La cuisinière des Kennedy est un livre dont j’avais beaucoup entendu parler et que j’avais mal jugé, influencée par la couverture que je trouvais plutôt convenue. Le cliché qui a été choisi fait terriblement penser au plus célèbre des frères et je m’étais imaginé qu’on allait une énième fois revenir sur les aventures extra-conjugales de John et sa relation avec Marilyn. Mais pas du tout.
Valérie Paturaud m’a considérablement étonnée et séduite. J’ai plusieurs fois vérifié qu’il s’agissait bien d’un second roman car son style est parfaitement maitrisé.
Elle y raconte le destin extraordinaire d’Andrée Leufroy, une enfant trouvée en 1907 qui devint, par la force de sa passion, une cuisinière hors pair. Ayant côtoyé les Grands du XX° siècle comme les Frères Lumière, Albert Camus, les frères Gallimard, ... et bien entendu les Kennedy, elle aura été -en toute humilité- le témoin privilégié de leur quotidien.
Elle traversa en effet l’Atlantique pour se mettre au service du Clan, en premier lieu de la "reine-mère" Rose et de son patriarche de mari Joe, suivra l’ascension politique de Jack, qui devint le plus jeune jamais élu président des États-Unis, également le premier qui soit catholique, sous le nom de John Fitjzerald Kennedy, les bonheurs et les peines des uns et des autres. Au cœur de la maisonnée, Andrée prépara les gâteaux d'anniversaire, imagina le menu des dîners de gala, consola les peines des petits et partagea les joies de la famille la plus célèbre du siècle, jusqu’à en faire quasiment partie
Tout est parti d’une caisse de lettres et de photographies qu’un petit-fils d’André a confié à Valérie Paturaud en la laissant libre d’en faire le matériau d’un roman.
On pourrait lui reprocher d’avoir un peu chahuté la chronologie. Ainsi nous sommes page 299 quelques jours après l’assassinant de Bobby alors qu’elle nous annonce page suivante sa candidature pour l’investiture démocrate.
Par contre la correspondance qu’elle ne cessa d’entretenir avec sa famille provençale l’a sans doute suffisamment renseignée sur ses traits de caractère pour qu’elle nous la décrive comme une personne modeste, sincère, un peu réservée, et pourtant si forte pour avoir agi comme une féministe affirmée.
D’autres, plus fragiles, auraient davantage été influencées par cette upper-middle-class américaine dont elle n’avait pas les codes, même si ses années auprès de grandes familles françaises l’avaient en quelque sorte préparée à s’insérer dans des milieux aussi différents qu’exigeants.
On est frappé par la puissance des liens qui la relient à sa famille américaine, si marquée par les drames qu’elle se sentirait déloyale de l’abandonner. Elle resta auprès de Teddy deux années supplémentaires (p. 326) avant de se sentir autorisée à retrouver sa famille drômoise. Il est tout autant étonnant qu’elle soit parvenue à poursuivre en son sein une vie paisible et sans reproche.
Il est amusant de constater qu’elle aura mieux connu la Maison blanche que Versailles ou l’Elysée, et que c’est outre-Atlantique qu’elle aperçut Yvonne et le Général de Gaulle. Comment celle qui demandait à sa famille restée en France de lui conserver les exemplaires de Paris Match dans lesquels s’étalait la vie de ses patrons, les Kennedy, aurait pu imaginer qu’elle figurerait dans le magazine qu’elle lisait religieusement, mais à la rubrique littéraire ?
Andrée était sans doute une cuisinière hors pair, comme l’était ma grand-mère. Les intitulés des recettes n’ont rien de gastronomiques mais cette cuisine du coeur (et des bons produits) est une des meilleures. On n'est guère surpris d'apprendre qu’un président remporte dans une boîte en plastique ses cookies au miel et ses sablés glacés de Noël (p. 256).
L’auteure reconnaît avoir dû écrire une partie fictionnelle pour combler les trous entre les éléments biographiques dont elle disposait. On ne peut donc rien prendre avec certitude mais il est plus que probable que cette femme qui apparaissait simple, dévouée et sans doute aussi un peu secrète, a réellement fascinée par la découverte de la vie quotidienne de la ménagère américaines, notamment le modernisme des appareils ménagers et la profusion des rayons des hypermarchés. J’imagine très bien ma grand-mère, née à la même époque, réagir semblablement.
Est-ce parce que Valérie Paturaud est installée dans la Drôme depuis plusieurs années, qu’on a le sentiment qu’elle marche dans les traces de Marcel Pagnol ? Sa manière de raconter l’histoire, en la vivant de l’intérieur est très agréable. Je regrette que son premier roman, Nézida (Liana Levi, 2020), m’ait jusque là échappé. J’ai pourtant entendu dire récemment qu’il avait rencontré un grand succès. On lui doit aussi la célèbre et essentielle méthode de lecture "Daniel et Valérie" (Nathan) qu’elle a coordonnée au temps où elle exerça le métier d’institutrice.
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