J’avais découvert plusieurs vins du Domaine familial Saint-Georges d'Ibry à l’occasion de Wine Paris en février dernier. Goûter des vins lors d’un salon, c’est bien, mais rien ne vaut une dégustation au cours d’un repas comme ce fut le cas pour le déjeuner au restaurant Chez Fred.
Il peut sembler étrange de choisir la photo des propriétaires du domaine pour illustrer l'article mais ils sont si passionnés et si impliqués dans leur activité qu'ils méritent cette mise en avant.
La cuisine de Laurent Hullo est goûteuse, basée sur le bon produit : celui du terroir, et sur des recettes plutôt classiques qui s'accordent avec les vins généreux, capables d'enchanter le repas.
Dans les années 50, c'était l'adresse fétiche d’un certain Commissaire Maigret, si l'on en croit son créateur, Georges Simenon. Le décor a été rafraichi mais il respire encore la tradition qui s'affiche sur les murs (voir photos en fin d'article).
On peut y voir le menu du dîner de Saint-Sylvestre 1987 servi chez Francis Darroze, le père d'Hélène, où le chef a fait ses classes, bien avant de travailler une vingtaine d'années au Plaza Athénée. Et puis l'affiche du film réalisé par Jacques Besnard avec Louis de Funès, Bernard Blier en 1966, Le Grand Restaurant. Monsieur Septime n'est pas là mais on notera de multiples détails inconditionnels des belles tables. Ce n'est donc pas un hasard si les couverts étaient en argent, ce qui conférait au salon une ambiance désuète et charmante.
Nous avions commencé en toute simplicité par le Chardonnay, cépage emblématique de la Bourgogne, parfaitement travaillé dans le Languedoc, accompagné de fines gougères, qui sont tout autant un rituel des apéritifs bourguignons. Si, franchement, le chef ne les a pas réussies à l'égal de celles de ma grand-mère, par contre, le vin a tenu toutes ses promesses.
Certains parmi nous ont préféré goûter le Chemin partagé blanc, assemblage de Chardonnay pour 60% et de Viognier pour 40, provenant de vignes poussant sur des sols de marnes calcaires faiblement sableuses avec présence d'huitres fossilisées. Ce vin est partiellement élevé en barrique (30% seulement est élevé en fut de chêne neuf). C'est une très belle cuvée, la première élaborée conjointement le père, Michel, et son fils, Jean-Philippe, pharmacien, ayant préféré se tourner vers l'oenologie dans laquelle il a suivi une formation diplomante. Nous découvrir cette cuvée en rouge sur la viande.
Robe dorée, nez intense avec des notes florales, de fruits jaunes, d'agrumes qui pourraient appeler un plat de coquilles Saint-Jacques.
Deux choix étaient proposés pur accompagner le Carpaccio de daurade huile d'olive et citron : le Viognier et Excellence blanc. Le Viognier n'est pas élevé en barrique. Il est vinifié en cuve traditionnelle inox, basse température pour aller chercher le fruit et est très rapidement mis en bouteille fin novembre, début décembre.
L'Excellence blanc est un assemblage de quatre cépages : le viognier, mais aussi le muscat, le sauvignon et le chardonnay. Ils sont implantés sur des sols variés allant de sédiments marins à des graves, en passant par des calcaires avec présence d'huitres fossilisées. On pratique la vendange mécanique de fin de nuit. Chaque cépage est vinifié individuellement et n'est assemblé qu'après un élevage de plusieurs mois sur lies.
Le chardonnay apporte structure, rondeur et matière. Le muscat ses notes de litchi et de rose. Le sauvignon sa vivacité. Le Viognier son fruité mûr et ses notes d'abricots secs. Il est vrai que la bouche est fondue et savoureuse mais j'ai eu - sur cette daurade délicieuse- une préférence pour le Viognier seul.
A noter que l'Excellence existe en blanc, en rosé et en rouge. Ce dernier sera servi avec la viande et je le préférerai au Chemin partagé Rouge.
Le suprême de pintade au jus avec sa purée de petit pois fut ultra fondante. Là encore deux vins nous furent servis : Chemin Partagé Rouge et Excellence Rouge et c'est parce qu'on se prête au jeu de la préférence qu'on établit un classement. Il est probable qu'une dégustation horizontale n'aurait pas les mêmes résultats.
