Ce n’est pas une nouveauté, et pourtant si, puisqu’il s’agit d’une réédition que je découvre parce qu’elle figure dans le challenge auquel je viens de m’inscrire.
J’ai été séduite par le thème "Élargir ses horizons NetGalley" assorti du défi, en l’espace d’un mois, de quitter ma zone de confort pour découvrir des territoires inconnus à travers 15 livres, dont certains audio, tous accessibles en version numérique, ce qui est déjà en soi une gageure car je ne suis pas autant à l’aise qu’avec le format livre.
Un fauve est le premier que j’ai choisi de télécharger parce qu’il est vrai que je chronique rarement des biographies même si ce livre est classé parmi les fictions, ce qui fait que je l’apprécierai comme tel.
Je connais assez bien l’histoire de Patrick Dewaere. J’ai vu la plupart de ses films. Il est l’acteur mythique de ma jeunesse. J’ai failli écrire « maudit » car je sais combien sa vie fut tragique. Et puis nous avons été quasiment voisins quand j’habitais dans le XIV° arrondissement de Paris. Je suis encore sous le choc de sa disparition.
C’est sur ce moment qu’Enguerrand Guépy focalise l’attention, en retraçant par la fiction la dernière journée de vie de l’acteur, en juillet 1982. Il démarrait le tournage du film de Claude Lelouch Edith et Marcel que le réalisateur tournera des années plus tard. Il a raison de rappeler qu’il en avait la carrure, qu’il s’était entrainé à cette fin et qu’il avait même décidé d’arrêter alcool et drogue pour mettre toutes les chances de son côté d’être à la hauteur du rôle dont il rêvait depuis dix ans. Et il y a lieu de croire qu’il aurait été un formidable Marcel Cerdan, et que pour la première fois il aurait passé le cap des nominations aux César pour enfin remporter une statuette.
Malheureusement il apprendra ce jour là qu’Elsa, la mère de sa seconde fille, le quitte pour son meilleur ami, Mich (Michel Colucci dit Coluche). Il se suicidera avec le fusil qu’il lui avait offert. L’intérêt du livre est de rester centré sur la personnalité de Patrick Dewaere sans jamais suggérer la moindre culpabilité de ceux qui ont passé avec lui ses dernières heures, en particulier Claude Lelouch : Il n’a rien vu venir parce qu’il n’y a rien à voir venir. C’est le mystère d’un homme face à son destin (p. 182).
Qui et comment aurait-on pu éviter cela ? L’acteur était une tête brûlée à surveiller comme le lait sur le feu (p. 42), mal dans sa peau, jaloux de celui qu’il appelle le Gros des Valseuses (Gérard Depardieu) à propos duquel il est très méprisant. On sent pointer dans les dernières pages une paranoïa fondée sur de graves traumatismes remontant à l’enfance.
Le surnom de fauve colle parfaitement à la peau du héros. les termes de Ferrari ou de pur-sang (p. 87) auraient autant convenu. Celui que lui avait donné Lelouch était plus positif, Champ (pour champion, p. 35) et le livre raconte la première confrontation avec Evelyne Bouix, la future Edith, comme si c’était un match. Le récit a beau être écrit à la troisième personne on est totalement dans le cerveau de Patrick, ce qui construit l’émotion et instaure un certain suspense alors qu’on n’ignore rien de la fatalité de l’issue.
C’est un hommage à Patrick Dewaere autant qu’un portrait en creux de Claude Lelouch. L’écriture est très lyrique, peut-être correspond-elle à des standards qui se sont émoussés parce qu’on écrit aujourd’hui avec moins de filtre. Mais cette voix colle à la perfection à l’époque où les faits se sont produits, où Bouvard était un présentateur vedette alors que le magazine Femme d’Aujourd’hui avait le monopole des confidences des vedettes qui s’expriment désormais sur les réseaux sociaux.
Un fauve ne brise pas la légende. Le roman la conforte en respectant le souvenir qui reste de cet immense acteur.
Écrivain et metteur en scène, Enguerrand Guépy a notamment publié en 2021, également aux Éditions du Rocher, Ceci n'est pas mon corps, un roman noir qui comporte lui aussi sa part de mystère.
Un fauve de Guepy Enguerrand, Éditions du Rocher, réédition du roman paru en 2016, avec une nouvelle couverture, en librairie le 18 mai 2022
Chroniqué dans le cadre du #ChallengeNetGalleyFR
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