Avec un titre de théâtre pour un film, annoncé comme une comédie, Le Deuxième Acte nous raconte une tragédie de notre soit-disant modernité. Quentin Dupieux signe (et donc assume) tout : réalisation, scénario, image, montage. Autant dire qu’il est l’intelligence du film, et qu’elle n’est pas artificielle.
Les apparences sont trompeuses. Alors, peut-être pouvons-nous admettre que la vérité n’est pas où elle prétend être, ce qui ne surprendra pas les fans du réalisateur de l'absurde qui signe ici son sixième long métrage.
Le Deuxième Acte est un film bref, d’à peine plus d’une heure, qui a mobilisé les spectateurs pendant plus d’une (autre) heure dans le hall du Cinéma Le Rex de Châtenay-Malabry (92) où je suis allée le voir pour discuter de ce qu’ils avaient vu, compris, interprété. Bref, un film qui fait parler. Et c’est bien.
Florence (Léa Seydoux) veut présenter David (Louis Garrel), l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume (Vincent Lindon). Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy (Raphaël Quenard).
Tel était le pitch du film dont le réalisateur ne voulait rien laisser filtrer d'autre de son nouveau film, Il avait d'ailleurs annoncé qu’il n’accorderait pas d’interviews et qu'il n'en ferait pas la promotion. En le choisissant pour ouvrir la 77ème édition du Festival de Cannes, et en le projetant en avant-première dans toutes les salles de France en même temps que les officiels cannois le découvriront il n'a effectivement pas vraiment besoin de promo après un tel coup de projecteur.
Mon conseil : revisionnez la bande-annonce après l’avoir vu. Il est possible que l’importance du personnage principal vous ait échappé de prime abord, et qu'il soit celui de Stéphane (Manuel Guillot) qui n'y fait pas de figuration puisqu'il est comédien de théâtre et de cinéma depuis 30 ans au côté des plus grands acteurs et voix-off depuis 20 ans.
Je ne sais pas si ces quelques lignes conviendront à Quentin Dupieux qui manifestement s’attend à tout. Car il écrit, dans le dossier de presse le moins bavard de l’histoire du cinéma : Nous sommes réellement impatients de lire vos critiques, commentaires ou insultes. Qui sait s’il entrera dans le livre des records avec la longueur de ces travellings, tournés non pas "au milieu de nulle part" comme j’ai pu l’entendre mais … en Dordogne, et cette mention n’est pas anodine, croyez-moi.
Il a été tourné en un temps record de douze jours sur un aérodrome privé, à Condat-sur-Vézère.
Je ne vais pas vous laisser totalement dans l'expectative. Je dirai que le film balaie les thèmes qui occupent les soirées des bobos du XXI° siècle : la cancel culture, les tabous et les sujets à la mode, les idées reçues et préconçues, le harcèlement et le mouvement metoo, les catastrophes écologiques, la manie de photographier tout et n'importe quoi avec son portable au lieu de prêter assistance, le vrai, le faux, à tel point qu'on a parfois le sentiment d'assister à un tournage de type Caméra invisible..
Ce film explore l’éternel débat (que l’on fouille particulièrement en littérature) de savoir qui, de la réalité ou de la fiction, est le plus surprenant, et par voie de conséquence, le plus porteur de sens. Faut-il en voir partout, y compris dans la bande-son qui inclue Love is a dangerous game de Millie Jackson (1986) ?
Mais c'est aussi un film qui interroge le monde du cinéma sur ses travers, tout en restant "droit dans sa ligne de mire", à tel point que la caméra ne vacille pas, et pour cause puisqu’elle roule sur les rails du plus long travelling de l’histoire du cinéma, qui finira par défiler comme une voie de chemin de fer.
Les personnages sont imparfaits et maladroits et se confrontent à leurs doubles cinématographiques. Cette heure en leur compagnie offre de multiples occasions de rire aux éclats et rien que pour ça allez voir ce Deuxième acte qui est loin d'être un acte manqué.
Le deuxième acte, film de Quentin Dupieux
Réalisation, scénario, image, montage de Quentin Dupieux
Avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard, Manuel Guillot …
En salles depuis le 14 mai 2024
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