eric Wolfer
Lumière : Florent Barnaud
Le vendredi 11 mars à 20 h 30
Théâtre Victor Hugo, 14 avenue Victor Hugo, 92220 Bagneux, 01 46 63 96 66
Création janvier 2016 - Théâtre 13 / Paris Production Compagnie Orten, avec le soutien du Festival d'Anjou - Prix des compagnies 2013. Spectacle créé en collaboration avec le Théâtre 13 coproduction Théâtre Victor-Hugo Bagneux
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