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mardi 27 mars 2018

Le dernier porc de Horace Engdahl chez Serge Safran Editeur

Avec un titre pareil, Le dernier porc, on ne peut que songer au déferlement des témoignages qui ont secoué les médias ces derniers temps. La campagne "Balance ton porc" incitant à dénoncer les comportements abusifs a démarré en France à l'automne dernier et on a envie de croire que Horace Engdahl, bien que suédois, mais parfaitement francophone, s'en est pas inspiré pour écrire ce livre. Sans doute pas puisque l'édition originale, suédoise, date de 2016.

Laissons parler l'auteur (p. 16) : J'aimerais à cette occasion rappeler la phrase qu'on pouvait lire dans une ancienne dissertation d'un écolier : "Si le porc pouvait dire  : "Je suis un porc", il ne serait plus un porc mais un être humain." Voilà une vraie perle philosophique.

Que pouvons-nous ajouter ? Ce livre mince de moins de 100 pages ose multiplier les questions et ne se lit pas si vite qu'on pourrait le penser. On se surprend à revenir moult fois en arrière pour décrypter le sens caché, et peser s'il s'agit d'un premier ou d'un second degré. L'auteur a le (grand) mérite de nous forcer à réfléchir.

Un homme dont le couple vient de voler en éclats, essaie de recoller les morceaux. Son monologue, théâtralisé, est une méditation sur la vie, le fait de vieillir, les rapports entre les êtres. Et plus particulièrement ceux entre l’homme et la femme. Quand l’homme, sur la défensive, essaie de comprendre et de faire comprendre que tous les hommes ne sont pas des violeurs potentiels et toutes les femmes des victimes.Loin d’être un pamphlet antiféministe, Le dernier porc est une réflexion sur l’abandon, le souci de rentabilité – y compris au niveau affectif -, au sein de la société moderne, et l’expression d’une virilité menacée par la destruction de son ancien pouvoir.
Une angoisse perceptible se faufile entre les lignes : Penser est une façon de faire passer le temps (p. 23). Horace Engdahl explore les failles sociétales de la position de l'homme et de la femme et de fil en aiguille en vient au couple dont l'institution vacille : Les couples ouvertement amoureux suscitent l'étonnement de leur entourage, parfois des sourires embarrassés ou de longs regards envieux- mais avant tout de l'étonnement. On se dit : cela existe encore ! (p. 44)

Mais le coeur nucléaire de son traité c'est le concept d'inemployabilité qui concerne tous ceux à qui personne ne veut fournir une occupation (p. 45). Etre jugé inapte est un verdict pire que la culpabilité. Ce qui fait songer le révolté à suggérer des stages de préparation à l'indifférence (p. 62). L'auteur peut être rassuré. Son manifeste ne laisse pas indifférent.

Le personnage, un homme, d'âge incertain, ni jeune, ni vieux, s'adresse au lecteur depuis une tribune.  Il ne cesse de grogner contre tout sans épargner personne, et surtout pas la gente féminine. C'est un porc ... à moins que ce ne soit qu'un travestissement. On dirait une pièce de théâtre. Le livre est truffé de références littéraires, théâtrales et même scientifiques ( sur la couleur des feuilles p. 92). J'espère d'ailleurs qu'il suscitera des envies chez les metteurs en scène, à l'instar de la nouvelle de Simone de Beauvoir, La femme rompue. On rêve à plusieurs reprises de la rencontre entre ce dernier porc et Murielle.

Horace Engdahl, né en 1948 à Karlskrona en Suède, est écrivain, critique, spécialiste de la littérature suédoise, traducteur (Blanchot, Derrida) et membre de l’Académie suédoise.

Le dernier porc est son troisième ouvrage traduit dans notre langue. Il succède à Café Existence et à La Cigarette et le Néant publiés chez le même éditeur.

Le dernier porc de Horace Engdahl, paru en Suède en 2016, publié en France chez Serge Safran éditeur, en librairie depuis le 1er mars 2018

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