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mercredi 6 juillet 2022

Le voyage de Molière de Jean-Philippe Daguerre au Théâtre du Chien qui fume (Avignon 2022)

Je reste dans ce même théâtre du Chien qui fume pour assister à deux autres générales.

D’abord à la création de Jean-Philippe Daguerre qui propose une pièce dans la tradition du théâtre de tréteaux, avec encore une fois la musique mise à l’honneur.

Le voyage de Molière combine toutes les caractéristiques, y compris le recours aux masques.

Il est présenté comme une "fresque théâtrale" en l'honneur de Molière qui aurait eu … 400 ans en 2022.

La vie de cet immense auteur-comédien-metteur en scène est suffisamment inspirante pour justifier un spectacle centré sur les moments vécus par lui et sa troupe avant leur arrivée (triomphale) à Versailles. Ce point de vue est assez original car le grand public connait peu ses débuts, les scolaires encore moins. Et ce spectacle témoigne aussi à la perfection de ce qu'était autrefois le quotidien des théâtraux, toujours en voyage. A ce titre il faut reconnaitre que les comédiens de 2022 ne sont pas privilégiés pendant un festival comme celui d'Avignon, devant inlassablement enchainer la scène et les files d'attente des spectateurs où ils tractent sans répit (voir dernière photo en guise de preuve). 
Léo, un jeune homme du XXIe siècle qui rêve d’être comédien, se retrouve accidentellement plongé en 1656 au cœur de la troupe de l’Illustre Théâtre de Molière. Commence alors une aventure extraordinaire dans un monde créatif et cruel où la vie et la gloire ne tiennent qu’à un fil.

On lui souhaite "merde" (si vous ne connaissez pas l'origine de cette coutume, lisez ce que j'en disais il y a plus de dix ans ici). J'ignorais par contre qu'il ne faut surtout pas répondre merci.

Léo jure d'être capable de jouer tous les rôles du Dépit amoureux. Il est prédestiné avec son prénom qui est le diminutif de Léandre, le héros de l'Etourdi. C'est le parfait homme à tout faire qui pourra être (aussi) cuisinier, cocher, accessoiriste …
Le dispositif scénique imaginé par Antoine Milian est d'une efficacité incroyable. A la fois simple et sophistiqué, manipulé par les comédiens eux-mêmes. Le plateau tournant s'inspire bien entendu des tréteaux que l'on utilisait à l'époque, avec quelques voilages. Mais il évoque aussi un univers marin cohérent avec l'emploi des hommes d'équipage pour manipuler les décors dans les théâtres.
Chacun donnera sa définition du métier de comédien. Toujours avec justesse et humour, citant Montaigne qui reconnaissait que "philosopher c'est apprendre à péter".
C’est une vraie déclaration d’amour à Poquelin, pardon Molière, avec parfois du culot, à tout le moins de l’audace quand on assiste à une leçon de prononciation aussi savoureuse que ce à quoi le Bourgeois gentilhomme nous a habitué, mais en anglois (sic) cette fois.

La musique des Beatles résonne, sans qu'il y ait d'incongruité historique si on se souvient que Léo est de notre époque. Il emploiera donc un lexique contemporain et osera parler de république, d'appart' et de Comédie française.

Audace encore ou est-ce mon oreille qui me joue une farce quand je reconnais à la contrebasse les accords de Ne me quitte pas de Jacques Brel quelques secondes avant que Molière ne commence à tousser ?
Le spectacle est ponctué de multiples références mais il n'est pas nécessaire de les connaitre pour les apprécier. On assiste au processus créatif à partir d'improvisations. Le rythme est enlevé et joyeux. Le résultat est ludique.
Enfin la réflexion porte aussi sur la position du public dont il ne faut pas oublier qu'il a pris de son temps et de son argent pour venir. Voilà pourquoi il faut le considérer comme le véritable patron.
Molière est devenu éternel, comme l’est le théâtre. Et Jean-Philippe Daguerre est lui même devenu une valeur sûre du festival.
Le voyage de Molière de Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre
Mise en scène Jean-Philippe Daguerre
Avec Grégoire Bourbier, Stéphane Dauch, Violette Erhart, Mathilde Hennekinne, Charlotte Matzneff, Teddy Melis, Geoffrey Palisse, Charlotte Ruby
Costumes : Corine Rossi
Musiques : Petr Ruzicka
Décors : Antoine Milian
Lumières : Moïse Hill
 
Spectacle vu le mercredi 6 juillet 2022 au Théâtre du Chien qui Fume. Article rédigé après mon retour, à partir de mes notes et des publications faites chaque jour sur la page Facebook À bride abattue, rendant compte des spectacles vus la veille, aussi bien dans le In, que le Off ou le If. Les meilleures photos de la journée étaient publiées sur mon compte Facebook Marie-Claire Poirier peu après dans la matinée.

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