Le grand sujet de conversation entre copines c'est où aller en vacances. Une de mes amies s'interroge à propos de l'Inde où son fils est en stage. Ce serait l'occasion d'y aller sauf qu'elle est pétrie d'inquiétudes.
J'avais vu la veille la comédie Indian Palace, un bijou d’humour anglais réalisé par John Madden, en 2011, à propos d’un séjour dans ce pays par des retraités britanniques où Judy Dench et Maggie Smith sont très émouvantes. Le point de départ était que l'Angleterre n'étant plus adaptée pour les seniors en retraite la bonne idée était d'aller dans un pays où la vie serait moins chère. Mais les choses ne sont pas si simples comme vous pouvez vous en douter.
Le film accumule évidemment les clichés mais finit par nous convaincre qu'une cohabitation est possible.
En remontant mon escalier le courrier à la main je découvre un petit livre plutôt mince qui pourrait être une sorte de guide de voyage, arrivant à point nommé puisqu'il s'agit des déboires d'un retraité qui de retour sur le sol français, envoie une Lettre de réclamation à l'éditeur du guide touristique acheté pour s’orienter dans ses pérégrinations.
J'en ai aussitôt entrepris la lecture afin de savoir si je ne devais pas mettre en garde mon amie avant qu'elle ne prenne son billet d'avion.
Nul doute que le guide en question ne devait pas commencer par le conseil que Christine Sagnier donne en exergue : N'aie pas peur de regarder l'autre dans les yeux, tu finiras par t'y voir toi-même.
Ce proverbe africain prend toute sa saveur une fois qu'on a digéré les ruminations de notre touriste, témoignant qu'il existe bel et bien un syndrome indien. Il ne fait pas de doute qu'un tel voyage change un homme au risque de faire de lui un être incompris comme en témoigne la réponse de l'éditeur publiée en épilogue.
L'Inde est le chemin de croix du tourisme moyen, dit le personnage. Ce sera aussi un chemin de foi car Jean qui n'est pas croyant va se mettre à prier. Il va comprendre que s'ouvrir à l'autre en acceptant de ne pas tout comprendre de nos différences permet la rencontre pour peu qu'on est soi-même et sincère. Le retraité breton, pantouflard et ronchon, récemment séparé de sa femme, reviendra totalement changé.
Le message aurait pu être moralisateur. La forme de la lettre permet d'installer une distance salutaire et comme son personnage est fictif l'auteure peut lui donner des traits de caractère qui le rendent à la fois sympathique et exaspérant.
Il n'empêche que le chaos de sensations nouvelles, ajouté au bruit, à la saleté et aux odeurs, à la foule et à la misère, ainsi qu'au désordre constitutif de ce pays, ont de quoi secouer brutalement et dès l'atterrissage. On dit que certains voyageurs repartent immédiatement. L'Inde est une autre planète et on ne peut pas s'y rendre sans un minimum de préparation.
Il est vrai aussi que certains guides ont l'art de cacher ce qui peut déranger, en cadrant "trop" bien leurs photos et en faisant l'impasse sur des détails qui ont toute leur importance (les pages 35 et suivantes sont un modèle du genre); d'où le succès d'ailleurs des compte-rendus de voyage des bloggeurs qui ne craignent pas de relater leurs expériences sans occulter les problèmes rencontrés.
Christine Sagnier est aussi l'auteure de Roméo à la folie dans lequel elle racontait, sous forme d'autofiction ses mésaventures avec un adolescent atteint de troubles psychiatriques.
La lettre de réclamation (je l'aurais bien écrit au pluriel ...) est écrite dans la même veine humoristique, toujours corrosive, et toujours aussi juste, mais plus légère et j'en conseille vivement la lecture, en complément d'ailleurs d'Indian Palace avant de vous décider à prendre (ou non) votre billet d'avion. Vous passerez quoiqu'il en soit un bon moment.
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