L’histoire nous est contée du point de vue de Gemma, une jeune fille qui est née dans Le Sanctuaire, une zone montagneuse et isolée où la famille s'est réfugiée. A l’inverse de sa grande soeur et bien entendu de ses parents, elle n’a pas connu le monde d’avant.
Elle n'avait jamais vu d'âne, des chevaux avec des oreilles de lapin, lui explique sa soeur. Et je pense à ces enfants de maternelle qui demandent à leur maitresse leur parlant d'un film au cinéma : Dis maitresse, c'est quoi un cinéma ?
June a connu le monde d'avant, qui s'est éteint en quelques jours, balayé par une plume après le chaos consécutif à la mutation "du" virus transmis par les oiseaux et qui aurait balayé la quasi-totalité des humains.
Son père a le don de survie, elle, à peine celui de la vie (p. 35) (…) elle s'épuise à tenter de préserver un monde qui n'existe plus alors que son père bâtit, invente, construit, récupère. Il veut que le sanctuaire soit son chef d'oeuvre. La vie dans cette zone n'est pas idyllique. Maman râpe ses yeux sur les broderies fleuries d'une robe (p. 92).
Ce livre est déroutant. J'utiliserai les mots de Gemma pour décrire mon sentiment : Je ne sais plus par quel bout t'attraper. June, tu es un mur, une falaise. Les troncs des arbres sont les barreaux de notre prison.
Qui a raison, de la petite qui traque les oiseaux du matin au soir avec son arc et ses flèches, ou de la grande qui voit leur vie sans issue alors que leurs parents bâtissent pour eux la possibilité d'un quotidien (p. 78) ?
La nature est omniprésente, très belle mais aussi très souvent anxiogène. La langue de Laurine Roux est ciselée, extrêmement précise, parfois précieuse, puisant dans un lexique très étudié. On y ressent l'écorchure des mots. L'écriture au présent rend le récit très prenant. Les phrases sont courtes, percutantes. Par exemple (p. 96) : Maman chuchote à mon oreille un "Merci" si triste et doux qu'il me rappelle le duvet d'un oiseau mort. On a régulièrement l'impression d'un récit fantastique, ou qui s'inscrit dans le registre du conte. Qui aussi, évoque régulièrement une atmosphère comparable à celle de La route de Cormac McCarthy.
Le récit aurait pu s'épanouir dans le registre poétique. Mais l'angoisse nous saisit régulièrement. Lire Le Sanctuaire en plein confinement n'est pas franchement vecteur d'espoir. L'atmosphère tragique m'a souvent heurtée. Et la majuscule au mot sanctuaire est pesante.
La couverture a été conçue dans la lignée du précédent, le premier roman de Laurine Roux, Une immense sensation de calme, Prix SGDL Révélation 2018. Des oiseaux dans un ciel gris bleus apporteront-ils une note positive ?
Née en 1978, Laurine Roux vit dans les Hautes-Alpes où elle est professeur de lettres modernes.
Le Sanctuaire de Laurine Roux, publié aux Éditions du Sonneur sous la direction de Marc Villemain, en librairie depuis le 13 août 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire