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vendredi 25 février 2022

Musée des Commerces d'Autrefois de Rochefort (17)

J’avais de Rochefort avant tout une image maritime, associée à sa Corderie Royale, son Musée National de la Marine et la frégate l’Hermione (laquelle est en ce moment partie en restauration). Je savais que la ville abritait de nombreux musées. Je viens de découvrir le spectaculaire Musée des Commerces d'Autrefois qui abrite la plus riche collection d’objets publicitaires de France.

Si je le qualifie de spectaculaire c’est parce qu’il permet de vivre une immersion parfaite dans la vie traditionnelle du siècle dernier, présentant dans ses moindres détails, une reconstitution rigoureuse de ces commerces dont beaucoup n’existent plus aujourd’hui ou se sont tellement transformés qu’ils n’ont quasiment plus de points communs avec leurs ancêtres.

On doit cette collection privée à l'initiative d'un couple de collectionneurs de grande envergure, Christine et Jean-Francois Bourbigot, qui ont passé un temps fou à récupérer des objets anciens en y consacrant tous leurs instants de liberté. Ils ont eu l'excellente idée de se mettre en quête d'un lieu adéquat en plein centre de Rochefort pour faire profiter le public de leurs trouvailles -objets par milliers, mobilier, affiches- dans une scénographie adéquate depuis juillet 1990, en évitant l’écueil de l’accumulation.

Cet ancien entrepôt de quincaillerie, d'environ 1000 m² construit sur quatre niveaux, au début du XX° siècle dans une architecture de style Eiffel, est l'endroit idéal pour rendre crédible la reconstitution grandeur nature d'une vingtaine de commerces et d'ateliers artisanaux, terme à entendre au sens large car il y a aussi une salle de classe.

L'ensemble est en constante évolution. De nouveaux commerces ont été ajoutés par leur fils, Sébastien qui gère désormais le musée et il est probable que d'autres suivront car une extension est prévue dans l'immeuble voisin.

Tout est à regarder y compris l’architecture extérieure, et même la guérite où l’on vend les tickets d’entrée, jusqu’à la boutique-librairie que l’on découvrira à la sortie. Et bien entendu la vingtaine d’espaces qu’il ne faut pas contempler avec la nostalgie du "c’était mieux avant" parce que chacun démontre combien la vie était dure.

L’ensemble parlera davantage aux personnes dites d’un certain âge parce qu’ils en ont le souvenir vivant. Mais les plus jeunes aussi seront intéressés, à titre historique et parce qu’ils en ont eu un aperçu dans des films d’époque. Ici ils pourront tout à loisir prendre le temps de scruter ces objets du passé et d’imaginer leur utilité.

Les cartels fournissent les informations essentielles, en français et en anglais. Il n’y a pas trop à lire. C’est bien, car l’important est de regarder. Il est probable que l’audio-guide (que je n’ai pas utilisé) en dit davantage.
Ce qui m’a manqué, outre les arômes des diffuseurs, sans doute arrêtés pour cause de Covid, c’est de voir nos ancêtres en costumes occuper les lieux. Peut-être est-ce envisageable pour certains espaces car tous ne sont pas accessibles, du fait de leur disposition sur le côté d’un couloir de distribution. L’ensemble est d’ailleurs astucieux autant en terme de visibilité que de sécurité car une barrière retient la main qui pourrait avoir envie de toucher les objets.
On commence la visite par le sous-sol mais on pourrait aussi bien démarrer par le troisième étage puis redescendre. Chaque espace est indépendant et il n’y a pas de hiérarchie. En bas donc, se trouve le bouilleur de cru qui sans doute dormait sur place puisqu’on aperçoit une couchette sommaire.
Ensuite c’est l’école où la présence des gamelles sur le poêle indique l’absence de cantine. La date du jour de notre visite est inscrite au tableau, d’une belle écriture, avec pleins et déliés. Ma première salle de classe ressemblait à celle-ci avec ses pupitres, stylo-plumes et encriers qu’un élève remplissait avec précaution d’un liquide violet avec une sorte d’arrosoir à long bec.
Je ne sais plus si les leçons de choses et de morale étaient encore au programme mais je me souviens des cartes de géographie imprimées recto-verso que l’on accrochait aux murs. On constate que certains noms de départements n’existent plus comme la Seine-et-Oise … et que d’autres ne sont pas encore à l’ordre du jour comme les Hauts-de-Seine.
Au rez-de-chaussée se trouve la pièce maîtresse, le Café du Théâtre, où rien ne semble manquer. Un œil averti remarquera combien le tabagisme était admis comme en témoignent les cendriers incrustés aux quatre coins du baby-foot.
L’alcoolisme était lui aussi de pair avec la fontaine à absinthe et la ribambelle de bouteilles d’alcool, à croire que l’injonction "ni alcool ni air confiné" ne s’adressait qu’aux enfants. Le percolateur, bien évidemment ancien, rappelle que le café était un breuvage déjà quotidien.
Les chaises et les tables "bistrot" attendent le retour d'une clientèle qui devait y passer de joyeux moments tandis que l’accordéon posé sur le sol reste muet. Des airs d’autrefois s’échappent de la radio et se propagent jusque dans les étages supérieurs, ce qui participe à créer une atmosphère authentique. On remarque quantité d’objets publicitaires, surtout à la gloire des distilleries.
La modiste présente une infinité de modèles. L’endroit semble appartenir à un passé lointain et pourtant cela ressemble énormément à ce que j’avais découvert à Caussade, capitale de la chapellerie française. Plus loin, nous verrons le salon de coiffure dont les barbiers d’aujourd’hui s’inspirent pour aménager leur local. On retrouve les diverses eaux de Cologne et l’indispensable Pétrole Hahn si réputé pour les chevelures qui étaient livrées à des mains expertes pour obtenir par exemple une ondulation. On imagine combien on se faisait beau et belle avant de passer chez le photographe (pièce 14) où l'imposant matériel est sans nul doute surprenant pour les jeunes qui mitraillent avec leur smartphone.
La santé est un domaine qui a lui aussi bien changé. On ne va plus chez l'apothicaire pour faire peser son bébé dans un couffin en osier ou acheter des ventouses si on a des soucis pulmonaires. Le cabinet médical est terrifiant et personne n'aurait envie de s'asseoir dans le fauteuil du dentiste, installé juste en face.
 
