Je me suis levée de bonne heure pour aller voir la dernière création que Emmanuelle Erambert met en scène au Théâtre des Brunes à 9 h 50.
Elle a écrit le conte musical Nacé et la pierre d’arc-en-ciel pour un trio de comédiens-danseurs-chanteurs-musiciens.
Le propos est adapté aux enfants à partir de 3 ans. Elle fait la démonstration qu’on peut aborder de vrais problèmes en employant un langage soutenu, pourvu qu’on reste dans le parler vrai et juste.
Il y avait ce matin des tout-petits accrochés à leur doudou qui ont suivi le spectacle avec attention sans jamais broncher.Il y avait aussi de plus grands, sans doute déjà repérés par leurs enseignants pour leur haut potentiel. Les comédiens furent autant à la portée des premiers que des seconds.
Je salue particulièrement le parti-pris de n’avoir pas employé de sonorisation HF (inutile au demeurant mais si souvent utilisée pendant le festival sans admettre que cette façon de faire dé-localise celui qui parle ou chante, et du coup nuit à l’attention).
L’histoire est prétexte à traiter des sujets dont les enfants ont forcément entendu parler sans peut-être les avoir compris.
Nacé (Tiph Courau) est présentée comme un enfant, fille ou garçon, préférant plonger parmi les poissons qu’affronter le jugement des autres qui la trouvent insuffisamment fille et trop garçon manqué. Elle vivait cependant dans la joie et l’harmonie avec les autres habitants de son village de pêcheurs grâce à la pierre musicale aux couleurs de l’arc-en-ciel jusqu’à ce que celle-ci soit volée. La récitante (Garance Dupuy) interroge les enfants sur le nom des couleurs et ceux-ci se sentent immédiatement pris en considération et partant pour les reprendre en chantant sur un air de jazz.
Toutes les compostions musicales sont d’Arthur Dupuy, en collaboration avec Garance Dupuy. Elles sont simples mais variées et illustrent chacune un genre particulier. Après le jazz il y aura un air de musique latine, du reggae, du disco, du rap, et même une démonstration de looping. Chacun met en valeur un instrument plus ou moins « noble », la guitare, le saxophone, les castagnettes …
Le déroulé présente aussi parallèlement les spécificités de plusieurs animaux marins, pas nécessairement très connus comme l’hippocampe, le crabe, le requin, le phoque, la pieuvre, la baleine, et même une créature chimérique familière à l’univers des enfants, la sirène. L’auteure n’a pas hésité, et elle a eu raison, à employer un lexique soutenu, avec les termes de corail, branchies, aurore boréale, cétacé … et à nous apprendre que la pieuvre, munie de huit tentacules, dispose de 2240 ventouses. Tout cela laisse entrevoir les prolongements que pourrait offrir le spectacle en ateliers complémentaires, par exemple dans un cadre scolaire ou parascolaire. Elle ose également un dialogue en espagnol, partiellement traduit. Et parfois, quand c’est à propos, un terme de verlan (comme t’es ma reusse pour tu es ma soeur).
A l’inverse des autres qui aideront Nacé à retrouver tous les morceaux de la pierre qui a été dérobée, la sirène n’est pas bienfaisante. On comprend qu’elle a volé le talisman par jalousie. Ce qui est très bien vu dans le scénario imaginé par Emmanuelle Erambert c’est qu’au lieu de la punir, comme on le fait traditionnellement dans les contes, on aidera ce personnage à surmonter ses frustrations et à trouver sa tessiture vocale.
La sensibilisation au dérèglement climatique, à l’écologie, et à la plus que jamais nécessaire préservation de la nature est très prégnante sans générer la moindre angoisse. Le discours est positif, accessible sans être bêtifiant et souvent teinté de poésie : dans le ventre de la baleine, Nacé n’est pas au bout de ses peines.
On sort plein d’espoir : il n’est jamais trop tard pour tenter de redresser la situation. Si chacun prend sa part …
Article extrait d’une publication intitulée "Avignon le 14 juillet aux Brunes et à l’Alchimique Circus".
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