J'avais énormément aimé le premier roman de Catherine Faye, L'attrape-souci en 2018, et qui sort en Poche ces jours-ci. C'est avec une forte attente que je me suis plongée dans le second, L'heure blanche qui m'a très vite captivée.
L'écriture de Catherine Faye se déploie en phrases courtes. Elle est dense, énigmatique, souvent envoutante, ponctuée d'odeurs et de saveurs. Elle s'est bonifiée depuis le premier livre, sans doute à l'instar d'une bonne bouteille de Puligny-Montrachet, ce vin blanc réputé pour prendre de l'intensité avec les années dont Blanche commande régulièrement quelques verres dans le café où elle a ses habitudes.
Il a du Chardonnay les saveurs typiques d'aubépine, de pâte d’amande, d'ambre et de fruits secs, que bousculent parfois des effluves de citronnelle et de pomme verte. Je ne saurais que vous conseiller de le goûter avec modération et vous apprécierez aussi ses notes de miel, ses arômes lactiques et bien entendu minéraux puisque les vignes grandissent sur le silex.
Ainsi donc l'inclinaison de Blanche pour le monde minéral se décèle aussi dans ses choix oenologiques. Car, dès les premières pages, on apprend que la jeune femme voue une véritable passion à la montagne Sainte-Victoire qu’elle photographie sans relâche avec un Nikkormat, qui fut le premier boîtier reflex amateur entièrement conçu et fabriqué par Nikon en 1965. Plus tard ce sera la Cordillère des Andes qu'elle arpentera.
Jusque là Blanche vit à l'étroit de son studio aixois, avec pour unique délivrances ces instants au café ou ses escapades sur la montagne Sainte-Victoire, quelle que soit la météo. C'est que l'esprit de la jeune trentenaire est habité de fantômes qui la réveillent précisément à quatre heures cinq du matin (p. 90), un instant que l'auteure qualifie d'heure blanche, sans qu'il y ait à y voir le moindre rapport avec le prénom de son héroïne.
Elle refuse de laisser remonter les souvenirs. On a parfois le sentiment que son appareil photo a la fonction d'un paravent qu'elle interposerait entre le monde et elle. Mais le passé bouillonne. Comme les volcans qui reprennent leur activité un peu partout dans le monde. Elle reçoit des cartes postales anonymes en provenance du Chili, où elle a grandi. Et sur son téléphone, des SMS de sa gouvernante, Mademoiselle, perdue de vue depuis vingt ans.
Le temps est-il venu d'arrêter de subir sans chercher à comprendre ? Quel rôle pourrait jouer le beau Marcel, un poète étranger un peu magicien qui parle le français mieux qu'un autochtone et qui ressent lui aussi un moment particulier, l'heure bleue (p. 103) ? Vivra-t-elle en sa compagnie une scène inspirée de la Dolce Vita ? Blanche ne se promène ps en vison blanc avec un chaton sur la tête comme le faisant Anita Ekberg dans le film de Fellini (p. 75) mais elle crie elle aussi à sa manière Where are you ?
Retournera-t-elle au Chili ?
Et si les mots et la magie n'étaient qu'une seule et même chose (p. 169) ?
Rarement une couverture du roman aura été aussi juste. Il s'agit de la reproduction d'un morceau d'un immense tableau de la collection Frieder Burda, peint par Tim Eitel un artiste né en 1971 à Leonberg, Allemagne, vient entre Berlin et Paris, que l'auteure avait repéré au musée Granet d'Aix-en-Provence.
L'heure blanche est, comme l'était L'attrape-souci, une quête identitaire, encore en Amérique latine, mais cette fois au Chili et non en Argentine. Là encore il faudra partir pour se reconstruire. Logique pour Catherine Faye qui est journaliste. Parions que son troisième roman, en cours de rédaction, sera l'occasion d'un autre voyage …
L'heure blanche de Catherine Faye, Fayard, en librairie de puis le 10 mars 2021
Les références correspondent à la lecture d'un format numérique de 169 pages (format papier 240 pages)
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