Un étage au-dessus de l'exposition consacrée aux papiers peints, toujours dans les galeries d’études, ce sont les tissus qui sont à l'honneur à travers au premier grand hommage jamais rendu à cette figure majeure de la décoration intérieure qu'est Pierre Frey, l'homme comme l'entreprise.
En célébrant l’histoire et l’identité de cette Maison, cette exposition de près de 200 pièces plonge le visiteur dans les coulisses du métier d’éditeur de tissus d’ameublement et de papiers peints afin de révéler ses sources d’inspiration et ses méthodes de production.
Né en 1903, Pierre Frey fait ses premiers pas à Douai. La crise des emprunts russes le pousse à s’installer à Paris avec sa mère. Il débute sa carrière professionnelle à l’âge de dix-sept ans chez un chapelier avant d’être recruté par la maison Burger, fabricant de tissus d’ameublement, en tant que coupeur. Il devient en 1933 directeur de la Maison Lauer où il rencontre le dessinateur Jean Chatanay, avec lequel il s’associe pour créer leur propre société Chatanay et Frey, au départ installée rue des Jeûneurs à Paris.
En 1937, après avoir racheté les parts de son collaborateur, il inaugure la Maison Pierre Frey, installée au 47 rue des Petits-Champs, où se trouve encore le siège social de l’établissement. Les valeurs qu’il instaure à l’époque demeurent aujourd’hui intactes grâce à ses trois petits-enfants et son fils, Patrick Frey qui est responsable de la Maison depuis 1975.
Les collections du musée des arts décoratifs ont souvent inspirés les dessinateurs de Pierre Frey. Rien d'étonnant à voir ce dessin intitulé les Plumes (de Jean Chatanay) qui deviendra le logo de la marque jusqu'en 1950.
Comme ces gouaches de costumes traditionnels indiens achetées en Inde (qui a inspiré un tissu appelé Gaya Original en 2012), ou une peinture des toits de Paris, une photo de voiles au cours d'une régate à Saint Tropez, le plat en céramique dessiné par Vincent Buffile en 2011.
Le parcours révèle les plus belles réalisations conçues par la Maison Pierre Frey depuis 1935, soit 80 années de création, dans un déroulé chronologique, hormis la première salle qui, à elle seule embrasse tout l'univers de la marque, en côtoyant des travaux d’artistes contemporains réunis en exclusivité pour l’occasion. Elle illustre aussi avec pédagogie les méthodes de fabrication avec un film qui retrace les différentes étapes. Aujourd’hui, cette maison est toujours dirigée par Patrick Frey, entouré de ses trois fils, Pierre, Vincent et Matthieu.
La suite du parcours de l’exposition présente des textiles et des papiers peints emblématiques, disposés aux côtés d’œuvres du musée des Arts décoratifs, ce qui permet d’insister sur les contextes historiques et artistiques dans lesquels ces travaux ont été réalisés et de faire revivre les goûts et les tendances de temps révolus. L'ensemble est peut-être un peu dense. Le visiteur a peu de place pour circuler et il est mal commode de repérer le nom des oeuvres en l'absence de cartels. Il faut chercher sur de grandes fiches plastifiées la correspondance entre photo et texte ...
Voici quelques tissus qui ont retenu mon attention mais je vous engage vraiment à faire votre propre sélection. Tout est remarquable.
Le soleil à moustache d'Irène Rohr 1944 derrière la Reine, sculpture de 1959 de Janine Janet (1913-2000)
Cannage de Germaine Midy 1951 derrière une chaise d'Alexandre Noll 1890-1970 datant de 1946-47
Plusieurs best-sellers sont des tissus fleuris. Voici Déjeuner sur l'herbe 1944 de Jean Denis Maclès,
Jardins fleuris de Giraud 1955 et Plantes vivaces de Vladimir Aslanian 1958.
Dans les années 60-70 le pop-art impose des impressions de mouvement pour créer l'illusion. La toile de Jouy et le second Empire reviennent à la mode comme ne témoigne ce Velours Garnier 1963, qui reproduit un tissu de 1868.
