Encore un spectacle vu en Avignon et dont je n'avais pas eu l'opportunité de parler jusqu'à présent.
Il donne l'opportunité d'entendre une chanson peu connue de Nicole Croisille, écrite par Luc Plamandon en 1980, Mon arc-en-ciel. Je ne dirai pas que c'est une surprise puisque le metteur en scène Pierre Notte connait bien la chanteuse à qui il a même donné un rôle dans sa pièce Night in white Satie l'année dernière.
Ce choix musical illustre bien le propos de cette Noce, présentée comme la farce cruelle des laissés pour compte qui font tout pour s'imposer à la cérémonie à laquelle ils prétendent avoir été invités.
On ne saura jamais qui ils sont et quel lien éventuel il y aurait entre eux si ce n'est qu'ils sont cinq en comptant la narratrice (peut-être est-ce pour cela qu'elle est équipée d'un micro HF qui aura dérangé plus d'un spectateur dans cette salle minuscule).
Avec elle, ou menés par elle on reconnait l’Enfant, le Monsieur, l’Homme, la Femme et la Dame. Ils veulent tous assister à cette noce à laquelle aucun n'est invité. Ils usent et abusent de subterfuges pour s'infiltrer parmi les invités, des centaines à ce qu'il parait. Leur progression a souvent des allures de radeau de la méduse qui leur permet de passer les barrages, les policiers, les domestiques qui finissent par avoir des failles.
Ils prétendent avoir été invités et enfin ils y seront. Relégués au fin fond d’une enfilade de salles de réceptions plus majestueuses les unes que les autres, ils sont finalement installés tout au bout, bien loin des mariés et de leurs familles. Mais qu’importe, il fallait être là, même loin, même tout petits.
La soirée se déroulera d’abord selon le rituel : on fait connaissance, on attend les plats, on invente des bons mots, des discours avortent en riant… Puis tout prend un tour surréaliste ; l’amertume, l’envie, la naïveté aussi vont amener ces personnes aux actes les plus fous. Mus par le besoin irraisonné de voir, de savoir, de connaître, ils vont se livrer au pillage.
Le message est terrible. Même une fois admis dans le sacro saint fantasmé personne ne s'y reconnait suffisamment pour le respecter et chacun se comportera comme il est désigné, ... une bête sociale. Rien ne subsistera de ce monde qui n’est pas le leur et où il n'ont aucune place possible.
Pierre Notte décrypte l'oeuvre de la manière suivante : "Jean-Luc Lagarce écrit Noce comme Buñuel filme Viridiana. Sans concession, sans merci, sans tomber dans aucun piège de la dénonciation moralisatrice, le bien du côté des exclus, le mal du côté des nantis, et on compatit, merci pour tout et à bientôt. Il écrit Noce comme Les Prétendants, fables politiques, satires ou contes, sans pitié pour personne. Le mal, l’ordure, c’est le système, qui pourrit tout, et tout le monde. C’est une fête macabre, où l’humanité vire au carnage quand elle comprend son erreur, piégée par le système".
L'absence de décor est fort judicieuse puisque ce choix permet de tout imaginer en fonction de découpes de lumières très suggestives. La grande table qui est l'accessoire essentiel est tour à tour le symbole du banquet, mais aussi de la trahison (on pense à la Cène) et le dernier rempart. Les comédiens portent le spectacle comme une offrande. c'est magistral.
Parmi eux Grégory Barco qui est l'auteur de Louise, joué au festival à l'Arrache-coeur avec son camarade Bertrand Degrémont (et Nicole Calfan mais qui elle, ne participe pas à la fête de ce soir) ... témoignant qu'Avignon est bien petit. Quant à la présence de Pierre Notte au festival elle est multiple.
Noce de Jean-Luc Largarce au Théâtre du Roi RenéMise en scène de Pierre Notte
Lumières de Aron Olah
Avec Grégory Barco, Bertrand Degrémont, Amandine Stroussi, Eve Herszfeld et Paola Valentin
Du 6 au 29 juillet 2018 à 20 h 05
Au Théâtre du Roi René • 4bis, rue Grivolas • 84000 Avignon • Tél : 04 90 82 24 35
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire