On ressort du spectacle Ces femmes qui ont réveillé la France qui se joue en ce moment au Théâtre de la Gaité Montparnasse en ayant du pain sur la planche.
Si on est un tant soit peu concerné(e) par l’histoire de la condition féminine et par les questions d’égalité on aura des devoirs "de vacances" à entreprendre pour réviser ce qu’on vient d’apprendre, et qu’il ne faudra surtout pas oublier.
Par chance, avant d’être un spectacle ce fut un livre, publié chez Fayard, écrit par les protagonistes de la soirée. On pourra y reprendre l’essentiel des informations à propos d’Olympe de Gouges - Georges Sand - Elisa Lemonnier - Marguerite Boucicaut - Marie Louise Jaÿ - Julie-Victoire Daubié - Maria Deraismes - Louise Michel - Madeleine Brès - Blanche Edwards - Augusta Klumpke - Hubertine Auclert - Jeanne Chauvin - Maria Vérone - Marguerite Dilhan - Paule René Pignet - Marguerite Durand - Camille Claudel - Marie Curie - Irène Joliot-Curie - Colette - Louise Weiss - Marthe Simard - Marguerite Yourcenar - Nafissa Sid Cara - Simone Veil …
Certaines sont célèbres. Je ne vous ferai pas l’affront de détailler ce que l’on doit à Marie Curie ou Simone Veil. Mais saviez-vous qu’Olympe de Gouges, qui œuvra à une Déclaration des droits civiques pour les femmes, a tellement réclamé l’égalité de traitement avec les hommes qu’elle fut la première femme à être guillotinée ? Une autre le fut tout aussi "injustement" même si la loi de l’époque avait validé la sentence. On trancha la tête de Marie-Louise Giraud le 30 juillet 1943 en pleine rue de Charonne pour avoir aidé des femmes à avorter.
Il nous parait naturel de nous présenter aux épreuves du BAC mais ce ne fut pas gagné d’avance. Julie-Victoire Daubié dut batailler pour obtenir le droit de s'y inscrire en 1861. Elle fut aussi la première à l'obtenir, au grand désespoir de la gente masculine car elle se classa première en tout … comme plus tard Anne Chopinet (qui n'est pas citée mais qui aurait pu l'être) qui elle aussi arriva la première en 1972 … à l'École polytechnique. Sur les sept premières femmes à y entrer cette année-là elles furent cinq à devancer les hommes.
Jeanne Chauvin eut bien du mal à conquérir la robe d’avocate, en 1901. On a mis longtemps à s’habituer à voir une femme penser, comme le déplorait Louise Michel en son temps. On ne peut pourtant qu’être admiratif du parcours de Marguerite Boucicaut, ancienne gardeuse d’oies qui inventa le marketing. Il faut dire qu’elle fut soutenue par son mari (lequel n’eut pas à s’en plaindre).
Quand on ne leur met pas de bâton dans leurs roues, les femmes prouvent leurs compétences. Il ne peut en être autrement pour vaincre les résistances. Le public s’offusque de la mauvaise foi avec laquelle la police retira son permis de conduire à l'arrière-petite-fille de la veuve Clicquot, Marie-Anne-Clémentine de Rochechouart de Mortemart, duchesse d'Uzès, qui venait juste de le conquérir de haute lutte le 23 avril 1898. On estima qu’elle roulait trop vite … à trente kilomètres/heure.
Plus récemment on doit à l'admiration que Jean d'Ormesson vouait à Marguerite Yourcenar son entrée à l'Académie française où Claude Lcvi-Strauss aurait bien préféré demeurer "entre hommes dans leur tribu".
On apprend aussi pourquoi des hommes (comment aurait-il pu en être autrement ?) ont choisi Mariane comme symbole de la République après avoir hésité avec l’animal de basse-cour dont la statue est souvent perchée en haut des clochers.
Jean-Louis Debré connait le sujet sur le bout des doigts. Faut-il rappeler qu’il fut (notamment) magistrat, ministre de l'Intérieur, président de l’Assemblée nationale et président du Conseil Constitutionnel ? Sa parole ne fait aucun doute et on sourit de le voir s’enflammer un peu quand il invoque les institutions, surtout celles qu’il a connues de très près. Il ne se retient pas d’écorcher les politiques. Il le fait avec un humour léger, un accent, une de ces petites phrases qu’on a tous entendues, et qu'il rappelle à notre souvenir. Toujours avec le sourire, et le respect qui convient, mais c’est dit.
Ce spectacle est très réussi aussi dans la forme. Les deux comédiens se partagent les répliques avec intelligence, comme ils le font sans doute au quotidien puisqu’ils sont unis pour la vie. On jalouse au passage Valérie Bochenek d’avoir pour compagnon un homme si dévoué à la condition féminine.
Cela tient de famille. Nafissa Sid Cara, (1910-2002), qui fut la première femme membre d'un gouvernement de la Cinquième République et la première secrétaire d'État de confession musulmane appartenait au cabinet de Michel Debré, son père. Elle se battra contre les mariages arrangés et l’obligation du port du voile.
Mais comme le souligne Jean-Louis Debré le combat pour la liberté, l’égalité et la dignité doit se poursuivre. J’ajouterai qu’il importe de rester vigilant. A cet égard on voit bien quand on regarde l’histoire qu’un retour en arrière est hélas toujours possible comme le dénonce Robert Guédiguian dans son magnifique Twist à Bamako.
Le spectacle se termine sur cette invitation à ne jamais oublier, illustrée par la chanson Gottingen de Barbara que Valérie interprète admirablement.
Je recommande ce spectacle qui n’est pas du tout donneur de leçon. C’est joué finement. Ils m’ont à plusieurs reprises donné des frissons car enfin la mysoginie de nos aïeux est épouvantable. Valérie est comédienne, mime et chanteuse. Jean-Louis fait des débuts réussis sur les planches. Le duo fonctionne en trio avec un très bon pianiste qui, à l’exception d’un morceau, interprète uniquement des partitions composées par des femmes, la plupart très peu connues hélas. Je regrette juste qu’on ne nous ait pas distribué la liste à la sortie pour pouvoir les réécouter ultérieurement.
Le décor d’Olivier Prost est sobre mais efficace, composant un écrin aux créations vidéos de Mathias Delfau (qui avait fait aussi celles de La machine de Turing…), et qui apportent un vrai intérêt à la soirée.
Par ailleurs Jean-Louis Debré est l’auteur de nombreux romans policiers et de livres sur l’histoire de la République. Auteur, metteur en scène, mime, créatrice de bijoux (Oh dis le moi), Valérie Bochenek est aussi fondatrice de l’association Un Musée pour Bip, dédiée au mime Marcel Marceau.
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