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dimanche 13 mars 2016

Benoit Dorémus en Tachycardie

Son patronyme le prédestinait à la musique. C'est vraiment le sien et la coïncidence devrait lui plaire. Benoit Dorémus entretient l'amour des mots comme un jardinier fait pousser ses salades. En tenant compte d'une météo intime.

Son dernier album En Tachycardie est un équilibre de sensibilité et plus je l’écoute plus je l’aime.

Je trouve à chaque fois de nouvelles références, bien que son univers lui soit particulier. Il m’évoque Grand Corps Malade, Dominique A, ou Bénabar dont il a le même art pour raconter le quotidien même si je sais que ses influences sont surtout puisées chez Eminen, Renaud, Souchon ou Cabrel. C’est en tout cas très abouti et tout à fait personnel.

Benoit Dorémus est jeune mais il a ce que on appelle du vécu, prouvant qu’on n’est pas obligé de chanter avec la voix rauque pour exprimer un mal de vivre. N'y cherchez pas le titre En Tachycardie, car même si le terme apparaît dans C'est bien pire sans (piste 7), ce n'est pas le titre d'un morceau :
Moi je suis du genre 
À m'avouer vaincu 
D'avoir tant vécu 
En tachycardie 

Le terme est néanmoins très adéquat. Il colle parfaitement à l'ambiance qui pulse d'un titre à l'autre. A l'écoute notre oreille est baignée dans une musicalité à la fois familière et personnelle. On y reconnaît une multitude d'évocations.

Certaines sont discrètes, comme la référence aux Beatles qui chantaient en 1968 : Hey Jude, don't make it bad, Take a sad song and make it better, Remember to let her into your heart ... Vous constaterez qu'il est déjà question de coeur. Plus loin Paul McCartney avait écrit Don't carry the world upon your shoulders, ce qui devient dans 20 milligrammes (piste 8) : J'porte le monde sur mes épaules, comme dans Hey Jude.

Que celui qui n'a jamais traversé une crise d'angoisse lui jette le premier cacheton. Son écriture est économe de mots, mais pas d'images comme en témoigne son Malaise vagal mental.

Brassens en pleine poire (piste 2) nous embarque dans le parc Georges Brassens, à deux pas de la porte de Vanves où habite le chanteur. Quant à son Putain de Georges qui revient en boucle il rappelle le juron de Renaud à propos d'un camion.

Benoit Dorémus excelle à jouer avec les sons et avec les mots. Il porte un regard lucide sur les artistes qu'il qualifie de Bêtes à chagrin (piste 3) autant capables de rendre une femme folle heureuse et triste (...) que de lui en faire voir de toutes les couleuvres.

Il va jusqu'à l'hommage, le plus caractéristique étant celui au Bagad de Lann-Bihoué d'Alain Souchon. Il aurait été facile de reprendre électroniquement tu la voyais pas comme ça ta vie mais les deux artistes ont fait bien mieux. Alain est venu en personne enregistrer chez le jeune homme qui n'en revenait pas d'une telle générosité.

Pourtant il devrait s'habituer. Car ce ne sont pas les parrains illustres qui lui ont fait défaut. Après Renaud et Maxime le Forestier (qui a composé la musique de Ton petit adultère - piste 12) ce furent Renan Luce, Alexis HK et Oldelaf et ce sont maintenant Souchon et Francis Cabrel qui ont accepté (ou se sont spontanément proposés) d'aider le jeune homme.

Francis joue du banjo sur Aïe ouille (piste 6) et chante avec lui en clin d’œil dans le dernier refrain de Dernièrement (acte V) - piste 5. Il lui lance Je crois qu’j’ai une petite chance en réponse aux inquiétudes de Benoit autour de ses défauts, de ses défaites.

L'album est teinté de mélancolie mais il baigne aussi dans une forme d'espoir. Le chanteur voit partout :
La femme de ma vie comme on dit 
Ou la femme de mes deux comme on veut 
Je la cherche depuis tout petit 
Et j'suis presque vieux 

Il la voit même sur le net à oilpé (à poil si vous avez besoin d'une traduction), ce qui prouve qu'il n'a pas peur des jeux de mots et de nous faire sourire par la même occasion. Chaque chanson est un vrai texte abordant un sujet sérieux sans jamais se prendre au sérieux. Ce n'est pas léger, non, mais les paroles prennent de la hauteur. Jamais superficiel, Benoit Dorémus tire les leçons de la vie sans en donner.

On pourrait analyser longtemps sa méthode. Il a muri mais il n'a pas changé. Il reste fidèle à ce qu'il chantait dans Jeunesse se passe :
Ce que j'écris ça r'garde que moi
J'aime trop les taches que ça laisse sur les doigts
Ce que je chante, que personne y touche
J'aime trop le goût que ça laisse dans la bouche
Les mots qui sortent et les mots qui rentrent
J'aime trop la douleur que ça laisse dans le ventre
Mon style, pour pas qu'on me le fauche
J'écris faux, je chante de la main gauche!

Reste à entendre comment il est en concert. L'épreuve de la scène est une autre affaire mais à l'écoute il est à la hauteur où respirent beaucoup d'autres chanteurs qui sont distingués par une Victoire de la Musique.

Il sera à Thou bout d'chant (Lyon) les 11 et 12 mars, aux Trois Baudets (Paris) les 23, 24 et 25 mars et puis à la Salle Jeanne d'Arc (St Etienne) le 23 mai 2016. Je vous invite donc expressément à voyager En Tachicardie.

En Tachycardie, par Benoît Dorémus (Déjà/BMG) depuis le 5 février 2016

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