Volia Panic aurait dû être présenté dans le cadre du Festival MARTO ! 2021 mais la crise sanitaire en aura décidé autrement.
Ce festival Hauts-Seinais dédié à la marionnette et au théâtre d'objets m'a fait découvrir depuis de nombreuses années le travail de multiples compagnies exceptionnelles, en particulier dans le domaine de la marionnette, pour enfants comme pour adultes.
La compagnie les Endimanchés était très heureuse de présenter le spectacle créé en 2015. Pourtant sa reprise est un tour de force parce qu'il n'avait pas été joué depuis un certain temps et que cette discontinuité pénalise les comédiens. On le comprend au fil de la représentation qui est une immense performance que j'ai vue hier sur la Scène nationale du Théâtre 71 de Malakoff.
L'action a déjà commencé quand on pénètre dans la salle. On peut considérer que les machines chauffent sur un fond de musique tsigane. Le plateau est encombré d'objets de toutes sortes et ce n'est rien comparativement à ce qui va suivre. Nous voici déjà embarqués dans l’histoire et les méandres de l’exploration spatiale, sur fond de chansons et de musique postpunk, aux accents hard-rock, emportés par des textes dits et chantés parfois en français, parfois en russe.
Au début, je me suis demandé s'il s'agissait d'une histoire réelle ou fantasmée parce que j'ai reconnu des outils agricoles comme une cardeuse et un fléau. A ma décharge je n'avais pas lu en détail le dossier de presse (pour ne pas être influencée) et j'étais encore sous le coup des émotions des images reçue de l'expédition en cours sur Mars.
On a sous les yeux un théâtre d’installation (et de désinstallation) fabriqué à vue avec des objets issus du monde rural et de la société industrielle naissante, machines et outils pour tenter le décollage d’une fusée. Alexis Forestier et Itto Mehdaoui se penchent sur le Cosmisme russe, courant de pensée du début du XXe siècle qui visait à intégrer l’homme au cosmos et qui aura influencé les pionniers de l’aventure spatiale soviétique. Un vaste sujet pour une pièce inclassable, en orbite entre performance et concert bricolé. Les interprètes y sont tour à tour musiciens, voltigeurs, machinistes ou comédiens pour donner vie à une scénographie minutieuse et pourtant joyeusement bordélique. Derrière l’absurde des situations et le chaos du paysage scénique, les Endimanchés révèlent les contradictions entre le désir originel de l’homme de comprendre le cosmos et sa volonté de maîtrise totale de l’environnement terrestre et extraterrestre.
L'ensemble tient du cabinet de curiosité et d'un musée qui "réunirait tout ce qui a fait son temps ne peut plus servir, et qui serait pourtant espoir d'un avenir". L'emploi de scènes d'actualité d'époque est judicieusement ficelé. Il est émouvant d'entendre les tonalités de voix sorties du passé. Quant aux passages chantés par Itto Mehdaoui ce sont de purs joyaux tant sa tessiture est belle.
C'est une sorte d'oxymore théâtrale témoignant que le progrès pourrait (aussi) correspondre à une fin de monde. Une forme d'angoisse enveloppe quelques scènes tant il est vrai que la conquête spatiale aura provoqué comme dommages collatéraux.
Je suis sortie bouleversée par le travail de ce collectif, aussi bien chez les comédiens (mais comment peuvent-ils mémoriser un tel texte ?) que dans l'équipe technique. D'ailleurs les artistes sont tout autant régisseurs. Réussir à résumer un siècle d'aventures en une heure trente est une prouesse. Je n'ai que quelques bémols : l'absence de surtitrage et l'usage (que je comprends néanmoins) de micros HF qui, parfois, ont fait que je ne repérais pas qui parlait.
Je souhaite à la compagnie de pouvoir bientôt reprendre sa tournée. Leur spectacle peut décemment être étiqueté comme essentiel. Scrutez l'apparition d'un calendrier sur leur site !
Volia Panic d'Alexis Forestier
Conception Alexis Forestier en hommage à Jean Paul Curnier
Ecriture et montage des textes Samuel Eymard, Alexis Forestier, Itto Mehdaoui
Avec Alexis Forestier, Itto Mehdaoui, Christophe Lenté, Jean François Favreau, Barnabé Perrotey, Alexis Auffray, Perrine Cado
Compagnie les Endimanchés
En représentation professionnelle le vendredi 12 mars sur la scène nationale du Théâtre 71, 3 place du 11 novembre, à Malakoff 92240
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Perrine Gamot
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