La création a eu lieu à Paris au Funambule (du 5 mars au 1er mai 2018) et je ne comprends pas que j'ai pu louper pareil bijou. C'est le miracle avignonnais de permettre des séances de rattrapage qu'en temps normal on ne parvient pas à caser dans un emploi du temps où le théâtre entre en concurrence avec tant d'autres urgences.
Tout est bon dans Good night, le texte, les comédiens, la mise en scène, le décor ... c'est 10 sur 10 sur toute la ligne et on en ressort tellement heureux d'avoir assisté à un moment de "vrai" théâtre que l'on est dopé pour poursuivre le marathon avignonnais.
J'entends par vrai le fait que le spectateur oublie qu'il est sur un fauteuil et pense qu'il assiste incognito à une scène qui se déroule sous ses yeux entre deux personnes qui ne jouent pas la comédie. L'action est captivante du début à la fin, sans qu'on en perde un souffle.
La voix chaude et sensuelle de Véronique Sanson (Amoureuse-1974) installe l'ambiance avec intelligence comme si les paroles avaient été écrites pour le spectacle :
Et je sens la fièvre qui me mord
Sans que j'aie l'ombre d'un remords
Et l'aurore m'apporte le sommeil
Je ne veux pas qu'arrive le soleil
Quand je prends sa tête entre mes mains
Je vous jure que j'ai du chagrin
Et je me demande
Si cet amour aura un lendemain
Quand je suis loin de lui
Je n'ai plus vraiment toute ma tête
Une valise est grande ouverte sur un lit défait avec des vêtements d'homme éparpillés. On entend quelques coups de feu au loin. Léa s'interrompt et sort sur le balcon. Un homme cagoulé s'introduit dans l'appartement et s'empare d'un dossier. Elle revient saisit un revolver et tient l'homme en respect.
La comédie se superpose au tragique quand la jeune femme saisit une paire de menottes qui se trouve dans le tiroir de la table de chevet et lui impose de s'attacher au lit. On respire pour elle et on se dit qu'on devrait tous se munir de ce type d'objet si utile en cas d'agression.
Reste à comprendre ce qu'il fait là, et quel lien unit Léa et Anthony. La nuit sera longue. La confrontation est âpre et violente entre ces deux êtres que tout oppose ... apparemment. On découvrira qu'Anthony travaillait dans l'entreprise de Lionel et qu'il le connaissait drôlement bien.
La tension monte dans l'appartement parisien. Le téléphone sonne ... les rebondissements s'enchainent. La tentative de cambriolage parait dérisoire au regard des évènements très graves qui sont en train de se dérouler un peu plus loin (les attentats du 13 novembre 2015).
Pourtant on le sent faux. On la sent faible. Est-ce uniquement parce qu'elle vient d'enterrer Lionel, son mari, décédé brutalement à 29 ans ? Est-elle véritablement naïve ? Peut-on se fier à nos intuitions ? Lequel des deux est le plus mystérieux ?
Léa (Nouritza Emmanuelian) est incroyable de naturel. On jurerait que c'est la première fois qu'elle vit la scène et qu'elle ne joue pas. Elle est prête à tout pour débusquer la vérité. Anthony (Romain Poli) est tout aussi juste. Il a écrit deux rôles haletants jusqu'au bout. La partition est équilibrée entre les deux personnages aux personnalités aussi fortes que désemparées, chacune à leur manière, en quête de la vérité, totalement focalisés sur leur histoire, et ce qu'elle peut bien avoir de commun sans que rien ne puisse détourner l'un comme l'autre de chercher une résolution.
William Willebrod Wégimont a conçu une mise en scène sobre et efficace où rien n'est futile. Les actions ont été coordonnées par un ancien parachutiste des forces d’actions, Thierry Cormont, qui est aussi coach sportif.
Il y a beaucoup d'actions, et abondance de comique de situation, et quand une réplique déclenche le rire on se surprend à trouver la suivante encore meilleure tant elle est décalée.
On aimerait croire celui qui dit que c'est une blague cette soirée ...
On pense au syndrome de Stockholm, imaginant une fin heureuse. Celle-ci arrive, brutale et saisit le spectateur à la gorge alors que s'égrènent les paroles d'une autre chanson Stay with me ... Please don't go ...
Mise en scène : William Willebrod Wégimont
Scénographie et costumes : Antonin Boyot Gellibert
Lumières : Vera Martins Artins
Sound design : Lucien Pesnot
Avec Nouritza Emmanuelian et Romain Poli, et les voix d'Éric Guého (le reporter radio) et de Sophie de Fürst (Emma)
Du 6 au 29 juillet (relâche le 16 juillet) à 14h 10
Au Théâtre Arto (3 rue du Râteau 84000 Avignon - 04 90 82 45 61)
Reprise : A l'Arrache-coeur à 16 h 50 du 5 au 28 juillet 2019
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Fabienne Rappeneau
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