On comprend tout de suite pourquoi elle remporta un vif succès l’année de sa création. Nous sommes au XIXème siècle dans un manoir perdu sur un bord de mer hostile. Madame et son domestique y entretiennent une relation ambiguëe et répètent chaque soir le même rituel depuis une vingtaine d’années.
Leurs dialogues sont réglés comme sur du papier à musique. Ils jouent chacun un rôle dont l’autre n’est jamais dupe … ou presque. La villa où se déroule ce huis-clos est comme hantée par le souvenir d’un ancien amant de Madame qui ne peut se résoudre à en faire le deuil.
Sachant Gork amoureux d’elle, cette femme le manipule afin de reproduire, chaque soir, le même cérémonial. Ils se sont mis d’accord il y a très longtemps sur le contenu de leurs dialogues qui sont devenus à la longue, plutôt lassants pour Gork qui les récite de façon mécanique. C’est du moins l’opinion de Madame à propos de ce petit jeu qui ne l’amuse plus. Elle apprécie pourtant la présence de cet homme qui est devenu bien plus qu’un employé.
Hélas, on finit par détester ceux à qui on est trop redevable. Les joutes verbales montent d’un cran et s’écartent du registre de la connivence pour devenir de plus en plus cinglantes et perfides. L’humour ne parvient plus à désamorcer les désillusions qui rongent les deux personnages.
Delry Guyon et Sylvia Bruyant sont saisissants de réalisme et manipulent un public qui est sous le charme. On ne cesse d’échafauder une fin plausible en se demandant lequel abandonnera la partie le premier et qui aura le dernier mot. C’est du grand théâtre.
Article extrait d’une publication intitulée "Avignon le 13 juillet à La Luna, au Cloître Saint Louis, au Pixel, aux 3 Soleils et à l’Espace Roseau Teinturiers".
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