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jeudi 18 octobre 2018

Chimie Vivante, troisième album de Féloche

Je connaissais Féloche à travers ses disques. Je suis allée le découvrir sur scène, au Centre Paul Baillart de Massy (91). Il passera bientôt (le 20 décembre) au Pédiluve de Chatenay-Malabry (92).

Il a, à juste titre, un public dans chacun de ces endroits où il s'est déjà produit, et c'est légitime parce qu'il appartient à cette catégorie d'artistes, à la fois chanteurs, compositeurs et interprètes qui aiment la scène.

Découvert aux Francofolies en 2010 ce n'est pas un hasard s'il a été nominé aux Victoires de la musique en 2015 comme "révélation scène de l'année" où il interpréta Silbo que l'on a entendue aussi ce soir.

On entendra aussi Darwin avait raison qui était le titre phare de son premier album, La vie cajun (enregistré à 23 ans, sorti bien plus tard, en 2010).

Féloche, né en 1973, est le petit-fils de de Charles Le Bars, artiste-peintre et sculpteur. Son père, Hugues Le Bars fut un grand compositeur de musiques de film, de ballets de Maurice Béjart et d'histoires pour enfants (Collection Père Castor), célèbre pour avoir souvent inséré des voix dans ses compositions, notamment celles d'André Malraux, Eugène Ionesco, Sonia Rykiel ...

Au début des années 1970, Hugues Le Bars s'était installé au vert dans un petit village de l'Aisne qu'il finit par quitter pour habiter près de Montfort-l'Amaury. Il réinstalla alors son studio non loin des lions et des girafes de la réserve africaine de Thoiry. où il résida une vingtaine d'années avec sa compagne et leurs enfants. est-ce qu'avoir entendu les cris des lions a conditionné Féloche et lui a soufflé l'inspiration pour écrire Crocodile ?

Le clip de cette chanson a été tourné par Yolande Moreau, qui est une actrice et réalisatrice, à l'univers extraordinaire. On se souvient de son interprétation très sensible dans Séraphine, et de la sensibilité de son second film Henri. Ils avaient depuis longtemps le projet de travailler ensemble car elle devait déjà faire le clip de On va ouH! Pour Crocodiles elle a dirigé Féloche en lui suggérant d'être le plus sobre possible, ce qui allait à l'encontre du tempérament bouillonnant qu'il révèle sur la scène mais qui procure un résultat très intéressant.
Les crocodiles, ce sont "les trucs qu'on se prend dans la tête" et qui nous changent, inévitablement. Parce que le corps est une Chimie vivante. Cette chanson donne le titre à ce troisième album et c'est elle qui ouvre le concert.

La pochette, conçue par Lisa Rose est magnifique, composée de papiers découpés enrichis de feuilles d'or qui lui confèrent un aspect marbré. La couleur jaune citron évoque aussi le soufre de l'acide sulfhydrique dont tout chimiste connait l'odeur par coeur.

Plus on l'écoute et plus on aime cet album où Féloche creuse encore plus loin les sillons qu'il a pris l'habitude d'explorer, l'enfance, la mémoire et l'amitié. Il a fait appel à des amis, L. Nico et à Christophe Alexandre pour écrire la plupart des titres et pourtant l'album reste dans une tonalité personnelle. Il est très représentatif de son formidable appétit de vivre que l'on pourrait supposer être un cadeau de naissance. Le musicien semble être un homme heureux et cela se sent en concert.

Il est entouré sur la scène par deux jeunes femmes talentueuses, Sabrina Boudaoud (basse) et Iya Duclos (percussions, ukulélé, voix, danse).

On ne peut pas parler de Féloche sans préciser qu'il joue d'un instrument particulier, la mandoline, qui lui a fait de l'oeil, place de la Bastille où pour une fois un marchand d'instruments haut de gamme (et onéreux) bradait quelques pièces pour pas cher. Ce heureux hasard lui a permis de s'approprier l'instrument qui est devenu sa signature musicale.

Jusque là guitariste, Féloche a été mis à rude épreuve par les 8 cordes de cet instrument originaire d’Italie, mais qui lui a fait découvrir des gammes nouvelles. C'est avec elle qu'il a composé La vie cajun, en gamme pentatonique, et plus de vingt ans plus tard la mandoline continue de l’accompagner dans toutes ses créations. Elle est devenue au fil du temps un composant majeur de sa carte d’identité sonore. Son rêve serait d'apprendre maintenant la mandoline classique au sein d'un orchestre.

Le miroir (piste 1) et Je crie (piste 11) ne figurent pas dans le show. Ces deux titres, très personnels, justifient la dédicace de l'album au fils et au père. Dans le miroir il explique "quand j'étais tout petit, j'voyais tout en grand / Et maintenant qu'huis grand, je me vois tout petit". On y entend une de ses filles, Rosalie. Et dans Je crie, c'est la voix parlée d'un autre le Bars, Ulysse, qui rend hommage au papa de Feloche, tombé dans le désert.

Le musicien  revendique la filiation. Il a été bercé par la musique, et se souvient de la façon que son père avait de faire les sons, en particulier les bandes à l'envers. Il cherche à transmettre le plaisir du son, la magie de l'enregistrement et glissera toujours, dans chacun de ses albums, des sons ou des accords que seul son papa pourrait comprendre. Chimie vivante ne déroge pas à cette règle et on peut dire que c'est un disque sur la transmission.
Sur scène, Féloche est différent, parce que faire des concerts reste quelque chose de l'enfance. Alors se dégage fortement une énergie débordante et joyeuse qui le caractérise si bien. L'atmosphère évoque parfois le cirque avec Fais l'effet (piste 7) qui nous montre des cracheurs de feu alors que des dragons dansent dans le noir. Le final au violon est d'un très bel effet ... précisément.
On voyage en Louisiane avec Darwin avait raison, et Tous les jours, mais on retourne aussi dans les Canaries, dans l'île où les hommes parlent comme des oiseaux et qui lui inspira l'album Silbo. On entendra la chanson titre, mais aussi Mythologie (alors que sa complice danse sur scène un flamenco langoureux), et T2Ceux.
Il y a ceux qui brûlent en enfer
Pour l’éternité dans les flammes éternelles
Et ceux qui s’en grille une p’tite dernière
Sur le balcon en slip et qui se les gèlent
On appréciera aussi Tara Tari (piste 5) qui une chanson de marine, qu'il a écrite en hommage à Capucine Trochet, partie traverser un océan avec un tout petit bateau de pêche du Bangladesh. Cette aventurière, atteinte d'une maladie des articulations, a la force des petits, du courage jusqu'à l'infini et il a eu raison de lui écrire cette chanson, qui loue à la fois son courage et sa légèreté.

J'avais eu la chance de recevoir cet artiste dans Entre Voix sur Needradio (le replay figure à la fin de l'article) et je me souviendrai longtemps de sa bonne humeur, de son large sourire, de son énergie très communicative et de la douce folie (c'est un compliment) qu'il met dans tout ce qu'il fait de bon coeur. Il n'est peut-être pas que "heureux" mais il sait donner aux autres le goût de la jubilation.

Il faut aller le voir sur scène ... pour l'entendre encore mieux et finir par croire qu'après la mer y'a l'Eldorado !
Féloche
Nouvel album Chimie Vivante, chez Silbo Records depuis le 14 septembre 2018
En concert au Pédiluve (Chatenay-malabry-92) le 20 Décembre, et en tournée

 

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