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mardi 17 mai 2022

Découverte des Juliénas

Je ne sais pas s'il faut dire découverte "des" Juliénas ou "du" … mais une chose est sûre, il ne faut pas prononcer pas le s final. Ne me demandez pas pourquoi. Je dirai simplement qu’il en est de même pour Paris.

Ce cru, en tout cas, n'a qu'une couleur, le rouge, unique cépage 100% Gamay noir à jus blanc et une unique forme de bouteille mais -on n'y pense pas assez- il peut autant s'ouvrir en bouteille qu'en magnum. Et compte tenu de ses prix cette taille est bien équivalente au coût d’un bouquet de fleurs. Il faudra y songer quand vous ne saurez pas quoi offrir en remerciement d’une invitation à dîner.

Le juliénas est reconnu par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) comme appellation d'origine contrôlée (AOC) depuis le décret du 11 mars 1938.

L'appellation couvre 4 communes, principalement dans le Rhône et pour une petite partie en Saône-et-Loire dans le vignoble du Beaujolais. Elle est l'un des dix crus de ce vignoble, qui sont du nord au sud : le saint-amour, le juliénas, le chénas, le moulin-à-vent, le fleurie, le chiroubles, le morgon, le régnié, le brouilly et le côte-de-brouilly.

Il serait abusif de se plaindre de l'énorme popularité du Beaujolais Village tout comme il serait stupide de réserver ce vin à une consommation épiphénoménale de novembre. Disons qu’en mai, déguste ce qui te plait ! En toute modération, comme il convient de le dire.

Le terme même de Juliénas a été donné à ces vins les vins en l’honneur de Jules César qui occupa la région en l’an 100 avant J.-C. Il se peut même que ses légions y cultivaient déjà la vigne… Et voilà pourquoi le verre de dégustation est gravé d’un empereur.

Ces vins se cultivent à une altitude qui varie de 250 à 470 mètres, sur un versant de plus en plus pentu qui bénéficie d’un excellent ensoleillement. Ils bénéficient sans doute de l’une des diversités de sols les plus importantes du Beaujolais : schistes, diorites, grès, granites, piémonts mais aussi argile et surtout les fameuses Pierres bleues (pour 42% du terroir).

Il faut beaucoup de force et de courage aux ceps pour s’épanouir sur un sol majoritairement pauvre et trouver des ressources. La vaillance des vignes s’exprime donc dans le bouquet complexe des arômes floraux, fruits, épices et notes minérales qui s’allient harmonieusement.
On les dit nerveux, robustes, charpentés, séduisants ou encore élégants. Avec une très belle capacité de garde.
Si le cru est vendangé par 180 viticulteurs récoltants ils étaient 17 Domaines à être présents le lundi 9 mai dernier sur la Péniche Marcounet où était orchestrée une dégustation et chacun présentait deux cuvées. Impossible donc de tout goûter, même en minuscules quantités. Je ne vais donc pas distinguer une production plutôt qu’une autre même si je donnerai quelques caractéristiques qui me semblent utiles à connaître.
La robe est d’un rubis plus ou moins intense. Le bouquet est floral et fruité. Il offre au nez toute une gamme d’arômes de fraise, de cerise et de violette, des senteurs de cannelle, de groseille et de pivoine et, certaines années, de pêche et de cassis. Mais c’est surtout la note poivrée qui arrive la première et qui est peut-être la caractéristique la plus forte de ce cru, comme me l’a expliqué Marie-Line Voluet qui fut la première avec qui j’ai discuté.

Elle m’a convaincue de sa générosité en bouche, avec une minéralité assez marquée selon les terroirs, surtout lorsque la vigne pousse sur la pierre bleue (comme celui qu’elle propose sous l’étiquette Juliénas  Les Fouillouses 2018), se dégustant jeune ou après quelques années de vieillissement. Il est alors proche du Bourgogne avec lequel il est de taille à rivaliser.

 Les femmes sont assez présentes dans ces vignobles et je les mets à l’honneur car derrière leur modestie se cachent des professionnelles expérimentées.

Je dois citer Carole Arnaiz qui m’a impressionnée par ses préoccupations environnementales. Les parcelles sont désherbées à la main mais ils vont tenter une autre méthode en y semant du trèfle et d’autres plantes qui n’auront pas besoin d’être retirées.

Je pourrais aussi citer Charlotte Perrachon (qui travaille avec son frère Julien sur un Domaine acheté en ruines autour d’un relai de chasse par son grand-père et qui a été agrandi petit à petit) ou Célia Matray (ci-contre) qui est la 6 ème génération à travailler sur le domaine… mais loin de moi de conclure qu’elles supplantent les hommes. D’ailleurs il m’a semblé que tous s’entendaient en parfaite cohésion.

J’ai rencontré des producteurs soudés, laissant deviner une complicité bienveillante entre eux. J’ai noté des conversions entreprises avec élan, de la transmission, l’amour des vieilles vignes et une attention à leur renouvellement et aussi, quel que soit l’âge, le souci de laisser une terre saine aux générations futures.

Les Vieilles Vignes peuvent avoir 80 ans, et même être centenaires mais elles ne produiront pas autant. Il faut savoir que leur remplacement ne se fait que par l’intermédiaire d’un pépiniériste. Et que le coût est de l’ordre de 10 000 euros l’hectare sans compter le temps passé à arracher et planter, et qu’il faudra attendre  trois ans avant d’obtenir la première récolte. Voilà pourquoi beaucoup plantent tous les ans au moins 25 ares.

La dégustation est en soi un exercice difficile mais passionnant. Il n’y a pas de circuit idéal pour découvrir les 17 domaines. Je ne vais donc pas énumérer chacun mais je citerai en fin d’article ceux dont j’ai goûté une ou deux cuvées, ce qui ne signifie pas que les autres auraient démérité.
  
On remarquera une variété très large de noms et d’étiquette, de la plus sobre et classique à la plus originale (quoique cet échantillon ne soit pas représentatif des extrêmes). Quelques domaines affichent une cohésion interne. Beaucoup ont adopté le nom de lieux-dits, Les Capitans, Les Fouillouses, Beauvernay ou La Bottière (qui tous trois concernent plusieurs domaines), Vayolette, Bessay, Le Cotoyon …

Certaines autres distinguent des cuvées particulières comme le Domaine Bottière-Pavillon avec L’Indécente d’Alex qui est leur première cuvée bio et qui succède à la cuvée spéciale nommée l’Insolente. Ou encore le Clos de Haute-Combe avec sa bouteille En corps … et encore…
  
Au fil des dégustations j’ai noté des vins plus ou moins rubis, plus ou moins épicés. Les plus jeunes révélaient déjà une belle structure, avec des tanins bien présents. D’autres avaient un profil très fruits noirs autour de la trame de cassis, avec tanins assez fondus.

Des magnums étaient également proposés à la dégustation et je ne leur ai pas trouvé de caractéristiques particulièrement distinctives, hormis la taille de la bouteille, tout à fait appropriée à une consommation festive.

Devant idéalement être servis entre 15 et 17 degrés, les Juliénas accompagneront particulièrement les planches apéritives et les charcuteries, froides ou chaudes comme un saucisson en brioche, une matelote d’anguilles, le poulet rôti et ses pommes de terre croustillantes …

Je remercie pour leurs explications et le temps passé Marie-Line Voluet, du vignoble Daniel Voluet, Camille Renaud du vignoble Chaintré Vignerons associés (avec Aurélien Berthelot), Alexandre Depardon du Domaine Bottière-Pavillon (avec Carole Arnaiz), Thibaud Baudin du Domaine de Boischampt, Vincent Audras du Clos de Haute-Combe, Célia Matray du Domaine Matray (avec Lilian et Sandrine Matray), Julien Perrachon de Château Bonnet, Jérôme Corsin du Domaine de la Milleranche, Jean-Frédéric Sambardier du Manoir du Carra, et bien entendu aussi Aurélie Soulat de Vinconnexion.

noter qu’étaient également présents les Domaine des Chers, du Clos du Fief, du Granit Doré, Le Cotoyon, Benjamin Passot, Sancy, des Frontières et le Château de Juliénas.
Péniche Marcounet
Port des Célestins, Quai de l'Hôtel de ville, 75004 Paris
Métro Pont Marie, Hôtel-de-Ville ou Saint-Paul

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