Un peu en contrebas on remarque la teinturerie avec ses marmites en cuivre pour colorer le linge, en particulier en noir car il y a un siècle on portait le deuil très longtemps et il était plus économique d'apporter sa garde-robe à teindre plutôt que d'en acheter une nouvelle. Et puis l'usure se remarquait moins sur les tissus foncés. L'ensemble est admirablement reconstitué, et pour cause puisque c'est un atelier entier qui a pu être récupéré. La crédibilité du musée s'en trouve renforcée une fois de plus.

Au niveau du dessus, dans une vitrine, on remarquera les galoches, sans doute très solide, … alors que désormais on jette car la réparation d'un cordonnier (quand on en trouve un) est souvent hors de prix. A coté, des fers à repasser sont exposés, dans des formats divers, jusqu'au plus fin, pour tuyauter les dentelles des coiffes.
Un autre espace a pu être reconstitué à l'identique. Ce sont les Cafés Freddy, une marque rochefortaise spécialisée dans les cafés torréfiés et les épices exotiques. Les commerces de bouche sont les plus représentés. On peut lire des noms de marques familières à nos parents comme les bouillons Kub, la chicorée Leroux,  à côté d'autres qui sont encore dans les rayons de nos boutiques comme Banania. Mais tout est soit dans des sacs de papier, soit, plus souvent, dans des boites en fer pour garantir une bonne conservation. Certaines, très belles, sont prisées des collectionneurs.
La graineterie voisine est un petit bijou. Par son mobilier jaune et bleu en parfait état et par la profusion de graines, y compris d'espèces anciennes comme le chou coeur de boeuf.
 
Quand le regard plonge vers l'étage inférieur on a vraiment la sensation de se trouver dans un centre commercial. L'authenticité des mobiliers est exceptionnelle, aussi bien pour la boucherie charcuterie (et ses glacières aux portes de bois) que l'épicerie et le bazar, ancêtre des droguerie et quincaillerie qui eux-mêmes n’existent quasiment plus.
La profusion d'articles en émail bleu étonne tandis que la présence sur le mur du troisième étage des panneaux publicitaires pour la pile Leclanché ravive des souvenirs avec la Mazda ou encore la Wonder qui soit disant ne s’usait que si l’on s’en sert.
Un monte-charge a été conservé le long de la façade. Les toilettes sont reconstituées avec humour. On peut lire sur la porte la mise en garde contre une occupation intempestive, passible d'une contravention de 250 francs.

Il y a aussi bien sûr la boulangerie et la pâtisserie, à la clientèle plus élitiste, avec son salon de thé annexe qui ressemblerait presque à ce qu'on peut encore trouver. Par contre la forge du maréchal ferrant, encore active au début du XX° siècle, a totalement disparu, tout comme les chevaux tirant des carrioles.
Le moindre détail est soigné, jusqu'au sol, adapté à chaque lieu. Les pavés suggèrent la rue dans laquelle circulaient les vendeurs de journaux. Et la Semaine de Suzette est en valeur dans le kiosque à journaux.
Les quatre niveaux se parcourent facilement, sans jamais lasser. Quelques commerces sont locaux mais l'ensemble est si universel que chacun y reconnaitra les commerces et les ateliers où leurs ancêtres s'approvisionnaient et venaient faire réparer ce qui pouvait servir encore. Il est logique que chaque espace nous parle. C'est très complet, très réaliste, mais pas surchargé pour autant.

Le voyage dans le temps dure au moins une bonne heure mais on peut y rester trois heures sans connaitre l'ennui. Il se termine par une jolie boutique pratiquant des prix raisonnables pour des objets utiles, plateaux, sacs et cabas ornés d'anciennes publicités, torchons, plaques émaillées, distributeurs de serviette, sets de table. Une petite librairie la complète avec des ouvrages intéressants sur les métiers d’autrefois et le mode de vie de nos grands-parents.
Avant de partir vous pourrez même acheter un bonbon ancien, comme le roudoudou coulé dans un vrai coquillage. N'oubliez pas de jeter un dernier regard à la minuscule station essence ancienne avec sa pompe à bocal de verre avant de quitter ce musée atypique autant que fascinant.

Musée des Commerces d'Autrefois
12 Rue Lesson, 17300 Rochefort - 05 46 83 91 50

Du 1er février au 31 mars & Du 1er novembre au 31 décembre
Du lundi au vendredi : de 10h à 12h et de 14h à 18h
Samedi : de 14h à 18h et Dimanche : de 14h à 18h

Du 1er avril au 30 juin & du 1er septembre au 31 octobre
Du lundi au samedi : de 10h à 12h et de 14h à 19h
Dimanche : de 14h à 19h

Du 1er juillet au 31 août
Tous les jours de 10h à 20h

Fermeture annuelle le 25 décembre et le mois de janvier

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