La lumière blanche fait resplendir la moindre feuille de papier et je me dis qu’il va falloir ruser pour ne pas me faire repérer dans le noir. Ma prise de notes a peu de chance d’être discrète.
La scène est occupée par une machinerie étonnante, comme le sera bientôt le raisonnement du clown blanc qui va disserter à propos de liberté ! ... avec un point d'exclamation.
Il n’y a aucune raillerie dans mon affirmation car Gauthier Fourcade réussit à lier philosophie et humour, qu’il assaisonne de poésie et de dérision.
Il a eu la bonne idée de confier la mise en scène du spectacle à William Mesguisch qui l’a aidé à faire des choix sans restreindre sa liberté. L’homme n’aurait sans doute pas cédé. S’il respecte la mise en place et le texte il s’autorise une marge ... de liberté à chaque représentation si bien qu’on peut venir le voir plusieurs fois sans se lasser.
Dans un premier temps c’est à Rome qu’il aimerait nous entraîner puisque tous les chemins y conduisent, en passant par ici, sur la gauche, ou par la solitude, sur la droite, à moins de préférer suivre l’une des nombreuses flèches. Mais comme souvent dans la vie il en est empêché par un fâcheux coup de fil lui demandant de choisir entre rouge et bleu. Il réfute l’assertion selon laquelle la liberté serait synonyme de choisir. Lui nous dit ne pas vouloir (ou pouvoir ?) choisir. Il démontrera qu’elle niche au contraire dans la création en fredonnant cette fois les Passantes de Brassens.
Il enchaînera moult démonstrations audacieuses assorties de véritables stratégies de contournement de diverses difficultés. Qu’on l’empêche de braquer à gauche pour doubler et le voilà qui va démontrer qu’il est très facile de conduire en allant uniquement tout droit ou à droite. Il sort une petite auto flamboyante pour nous le prouver. Et ça marche ! Il sait même comment procéder pour faire un demi tour sans reculer.
Il est persuadé que nous sommes la synthèse de nos actes et de nos rêves et réfute donc le déterminisme. Le "message personnel" de Françoise Hardy alimente sa réflexion :
Si tu crois un jour que tu m'aimes
Et si ce jour-là, tu as de la peine
À trouver où tous ces chemins te mènent
Viens me retrouver
Trouver l'amour sera une longue quête. Aidé par des marionnettes, le comédien illustrera les atermoiements entre deux amoureuses. Que l'une d'elles le contraigne à choisir entre un pull rouge ou un bleu et c'en sera fini de leur histoire. Ce sera la pomme de discorde car il lui est aussi difficile de choisir pour lui-même que pour les autres. La boucle est quasiment bouclée. Le comédien semble focalisé sur les couleurs. Il interroge Armstrong en reprenant la chanson de Nougaro :
Un jour, tôt ou tard,
On n'est que des os...
Est ce que les tiens seront noirs ?
Les os des hommes sont tous blancs ... alors que les femmes ont des os verts (ovaires). Les jeux de mots se sont enchainés sans aucun temps mort tout au long de la soirée. L'homme tourne en rond autour de la vieille malle mais son raisonnement est impeccablement rodé et sans faille. Il peut chausser cette fois un nez rouge.
La chanson de Moustaki n'a jamais été autant opportune. Gauthier Fourcade est chaleureusement applaudi. Il a un public de fidèles qui le suit de spectacle en spectacle. Il peaufine ses textes et sort un nouveau spectacle chaque six ans. Chacun est un succès, que ce soit en région parisienne ou cet été en Avignon où il s'est produit au théâtre du Petit Louvre.
Et si vous avez besoin d'images pour être totalement convaincu regardez un extrait.
Liberté ! (avec un point d’exclamation)De et avec Gauthier Fourcade
Mise en scène de William Mesguich
Au Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles - 75017 Paris
Du 20 Octobre 2018 au 27 Avril 2019
Le mercredi à 19h et le samedi à 15h
Les mercredis à 19h et les samedis à 15h
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire