La Métamorphose des cigognes fut un grand succès au dernier festival d’Avignon mais je n’avais pas pu le caser dans mon planning. J’ai donc naturellement eu envie de voir ce spectacle à son arrivée à Paris;
Voici pourquoi j’étais en ce début de soirée au théâtre de la Scala, dans la petite salle de cette maison bleue, où la proximité avec le public permet de saisir la plus infime émotion. Mais elle n'autorise aucune maladresse.
Coup de chance : c’est un spectacle ultra abouti dont je n’ai pas perdu le moindre mot.
Marc Arnaud, dont le parcours est déjà remarquable (je me souvenais de lui dans le rôle du Maître dans l’adaptation du Maître et Marguerite au théâtre de la Tempête) a longtemps cherché un texte susceptible de lui permettre de montrer plusieurs facettes de ses capacités. Rien de mieux qu’un seul-en-scène pour cela, mais sur quel thème ? Il a eu raison d’aborder un sujet qu’il connait bien, celui de la procréation médicalement assistée, et d’écrire, pour lui-même, un texte dialogué où il interpréterait tous les rôles. En démontrant que le seul en scène est un exercice qui n’est réussi que si on ne l’est pas… seul, sous peine de verser dans le nombrilisme.
Voilà comment est née cette Métamorphose. Le sérieux avec lequel il a potassé le sujet autorise la fantaisie et l’humour. Le résultat est inouîe de vérité, et néanmoins de drôlerie. L’art du comédien s’y révèle à l’état pur, sans l’artifice d’accessoires complexes. Juste un gobelet sur un tabouret. Mais il faut saluer aussi les lumières de François Leneveu.
Et bien entendu le travail de mise en scène de Benjamin Guillard. Autant dire qu’il connaît l’exercice. Parmi les seuls en scène sur lesquels il a travaillé il y eut deux pièces excellentes que j’ai beaucoup appréciées, Ancien malade des hôpitaux de Paris de Daniel Pennac, et Vous n’aurez pas ma haine d’après le livre d’Antoine Leiris, Molière 2018. Après avoir réalisé trois courts-métrages il écrit actuellement son premier long métrage, que je serai curieuse de découvrir.
Nous revivons avec Monsieur Arnaud (inutile de rappeler que le comédien joue son propre rôle) le parcours du combattant qu’il a effectué, avec son épouse qu’il invoque régulièrement. Car donner la vie demeure une affaire de couple.
Tout l’enjeu est de parvenir à obtenir un blastocyste. Si vous ne savez pas ce que c’est allez l’écouter. Il vous expliquera mieux que moi avec des mots simples. Tout comme il vous racontera pourquoi les mammouths s’appellent ainsi. Il mimera une séquence de publicité dont il a souvenir au Rex de Cholet et sifflera le générique de Jean Mineur. Il synthétisera en quelques secondes le film Le Seigneur des anneaux avec une virtuosité époustouflante.
Heureusement que l’infirmier le rappelle à l’ordre à chaque fois qu’il perd de vue le protocole pour lequel il ne s’est pas entraîné mais un peu préparé tout de même. Ils sont si nombreux sur scène … Je n’ai pas compté à combien de personnages cet homme donne vie mais sur ce point la métamorphose fonctionne à plein tube.
Qu’il parle à lui-même, qu’il s’adresse au public, qu’il dialogue avec ses partenaires de scène, en prenant l’accent créole ou québécois, jamais trop appuyé, avec ou sans mimiques, cet homme nous fait rire sans que jamais on ne loupe une seule de ses répliques, dont beaucoup sont désopilantes. Parce que ce qu’il nous donne à voir est littéralement passionnant, et de plus scientifiquement irréprochable. Il est vrai qu’éjaculer dans un gobelet n’avait aucune conséquence jusqu’à ce qu’en 1978, en Angleterre on mette au point un nouveau mode de conception.
Le texte est excellemment ciselé. Il est superflu d’imiter Leonardo Di Caprio pour faire monter la pression dramatique mais on ne va pas bouder notre plaisir. Il n’y a pas d’effets spéciaux. Juste une musique à la fin sur laquelle toutes les voix s’entrechoquent dans sa tête. Le compte à rebours est lancé.
Marc est comme la meilleure des salades. Tout est bon chez lui, y’a rien à jeter comme le chantait Georges Brassens. Il est passionnant. S’il est vrai que nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses comme le disait Paul Éluard,… nous ne sommes pas prêts de l’oublier.
La métamorphose des cigognes de et avec Marc Arnaud
Mise en scène de Benjamin Guillard
Jusqu'au 27 février 2022
Du jeudi au samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 h 30
A la Piccola Scala
13 boulevard de Strasbourg - 75010 Paris
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