J'ai accompagné Madeline Roth à Turin et bien que le séjour soit bref, le temps d'une après-midi en pleine nature sous un soleil d'avril déjà puissant, il a été plutôt agréable. Si je nuance c'est parce que j'aurais préféré que l'auteure partage une histoire plus joyeuse même si, au final, la sienne n'est pas si triste qu'on pourrait le penser.
L'écriture est un peu hachée, j'allais préciser hoquetante. Semée de confidences offertes derrière un rideau de larmes, c'est une évidence.
Elle a une définition de l'amour très simple, mais pas simpliste : être là (p.20). Et je suis bienheureuse d'avoir eu l'idée de glisser ce petit livre entre les mains de mon compagnon, prétextant en avoir un autre à finir urgemment et surtout à connaitre un point de vue masculin.
Il me l'a rendu en me disant avoir envie d'aller à Turin voir le musée du cinéma (qu'il ne connait pas) et de revisionner l'intégrale de Fellini. J'espère qu'il aura enregistré quelques autres choses car ce qu'écrit Madeline Roth est d'une grande justesse pour interroger la relation amoureuse et poser la question fondamentale qui taraude chacun lorsqu'il n'est pas comblé, à savoir finir ou continuer. Quand le coeur oscille entre la colère et la paix, parce qu'après tout on ne peut pas être constamment en bataille. Ce que John Berger décline avec talent dans toutes les facettes du célèbre adage "flight or fight" (combattre ou fuir) préconisant qu’au lieu de calculer la distance du bond qui permet de se sauver d’un risque il vaut mieux estimer la dose de volonté nécessaire à rester sur place, pour affronter le danger.
Comme elle a raison de souligner le poids que ça représente, attendre l'attente de lui (p. 39). Car l'attente, c'est du manque mais on ne le comprend que bien des années plus tard (p. 24).
Les phrases sont courtes, douces, mais percutantes. Elle porte son histoire comme une robe. Elle sait que partir n'est pas la solution mais elle le fait, en toute conscience : c'est comme si j'allais déposer mon coeur dans une consigne. Et perdre la clé. Mais on s'emmène partout. Elle sait que les livres ne sont pas davantage un remède définitif même si on lit beaucoup, pour toutes les vies qu'on n'aura pas (p. 27) et parce qu'elle ne danse pas sous l'orage alors que pendant ce temps Notre-Dame est en flammes. L'événement date le récit.
Son amie et confidente Marie a toujours les mots justes pour mettre du baume au coeur : la vie est comme ça, on ne perd rien, on avance (p. 19). Ce week-end deviendra un voyage d'apprentissage pour "s'appliquer à cueillir le jour" (p. 74).
Madeline est libraire, alors quoi de plus normal que de glisser des allusions à quelques ouvrages, comme le si beau De A à X de John Berger (p. 49). Elle aussi connait l'heure blanche (p. 48 et 169), comme celle que pointe le second roman de Catherine Faye.
Ne croyez pas qu'Avant le jour soit triste. Ce livre m'a donné envie de revoir tous les grands chef-d'oeuvres de Fellini. A commencer par La dolce vita pour déambuler en demandant Where are you comme Anita Ekberg. Mais c'est dans l'océan que je me mouillerais puisque je repars bientôt pour Oléron.
Avant le jour, Madeline Roth, La Fosse aux Ours, en librairie depuis le 7 janvier 2021
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