J'étais allée au Cloître Saint-Louis à la conférence de presse où Nicole Garcia présentait Royan, professeure de français, un texte de Marie NDiaye, écrit spécialement pour elle, qu’elle devait interpréter à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon sous la direction de Frédéric Bélier-Garcia, et que j'ai vu aujourd'hui.
On peut dire que c’est le grand retour sur les planches de la comédienne, plus connue maintenant au cinéma mais dont on oublie qu’elle était déjà en Avignon, dans Cesare 1950, de Jean-Pierre Bisson en 1974, au Cloître des Carmes, où elle avait notamment pour partenaire Jean-Paul Farré (qui interprète Dessine-moi un piano au théâtre des Gémeaux, que j’ai vu le 8 juillet).
J'étais franchement impatiente et curieuse de la découvrir dans ce monologue que le metteur en scène a encouragée à interpréter « comme une garde à vue ». Décidément la question de la justice, ou du moins du cas de conscience traverse nombre de créations dans ce festival…
Le soleil tapait dur alors que je me rendais à la Chartreuse. Aucun fléchage ne permet de repérer le moment où il convient de quitter la route principale pour monter dans le centre ville. Je confonds avec le Fort Saint-André où personne ne pourra me renseigner.
J’imagine qu’il va de soi que le public sait et qu’il n’est pas nécessaire de flécher, ni hors les murs, ni à l’intérieur de la chartreuse. Il était cependant inutile de se précipiter puisque la représentation commencera avec 15 bonnes minutes de retard. Du coup je suis arrivée essoufflée pour rien.
Nicole Garcia avait insisté au cours de la conférence de presse. Il ne faut surtout rien révéler de la pièce. Je ne comprends pas pourquoi parce qu’en fait l’intrigue est limpide mais sans doute voulait-elle préserver l’image de son personnage.
Et pourtant le résumé officiel agit comme le spot que l’officier de police pourrait diriger sur cette femme si elle était en position de garde à vue :
C’est une belle fin d’après-midi à Royan, une femme rentre chez elle, venant du lycée où elle enseigne le français, quand elle perçoit les signes de la présence d’un couple, là-haut, sur son palier (le public remarque une ombre parfois mais jamais deux). Bien qu’ils ne parlent pas, elle les reconnaît. Ce sont les parents d’une de ses élèves. Elle ne veut pas les voir, pétrifiée tant par sa détermination que par les souvenirs qui la traversent. Dans ce double effort pour dire et mettre à distance une tragédie, elle parle de Dalila (j’ai toujours entendu Daniela) telle qu’elle l’a vue et beaucoup aimée et, plus encore, d’elle-même.
Partant d’un fait divers, le suicide d’une adolescente victime de harcèlement scolaire, la romancière et dramaturge Marie NDiaye a composé un monologue intérieur écrit spécialement pour la comédienne en instillant quelques éléments physiques ou biographiques.
Le dispositif scénique est complexe, à la fois entrée d’immeuble avec son mur de boites aux lettres, son hall et ses escaliers, mais aussi une évocation de la salle de classe. La mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia en utilise toutes les ressources.
Sortez de ma vie. Je vous veux morts, délivrée de vous. Je ne suis pas une sainte. Je ne vous aime pas. Le texte écrit pour la comédienne ne lui donne pas un rôle sympathique. S’il est un exercice de style et donc un défi à relever, il n’apporte pas d’idées neuves dans les préoccupations sociétales en matière de harcèlement et de prévention des souffrances qu’endurent certains collégiens et lycéens. Il est probable qu’on ne s’en souvienne pas longtemps, bien qu’il soit signé par une lauréate du Goncourt.
Son intérêt est davantage de permettre à Nicole Garcia de déployer son art de l’interprétation pour incarner une sorte de Médée moderne, quitte à se faire détester car il n’est pas commode d’habiter une femme qui ose fièrement revendiquer sa liberté de pensée et d’action.
La question de la culpabilité, assumée voire revendiquée dans Coupables, interrogée dans Terreur, est ici écartée, laissée au libre-arbitre du spectateur qui ressort secoué par les justifications de Gabrielle. On peut porter le prénom d’un ange et être un monstre. Sacré, peut-être …
Royan, professeure de français, fera couler beaucoup d’encre car le spectacle part pour une longue tournée. Les parisiens pourront le voir du 17 janvier au 3 février 2022, à l’Espace Cardin.
Grand bien m’a fait de m’accorder ensuite une pause dans les jardins de la Maison Bronzini, tout près du cactus qui me rappelle le Mexique. Leurs pâtisseries sont délicieuses. Elles sont au même prix à emporter ou consommées sur place, servies par la charmante Pauline qui ajoutera un grand verre d’eau fraîche.
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