Le post-modernisme des années 80-90 recherche des ambiances. L'exotisme et l'art moderne sont les nouvelles sources d'inspiration : Fauvisme multicolore 1999Robe de Jean Patou 1913 devant un papier peint, La grande volière 2015
Les années 2000 marquent le triomphe de la géométrie, par exemple avec Les éventails 1982,
L'armoire de Marguerite 2014,Tyrol rouge 1998.
Mais les fleurs surdimensionnées sont toujours présentes dans les collections : Beauregard Carmin, d'Erasmo Figini 2002.
Chacune des périodes est ponctuée par une création contemporaine. J'en ai retenu deux : Flashball, de Julien Colombier, 2015 2015, un Taffetas de polyester trevira, cs imprimé au jet d’encre, L. 140 cm ; H. 105 cm.
Né en 1972, cet artiste parisien est autodidacte. Pour l’exposition, il renvoie aux tissus Pierre Frey des années 1935-1959 en créant un imprimé aux couleurs franches qui réagit différemment aux lumières naturelle et ultraviolette, pour une perception changeante de l’étoffe en fonction de l'éclairage.
Monster Garden de Marcel Wanders 2015 est un Tapis de laine tufté main, L. 345 cm ; l. 265 cm.
L'artiste, né en 1963, est un créateur prolifique d’objets et de décors intérieurs. En miroir des textiles des années 1980-1999, il a choisi de revisiter le thème de la fleur, par l’ajout d’un monstre gentil qui semble s’animer sous l’action conjuguée des motifs géométriques et organiques, de l’usage de couleurs expressives et du choix de la technique du tuft main.
Enfin, dans la dernière salle, des créations de jeunes créateurs illustrent combien l'univers de Pierre Frey peut constituer une source d’inspiration à des oeuvres non textiles. La plus étonnante est sans doute l'immense Body Paint, de Memo Akten, 2009, Projection vidéo, caméra infra rouge, logiciel, H. 250 cm ; L. 350 cm, 3 840 x 1 080 px, Stéréo
Originaire d’Istanbul, Memo Akten vit à Londres. Utilisant une approche informatique et algorithmique, il étudie des systèmes explorant l’interaction entre l’homme et la machine et leurs répercussions sur notre relation à la nature, la science, la culture et nos traditions. Il travaille à la croisée de plusieurs disciplines incluant la vidéo, le son, la lumière, la danse et des logiciels sur de grandes installations immersives.
Body Paint permet au spectateur de peindre sur une toile virtuelle avec son corps. Des formes colorées apparaissent sur l’écran en capturant les mouvements et l’énergie du corps, ce qui amuse particulièrement les visiteurs. Quand personne ne s'agite sous l'angle de la caméra l'écran redevient blanc comme une page vierge.
Chintz, Textile, porcelaine. H. 14cm x L 7cm, H. 12 cm ; L. 6 cm , Diam. 25 cm de Michelle Taylor 2012,
Née en 1962, Michelle Taylor est diplômée en design et arts appliqués de l’université de Wolverhampton (Grande-Bretagne). Durant ses études, elle a commencé à explorer les propriétés de l’argile mêlée aux textiles, créant des sculptures insolites, puis, fortement influencée par les travaux textiles de Louise Bourgeois, elle a débuté des recherches sur les tissus combinés à des objets trouvés.
Elle utilise le processus industriel de sablage, coupant et forant la céramique pour déconstruire et le raffinement de la broderie pour reconstruire. La réplique de textiles anciens – toile de Jouy, soieries – résonne avec sa pratique.
Origami 2016, lumière, ombre, papier, environ 3 x 3m de Kumi Yamashita
Kumi Yamashita, née en 1968 à Takasaki au Japon vit à New York. Elle sculpte l’ombre et la lumière, transformant des objets simples en personnes en utilisant le principe des papiers pliés (origami).
Grâce à une source de lumière unique, différentes feuilles de papier coloré délicatement pliées projettent chacune une ombre évoquant les profils des collaborateurs de Pierre Frey rencontrés lors de son séjour parisien.
Tissus inspirés, Pierre Frey
Du 21 janvier au 12 juin 2016
Les Arts Décoratifs
107 rue de Rivoli
75001 Paris
01 44 55 57 50
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h pour les expositions temporaires
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