Cela peut paraître insignifiant, mais la programmation du Facteur Cheval ou le rêve d’un fou, à 11 h au Festival Off Avignon au Théâtre des Halles a apporté de la souplesse dans mon emploi du temps qui, les autres jours, démarre à 10 heures. Ça compte, une heure de plus, d’autant que le spectacle a lieu dans le jardin, en plein air … avec malheureusement pour Elliot Jenicot la difficulté de devoir supporter les bruits de la rue sans être sonorisé (il mérite une couronne) et surtout le soleil. Mais pour ceux qui, comme moi, savaient qu’il fallait s’installer en haut à cour, tout allait bien.
C’est l’histoire d’un homme qui ne savait pas dire je t’aime, et qui l’a dit avec des pierres. On le disait fou, il ne l’était pas. C’est le monde qui l’est. Plus de trente ans pour construire un palais extraordinaire, seul, avec ses outils, sa brouette et une volonté inébranlable. La plupart des gens qualifieraient une telle entreprise de folie mais c'était un fou génial.Nadine Monfils nous convie à un récit initiatique mêlant fiction et réalité, créant ainsi une histoire hors-norme qui contribue à la légende du facteur Cheval.
Le comédien est un homme de défi, à la mesure de son personnage. Il a accepté d’endosser le costume à un mois du festival pour remplacer un comédien hospitalisé en urgence. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il semble plus vrai que vrai. Il faut dire qu'il était prédestiné puisque l'an dernier, il avait présenté à La Luna Les fous ne sont plus ce qu'ils étaient, en reprenant des textes de Raymond Devos. Il m'avait d'ailleurs bluffée.
Premier prix du festival mondial du cirque de demain, il a aussi été pensionnaire de la Comédie-Française. Une de ses anciennes collègues de la maison de Molière, Catherine Salviat, était là pour l'écouter. C'est un acteur hors pair. Elle aussi, qui m'a oublie dans Les chaises il y a quelques semaines, dans la mise en scène de Stéphanie Tesson.
Nadine Monfils est elle aussi sortie de ses habituelles contrées car je la connais surtout pour des aventures policières souvent déjantées, à l'humour grinçant. Elle a écrit avec sensibilité et tendresse l’histoire insensée d’un fou d’amour qui ne savait pas dire les choses avec des mots. L’œuvre de ce boulanger devenu facteur pour vivre près de sa femme (il me rappelle Joseph Ponthus-Le Gurun et À la ligne, à La Manufacture, autre magnifique déclaration de sentiments) est visible pour l’éternité à Hauterive, dans la Drôme provençale.
Il avait sans doute une abeille dans le chapeau, mais que de miel elle lui a permis de fabriquer !
Le monde est un ogre qui avale tous ceux qui ne marchent pas dans leurs rangs … à quelques exceptions, comme lui qui, d’une voix rocailleuse aussi onirique que les pierres qu’il trimballe dans ses poches, un panier puis une brouette pendant 33 ans, raconte avec simplicité les malheurs, notamment celui de perdre un enfant, et puis sa femme, et les bonheurs de sa vie. Et puis ses plus beaux voyages, qui sont ceux qu'il a fait dans sa tête.
Remarquablement écrit (le livre est tout autant bouleversant), magnifiquement interprété -il faudrait dire incarné- dans un décor parfait, avec une mise en scène qui concilie l’ampleur des rêves et la simplicité de cet homme plus connu sous le nom de Facteur que sous son prénom de Ferdinand, à juste titre finalement puisque facteur signifie celui qui fait, qui agit.
Le plasticien Philippe Doutrelepont est son partenaire sur scène. Du grand art dont j’ai essayé de restituer les nuances en photos.
Le Facteur Cheval ou le rêve d’un fou de Nadine Monfils
D'après le rêve d'un fou (Editions du Fleuve- 2019)
Mise en scène : Alain Leempoel
Interprète(s) : Elliot Jenicot, Philippe Doutrelepont
Scénographe : Noémie Vanheste
Costumes : Virginie Delvaux
Spectacle vu le Samedi 16 juillet 2022 dans le jardin du Théâtre des Halles. Article rédigé après mon retour, à partir de mes notes et des publications faites chaque jour sur la page Facebook À bride abattue, rendant compte des spectacles vus la veille, aussi bien dans le In, que le Off ou le If. Les meilleures photos de la journée étaient publiées sur mon compte Facebook Marie-Claire Poirier peu après dans la matinée.
Pour accéder aux photos, suivre le lien :
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