Ce matin les martinets ne piaillent pas très fort au-dessus du Palais des Papes. Ont-ils la gorge enrouée par la cendre qui est tombée doucement hier soir sur Avignon ?
Plusieurs centaines de pompiers on été mobilisées pour fixer le feu qui s’était déclenché au sud de la ville, le long de la voie ferrée entre Tarascon et Graveson (Bouches-du-Rhône). Ils y sont parvenus il y a quelques heures et il faut rendre hommage avant tout à leur courage.
Après le Gard et la Gironde, c’est un autre département du Sud qui est touché par de terribles incendies. Le Festival d'Avignon a-t-il eu peur ? La situation sera évoquée au cours du dernier spectacle que je verrai ce 14 juillet au titre adéquat : Là le feu à 21 h 40 en salle Tomasi.
La journée fut propice à réfléchir. Elle avait commencé à 10 h 25 à La Manufacture avec Si je te mens, tu m’aimes ? dans une salle archi complète, avec même des spectateurs assis sur les coussins posés sur les marches (au fait, attention à la première, plus petite que les suivantes et donc assez dangereuse, et attention aussi à ne pas oublier le pull pour compenser le souffle glacial de la climatisation).
On m'interroge souvent sur la manière dont je choisis les spectacles que je vais voir, surtout dans un contexte d'abondance comme c'est le cas ici avec plus de 1800 propositions en incluant In, Off et If. En retenir environ 70 obéit a des critères conscients et d'autres qui le sont sans doute moins.
Le titre, les thèmes annoncés, une écriture contemporaine, le lieu ont pesé mais je n'avais pas lu le dossier de presse pour ne subit aucune influence. En sortant du spectacle j'ai compris certaines forces avaient dû me guider. Le metteur en scène Arnaud Anckaert s'est (entre autres) formé avec Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux, deux figures dont j'aime la vision du théâtre public. J'ai eu la chance de travailler avec Jean-Pierre et Avignon sans sa présence est encore incompréhensible.
Arnaud a mis en scène et conçu Appris par corps, un spectacle de cirque contemporain que j'ai vu en 2099 au festival Solstice et dont je me souviens encore, sans pour autant avoir mémorisé son nom. Il n'appartient pas à la Compagnie Un loup pour l'homme dont j'ai, depuis, vu deux autres créations, mais il me semble logique de dire qu'il n'y a pas de hasard.
Et j'adhère à son point de vue quand il affirme qu'il est souvent énervé devant l'état du monde. Et qu'il fait du théâtre pour dire, émouvoir, penser et partager.
Si je te mens, tu m'aimes ? répond a une commande d'écriture à l'auteur anglais Robert Alan Evans, dont il avait monté en 2015 Simon la Gadouille. Avec la volonté de raconter une histoire qui touche à la fois le monde de l'enfance et nous touchent aussi en tant qu'adulte. La pièce s'inscrit dans un volet "Désirs et loyauté" ouvert en 2020. La création a d'ailleurs eu lieu en octobre 2020 à Villeneuve d'Ascq.
Quand Lola arrive dans sa nouvelle école (la troisième cette année), elle repère Théo, rappant tout seul dans un coin de la cour de récré, et il semblerait qu’on assiste au début d’une histoire d’amour… deux amoureux maudits par le sort qui se retrouvent en secret sur le toit de l’école. Mais, quand cet amour vire à l’aigre et que le père de Lola menace de tuer Théo, tout devient beaucoup, beaucoup plus sombre.
Les deux comédiens Leïla Muse et Antine Ferron campent ces pré-ados de 9 ans à la vie chaotique. Ils nous racontent l'histoire comme s'il s'agissait de faits réels, et pour cause puisqu'elle est inspirée d'un fait divers auquel Arnaud a assisté dans l'école de ses enfants.
Lola, sommée de choisir entre son père (brutal) et sa mère (dépressive) préfère le chien. Théo calcule le nombre d’heures d’entraînement nécessaire pour faire de lui un rappeur de haut niveau.
Ces deux là vont se rencontrer, se heurter entre désir et loyauté, et se disputer dans la cour de leur école. Le grand dérapage aura lieu sur le toit-terrasse. A cause d’un petit couteau tranchant glissé entre les mots coupants d’un dictionnaire.
Où est le mensonge dans tout ça ? On sait bien que les choses n’existent que par la perception qu’on en a. Et ce spectacle en fait une belle démonstration, qui plus est captivante.
Car ce spectacle tente de comprendre pourquoi les adultes, aujourd’hui, se comportent comme des enfants. Leurs préoccupations et leurs angoisses ne détruiraient-elles pas la chose même qu’ils veulent protéger : l’espoir et l’avenir des plus jeunes. Les deux axes majeurs sont la peur et la question de la place.
Si nos enfants nous disaient vraiment ce qu’ils pensent, les aimerions-nous encore ? Et si nous regardons vraiment ce qui se passe dans notre monde, notre environnement, pouvons-nous sincèrement dire à nos enfants que nous prenons soin d’eux ?
Racontée en partie comme une histoire vraie, une enquête, mais avant tout comme une histoire purement imaginaire, Si je te mens, tu m’aimes ? nous invite à être attentif aux histoires sans pour autant nous fier à tout ce qu’on nous raconte, prévenait Robert Alan Evans en mars 2020.
Si je te mens, tu m’aimes de Robert Alan Evans
Traduction de Séverine Magois
Mise en scène : Arnaud Anckaert
Avec Leïla Muse et Antoine Ferron
Création costumes Alexandra Charles
Création lumière Daniel Levy
Création Musique Benjamin Delvalle avec Maxence Vandevelde
Spectacle vu le Jeudi 14 juillet 2022 à La Manufacture. Article rédigé après mon retour, à partir de mes notes et des publications faites chaque jour sur la page Facebook À bride abattue, rendant compte des spectacles vus la veille, aussi bien dans le In, que le Off ou le If. Les meilleures photos de la journée étaient publiées sur mon compte Facebook Marie-Claire Poirier peu après dans la matinée.
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