Le Chemin Partagé rouge est un assemblage de Syrah 60%, Merlot, Cabernet-Sauvignon, Grenache, tous implantés sur des sols graveleux en côteaux. Le palissage est haut afin de favoriser l’exposition foliaire et ainsi les maturités. On procède à une vendange mécanique de fin de nuit, suivie d'égrappage et foulage avant la mise en cuve. Alors que le Merlot, le Grenache et le Cabernet- Sauvignon sont élevés 12 mois en cuve inox, la Syrah, elle, sera élevée pendant 12 mois en fûts de chêne.
La robe est grenat avec des reflets violacés. Le nez est intense, porté sur des notes de fruits noirs confits, de chocolat et de caramel. La bouche est soyeuse avec des notes d’épices douces, de poivre et de vanille.
La cuvée Excellence est pratiquement la première sur laquelle Michel Cros a travaillé. Elle existe en blanc, on vient de le voir, mais aussi en rosé, qui tous remportent l'adhésion des restaurateurs. Ici l'assemblage se fait là encore entre Syrah, Merlot, Cabernet-Sauvignon, et Grenache. La vendange mécanique est matinale. Longue macération et fermentation thermorégulée. Chaque cépage est vinifié séparément et n’est assemblé qu’une fois la fermentation malolactique effectuée. Elevage de 12 mois en cuve inox.
La robe est d’un beau rouge profond. On repère de superbes notes de fruits confits, dominées par des arômes d’encens et d’eucalyptus. La structure en bouche est ample et généreuse où se déploient des parfums de garrigue.
J'ai peu l'habitude d'indiquer des prix de vente parce que je trouve que ce n'est pas le lieu mais il convient de souligner que trouver de tels vins, que ce soient la gamme Excellence comme les Chemins partagés, aux alentours de 10 € est un bel avantage. Et il faut souligner que le domaine fair un effort sur les frais d'expédition.
J'ai été surprise qu'on apporte un vin rouge sur l'assiette de fromages. Je suis depuis très longtemps convaincue que le blanc est le seul accord qui convienne mais j'ai apprécié la Cuvée 1860 sur le comté.
Cette cuvée a été élaborée pour les 150 ans du domaine avec Syrah et Grenache en vieilles vignes sur des parcelles implantées sur des sols graveleux en coteaux, sélectionnées avec un soin particulier. La vendange a lieu au petit matin ensuivie d’un égrappage et d’un foulage doux. Longue cuvaison en cépages séparés pendant 30 jours avec constants contrôles des températures. Elevage de 12 mois en fûts de chêne.
C'est pour rendre hommage à leurs aïeux qu'ils ont créé la Cuvée 1860 en sélectionnant des raisins de vieilles vignes de syrah et de grenache poussant sur des sols graveleux en coteaux. La vendange s'effectue au petit matin, ensuivie d'un égrappage et d'un foulage doux. La cuvaison est longue, en cépages séparés pendant 30 jours. l'élevage se fait 12 mois en futs de chêne.
C'est un vin riche, de couleur violacée et sombre qui évoque le terroir caillouteux avec de jolies notes épicées. il est velouté en bouche avec une belle élégance et une persistance bien marquée.
La robe surprend par son rouge profonde soutenu par des teintes violacées sombres. La puissance et la richesse aromatique n'excluent pas le fruité rouge et des notes de vanille douce, d’épices et de torréfaction acquises lors de l’élevage. Soyeux, complexe et velouté en bouche, on apprécie une alliance réussie avec le fût de chêne. Douceur, élégance et persistance complètent pleinement la dégustation de cette cuvée.
Par contre je suis revenue au Viognier pour le chèvre et le bleu. A signaler le bon pain croquant de la boulangerie d’Au Coin de la Rue.
J'ai découvert le Muscat Sec sur la tartelette aux fraises. Il me semble que je n'avais jamais eu l'occasion de découvrir ce cépage autrement qu'en version "vin doux apéritif" et j'ai été agréablement surprise. Je veux bien croire que ce soit l’un des rares vins frais qui s’associe avec les asperges, se marie avec la brandade comme avec les plats exotiques relevés au curry. Et qu'on puisse l'apprécier également sur le foie gras, les fromages de chèvre et le roquefort.
La robe est d’un jaune pâle brillant. Ses arômes de litchis et de pétales de rose sont caractéristiques et apportent de la finesse et de l'élégance. Il révèle une belle acidité qui efface en douceur sa sucrosité.
Ce repas fut une belle opportunité pour mieux connaitre un domaine de 70 hectares où se sont succédées six générations depuis 1860. Il est situé entre Pezenas et Béziers, dans la commune d’Abeilhan, à 25 km du Cap d’Agde, donc de la mer.
