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mercredi 21 septembre 2011

François Robin orchestre une dégustation de fromages chez Fauchon

Aller chez Fauchon pour choisir fromages et vins ne sont sans doute pas des réflexes. Et pourtant cette grande maison recèle des trésors qu'on peut fort bien s'offrir, en toute modération cela va de soi.

J'ai déjà plusieurs fois abordé ce concept de "dîner chic" que je substitue volontiers à une soirée au restaurant. Pour un budget tout à fait comparable on peut ainsi goûter des produits d'exception qu'on aura débusqués dans une grande maison. Fauchon est de celles-ci.

Voilà pourquoi je partage avec vous la dégustation que je viens de faire place de la Madeleine, orchestrée par François Robin, Meilleur Ouvrier de France, veste blanche col bleu-blanc-rouge, et Thomas Barrafon, responsable de la cave depuis quelques mois (au centre), accompagné du chef cuisinier, Jean-Pierre Clément (à gauche).
Il fallait bien commencer par le commencement, à savoir rappeler que la fabrication du fromage répondait à deux objectifs, conserver le lait d'été le plus longtemps possible pour le consommer en hiver, alors que les femelles en donnaient moins. Et que les bergers ont compris que pour digérer le lait le veau (et l'agneau) non sevrés ont la particularité de le faire cailler dans une partie de leur estomac grâce à l'action d'une sécrétion qu'on appelle présure.

Il suffisait d'en disposer, à raison de quelques gouttes par litre de lait, de porter celui-ci à la température du corps, soit 37° et de laisser faire. Ensuite c'est une question de technique selon le résultat visé. Quant au petit lait, obtenu après égouttage, on peut l'utiliser ensuite pour faire ce qu'on appelle des recuites (d'où le nom de ricotta).

Nous avons commencé par une dégustation assez osée en terme de saveurs, mais parfaitement réussie, qui n'était pas une découverte pour moi mais que j'apprécie toujours (cf billet du 15 octobre 2010). Il s'agit de couper un fromage de type Val de Meuse en carré réguliers. De poser dessus une cuillerée à café d'un confit pour fromages, en l'occurrence la compotée de mirabelles au gewurtztraminer. De pulvérisez du gin et de servir immédiatement au bout d'une pique. (Je rappelle l'astuce de François Robin de se fournir en flacon sans propulseur acheté chez les grossistes fournissant les coiffeurs). Le confit figues-olives aurait été parfait pour accompagner un chèvre. Quatre variétés existent actuellement en attendant la cinquième avec une association poire-coings.
Il faut vraiment pulvériser chaque cube, un par un, à l'instant de servir pour bénéficier d'une succession d'arômes. D'abord celui de la bergamote, du genièvre et du coriandre associé au gin. Puis la douceur des mirabelles. Et le crayeux du fromage avec une pointe d'amertume au final.
Ensuite nous avons associé fromage et vin. En commençant par un Ossau Iraty avec un Meursault domaine Latour 2006 (qui est la maison de bourgogne la plus vendue aux USA). L'Ossau Iraty a une très belle pâte, obtenue grâce à un long affinage. Le conseil nous est donné de mâcher le fromage en bouche avant de boire le vin, 100% Chardonnay, dont l'acidité fera alors ressortir le gout crémeux du fromage. Son coté boisé serait également intéressant avec un Salers.

Certains d'entre nous se sont laissés aller à saisir une tranche de pain, pensant bien faire. L'idéal serait (mais ce n'est pas dans les habitudes) quelques tranches de pommes de terre bouillies ou des boulettes de riz mais pas un pain qui, de par sa teneur en sel ne va pas reposer le palais. Malgré tout le pain qui est à notre disposition est apprécié.

Suivra un Tarantais fermier. Ce fromage n'est réalisé que par trois producteurs qui ont chacun leur version. C'est celui de Soizic et Gabriel qui se trouve sur l'ardoise, avec deux affinages, l'un de juillet, l'autre d'octobre de l'année dernière, qui a magnifiquement vieilli, en demeurant équilibré. Le lait provient de chèvres élevées sur le Mont Pourri, dans une zone à loups, qui y sont protégés. Un endroit magique où l'élevage participe de la sauvegarde de l'écosystème. Les chèvres aiment ce qui est bon, quand elles ont le choix. Là -haut, à 1800 mètres d'altitude, elles se nourrissent de feuilles de myrtilliers et de framboisiers sauvages.

Le Tarantais, même jeune, présente des arômes caprins affirmés comme si on ouvrait la porte d'une bergerie. C'est un fromage très rare, dont la technique de fabrication reste secrète. Un Menetou-Salon domaine Gilbert s'accorde parfaitement avec ce fromage assez serré. Ce Sauvignon de Loire issu d'un domaine familial est typique des vins de Loire, libérant sa minéralité avant des parfums d'agrumes, puis d'ananas frais et enfin légèrement de lilas.

Autre accord, autre voyage : un Salers tradition mai 2010 avec un Savagnin du Jura, domaine en Chalasse, 2007. Ce terroir serait le plus méconnu de France (je le découvre d'ailleurs ce soir), à tort car ce vin offre d'intéressants et caractéristiques arômes de noix et rappelle le coté ferreux du vignoble.

Les vaches de Salers passent toute la belle saison, d'avril à octobre, en altitude dans des conditions fort rustiques. Ce sont des bêtes élégantes dont la robe chocolat se détache sur le Plomb du Cantal. François Robin nous décrit le travail de Marcel et d'Elie qui sont sur le pont de 5 heures à 22 heures. Jusqu'à il y a encore trois ans, ils assuraient toute la traite à la main, ce qui représentait un beau travail même si la Salers ne donne "que" 10 litres par jour, loin des performances d'une Holstein qui en produit 70.

Seule la pâture est autorisée pour ces vaches qui sont si craintives qu'elles ne donnent leur lait uniquement si le veau amorce la traite. Le vacher dépose un peu de sel sur la fesse arrière du veau. La mère le lèche, le reconnait. On attache alors le veau à la patte avant de sa mère et la traite peut avoir lieu.

La gerle dans laquelle on recueille le lait n'est pas lavée tous les jours, ce qui préserve le gout du fromage qui est un produit ultra-vivant. Tout est fait manuellement : emprésurer, décailler, mettre dans la forme, refaire un deuxième fromage à partir du premier ... un travail énorme qui relativise la cherté du produit final.
Changement radical d'association avec des triangles de fourme d'Ambert et un confit de porto puis des cubes de Comté AOC, trempés dans une réduction de porto (un litre donnant deux ramequins), puis enrobés de sésame grillé.
Et puis, pour terminer par une note radicalement sucrée, la dernière création du chef pâtissier, un Paris-Brest qui se présente dans la continuité des éclairs qui ont embelli la carte des desserts de la maison. Avec une crème pralinée légère, légère ... on en oublierait qu'elle est calorique.

Cette dégustation a été complète et le voyage gustatif une parfaite réussite. Je vous invite à le poursuivre sur le site de cette maison fondée en 1886. La série de quatre confits est un cadeau à retenir pour faire plaisir à une maitresse de maison à qui on ne voudrait pas offrir des fleurs ... parce que c'est périssable comme le chantait si bien Jacques Brel.

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