Retour au 11-Avignon pour assister (quasiment participer) à la reconstitution d’une audience de cour d’assises, dans le procès de Lars Koch, ce pilote de chasse de l’armée allemande qui abattit un avion de ligne, détourné par un terroriste islamiste, avec 164 personnes à bord et qui toutes ont péri.
Le pilote avait désobéi à l’ordre de ne pas tirer car il estima en toute conscience qu’il était préférable de préserver la vie des 70 000 personnes rassemblées dans le stade de football de Munich, lequel aurait été la cible de l’avion détourné.
Le Président de la Cour, juché sur une estrade, donne les instructions avec la solennité qui convient à la circonstance avant d’inviter les spectateurs à suivre l’huissière dans la salle. Le public -je devrais dire l’assemblée des jurés- se lèvera dans quelques instants au coup de clochette annonçant l’entrée de la Cour.
Terreur est plus encore qu’un spectacle immersif d’une rigueur exemplaire. Il est le miroir de nos contradictions.
La pièce a été écrite par Ferdinand Von Schirach et a été traduite par Michel Deutsch. On peut lui faire confiance. Il avait lui-même travaillé dans les années 80, avec Jean-Pierre Vincent au Théâtre national de Strasbourg sur Palais de justice, qui était une reconstitution d’une audience de tribunal correctionnel. Je me souviens de chaque détail, et pour cause, puisque j’étais alors l’attachée de presse du spectacle.
Terreur a déjà été montée dans 27 pays où les réactions sont différentes, parce que la culture et les traditions conditionnent les réactions et le vote qui est imposé (la loi n’autorise pas l’abstention en procès d’assises). Les verdicts sont rigoureusement enregistrés sur un site qui suit l’évolution de toutes les représentations. Le recensement des votes modifie chaque soir la carte du monde où l’on voit au premier coup d’œil dans quels pays on a majoritairement voté coupable ou non coupable d’homicide avec préméditation.
C’est en France la Compagnie Hercub’ qui s’est saisi de l’affaire et qui a choisi de féminiser le rôle du pilote inculpé, ce qui est une excellente idée pour dramatiser la situation encore davantage. Ce procès-fiction est mise en scène par Michel Burstin, Bruno Rochette et Sylvie Rolland qui y assurent un rôle (avec Frédéric Jeannot, Céline Martin-Sisteron, et Johanne Thibaud) selon une scénographie et un décor de Thierry Grand qui peut surprendre mais qui est largement inspiré d’une chambre criminelle allemande puisque le drame a eu lieu et a été jugé dans ce pays.
Les costumes de Elise Guillou tiennent compte aussi des particularités de la robe portée en Allemagne.
Je n’avais pas pu me rendre à l’avant-première organisée par le Théâtre de Belleville en mai dernier. Il me semble que le public parisien sera de nouveau convié à y venir à partir de septembre. C’est un de ces spectacles qui modifient le regard qu’un spectateur peut avoir sur la société.
Au-delà du cas de conscience sur la culpabilité ou l’innocence, Terreur interroge sur la position du spectateur en abolissant complètement ce quatrième mur qui garantit une neutralité qui est rendue impossible. C’est une expérience de vie indubitablement.
Article extrait d’une publication intitulée « Avignon le 10 juillet à l’Atelier 44, au 11 et à la Conditions des Soies ».
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