Michel et Marianne Cros, descendants de la famille Ibry, ont repris l’exploitation de leurs aïeux en 1985 et ont eu à coeur de la développer jusqu’à ce qu’elle devienne productrice d’un vin gouleyant, fruité, délicat, ensoleillé, mais aussi de qualité et respectueux. La préoccupation environnementale y est bien présente. On a commencé à planter davantage de cépages locaux comme le floréal, ultra résistant aux maladies. Les sols sont laissés tranquille en hiver et on réfléchit aux moyens de pallier le déficit en eau qui est déjà bien réel. Les vins répondent à une démarche de viticulture durable sous les labels Terra Vitis et HVE.
Leur fils Jean-Philippe Cros, docteur en pharmacie et détenteur du diplôme National d’œnologie (DNO) les a rejoints en 2016, porté par la même passion.
Le vignoble se déploie sur les côtes de Thongue (ce qui autorise l'IGP Côte de Thongue), là où les terroirs se partagent en terrasses anciennes caillouteuses, sol en marnes de calcaire et présence de fossiles, ce qui apporte aux vins richesse et complexité.
On note aujourd’hui 14 cépages, en blanc et en rouge.
En blanc : chardonnay, sauvignon, muscat, viognier, floréal, grenache, colombard.
En rouge : syrah, merlot, cabernet-sauvignon, marselan, grenache, cinsault, carignan.
Ils composent 24 cuvées, en rouge, en blanc, et aussi en rosé, dont certains sont des vins d’assemblage réalisés avec subtilité et intelligence, professionnalisme. La liste des récompenses obtenues est longue et à titre d'exemple l'Excellence Blanc collectionne 20 médailles dont 12 d'or. Mais on compte aussi quatre médailles d'or du Concours général agricole pour la seule année 2023. Peut-être bientôt une médaille d'excellence, mais il faudra que la performance se pérennise trois ans de suite.
Rien d'étonnant à ce qu'ils intéressent de plus en plus la restauration surtout lorsqu'on sait que tous ces vins ont une caudalie de niveau au moins 5. Ils sont déjà présents sur de grandes tables où ils portent les valeurs du Languedoc, ce qui n'était pas courant il y a quelques années en arrière.
Derrière les vieilles pierres qui composent la cave historique, une cave moderne de stockage de 400 m2 a également été créée. Elle est tellement innovante et impressionnante qu’elle s’apprête à faire partie de la visite du domaine. Cuves en inox, en fibre de verre, chais à barriques, amphores de terre, elle regroupe toutes les propositions.
Michel Cros apporte une attention particulière au choix des barriques. Ce sont elles qui apportent la noblesse de l'aromatisation du vin. leur durée de vie est d'environ 5 ans. Autant dire qu'il faut régulièrement en remplacer parmi les 200 que compte la cave. Quand il en commande de nouvelles il demande une répartition entre les niveaux de chauffe, en général pour un tiers à haut niveau, un tiers moyen et un dernier tiers à faible niveau. C'est essentiel pour obtenir le résultat qui se savoure dans un verre de Chemin partagé.
Le meilleur moyen de connaître la marque Saint-Georges d’Ibry serait de lui rendre une petite visite. D’y faire une halte. Assister à un concert de jazz, à une pièce de théâtre, partager un pique-nique dans les vignes. Aller boire un verre au caveau de dégustation, par exemple ce Murmure d'Automne que Marianne Cros conseille sur un plateau de fromages, et s’offrir quelques produits artisanaux issus de producteurs dument sélectionnés.
Pour le moment je n'ai pas tout dégusté mais je peux avouer un coup de coeur pour Le Chardonnay, le Viognier et la Muscat sec, également Le Chemin Partagé Blanc, l'Excellence Rouge … mais aussi pour la Cuvée Marianne dont je parlerai prochainement.
Certains des accords que j'ai faits pourront surprendre mais toute la qualité d'un vin est de pouvoir être servi avec des plats simples, qui appartiennent à la cuisine de tous les jours, faute de quoi ils resteront vieillir dans la cave. C'est ainsi que, quelques jours après ce déjeuner j'ai osé servir le Viognier sur un "simple" minestrone. Je vous en donnerai la recette dans quelques jours.
Chez Fred, 190 bis boulevard Péreire 75017 Paris
Ouvert du Lundi au Vendredi : Au déjeuner de 12h à 14h et au dîner de 19h à 23h
Fermé le samedi (sauf privatisation) et dimanche.
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Un superbe plateau de fromages dès l'entrée du restaurant
Laurent Hullo
Un mur de la salle à manger privative
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