Bellevue, cela aurait pu être le nom d'un hôtel de bord de mer où Alma aurait programmé une thalasso. C'est une bien autre cure qu'elle va devoir y faire, sans être franchement volontaire pour cela.
Écrivain prometteur, cette jeune Parisienne ambitieuse vit avec Paul depuis plusieurs années. Tout semble lui sourire. Et, d’un coup, peut-être parce qu'elle a trente ans, tout bascule. Son angoisse va l’emporter dans une errance aussi violente qu’incontrôlable et la soumettre à d’imprévisibles pulsions destructrices : Alma se réveille deux jours plus tard ... dans un hôpital psychiatrique.
Que s’est-il passé pendant ces quarante-huit heures ?
Je ne chercherai pas les points communs entre Claire Berest et son héroïne. Je ne la connais pas suffisamment. Je l'ai rencontrée il y a cinq ans, à l'occasion d'une table-ronde que l'on m'avait demandé d'animer sur le thème du premier roman.
Elle s'est toujours imaginée devenir écrivain. Le métier de professeur de français n'était qu'une stratégie pour pouvoir gagner de l'argent et avoir du temps pour écrire. La solution s'avérant mauvaise Claire a eu le courage de quitter l'Education nationale du jour au lendemain pour se consacrer exclusivement à l'écriture.
Elle s'est toujours imaginée devenir écrivain. Le métier de professeur de français n'était qu'une stratégie pour pouvoir gagner de l'argent et avoir du temps pour écrire. La solution s'avérant mauvaise Claire a eu le courage de quitter l'Education nationale du jour au lendemain pour se consacrer exclusivement à l'écriture.
Je lui avais demandé quel auteur, vivant, ou non elle rêverait de rencontrer. Elle avait choisi Emmanuel Carrère et Paul Verlaine. Je n'ai donc pas été surprise de trouver de constater qu'Alma s'inscrit dans un hôtel en employant le nom de Mathilde Mauté, l'épouse que Verlaine a abandonnée pour fuir avec Rimbaud. (p. 49) Qu'elle ne lira à Bellevue que du Verlaine et qu'elle récitera par coeur son poème intitulé l'Angoisse : Nature, rien de toi ne m'émeut ... (p. 61)
Avec ce troisième roman, Claire Berest affirme la puissance de son écriture. La question n'est jamais de savoir si ce qu'elle décrit est vrai ou faux, inspiré par un moment réellement vécu ou une construction littéraire. L'attaque de panique qui submerge Alma la veille de son anniversaire est absolument bouleversante.
Le matin suivant, Paul (vous remarquerez que c'est le prénom de Verlaine) n'évoque ni l'anniversaire, ni la crise, comme pour éviter de verbaliser les terrains glissants et par là empêcher toute cristallisation. Les couples peuvent être lâches pour ne pas être l'instigateur de la brisure du calme. (p. 16) En ne faisant rien pour précipiter les choses, ni pour les arranger non plus. Comme elle le souligne plus loin (p. 55) il n'y a jamais un seul fautif quand un couple se désagrège.
Plusieurs causes ont probablement précipité la crise. Cet anniversaire va être le révélateur d'une folie. Alma fuit à toutes jambes. L'alcool accélère le processus. Ce n'est pas Paul qui va l'aider, pas plus que Thomas, son futur éditeur. Ce sera Auguste, l'ami de longue date qu'elle appellera au secours.
Claire Berest donne une très belle définition de ce sentiment. L'amitié prend l'autre en charge dans son absolue et sordide entièreté, comme les mères, elle prend en charge le quotidien et l'exceptionnel (...) les amis sont prêts à tout traiter, la vie, la mort. (p. 70)
Elle entraine le lecteur dans la spirale angoissante qui étreint Alma et que l'on craint irréversible. L'énonciation (p. 76) d'une série de faits historiques dramatiques s'étant déroulés un 4 juin, jour de son anniversaire, effraie par contamination. C'est bientôt le mien et je commence à redouter la contagion.
D'ailleurs si on en vient à vouloir savoir comment je me sens je demanderai si on veut une réponse en deux mots ou en trois. Comme Alma (p. 72) je répondrai alors En deux mots : ça va. En trois mots : ça va pas.
Bellevue est un roman enivrant que l'on a du mal à lire lentement. On est pris aux tripes, happé par un style que l'on n'est pas près d'oublier. C'est parfois cru mais toujours juste.
Bellevue de Claire Berest, chez Stock, en librairie depuis le 27 janvier
Avec ce troisième roman, Claire Berest affirme la puissance de son écriture. La question n'est jamais de savoir si ce qu'elle décrit est vrai ou faux, inspiré par un moment réellement vécu ou une construction littéraire. L'attaque de panique qui submerge Alma la veille de son anniversaire est absolument bouleversante.
Le matin suivant, Paul (vous remarquerez que c'est le prénom de Verlaine) n'évoque ni l'anniversaire, ni la crise, comme pour éviter de verbaliser les terrains glissants et par là empêcher toute cristallisation. Les couples peuvent être lâches pour ne pas être l'instigateur de la brisure du calme. (p. 16) En ne faisant rien pour précipiter les choses, ni pour les arranger non plus. Comme elle le souligne plus loin (p. 55) il n'y a jamais un seul fautif quand un couple se désagrège.
Plusieurs causes ont probablement précipité la crise. Cet anniversaire va être le révélateur d'une folie. Alma fuit à toutes jambes. L'alcool accélère le processus. Ce n'est pas Paul qui va l'aider, pas plus que Thomas, son futur éditeur. Ce sera Auguste, l'ami de longue date qu'elle appellera au secours.
Claire Berest donne une très belle définition de ce sentiment. L'amitié prend l'autre en charge dans son absolue et sordide entièreté, comme les mères, elle prend en charge le quotidien et l'exceptionnel (...) les amis sont prêts à tout traiter, la vie, la mort. (p. 70)
Elle entraine le lecteur dans la spirale angoissante qui étreint Alma et que l'on craint irréversible. L'énonciation (p. 76) d'une série de faits historiques dramatiques s'étant déroulés un 4 juin, jour de son anniversaire, effraie par contamination. C'est bientôt le mien et je commence à redouter la contagion.
D'ailleurs si on en vient à vouloir savoir comment je me sens je demanderai si on veut une réponse en deux mots ou en trois. Comme Alma (p. 72) je répondrai alors En deux mots : ça va. En trois mots : ça va pas.
Bellevue est un roman enivrant que l'on a du mal à lire lentement. On est pris aux tripes, happé par un style que l'on n'est pas près d'oublier. C'est parfois cru mais toujours juste.
Bellevue de Claire Berest, chez Stock, en librairie depuis le 27 janvier
NB : Les numéros des pages renvoient à une lecture en format numérique de 133 pages.
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