A 11 h 55 je découvre au 11, le décor minimaliste d’un spectacle de la sélection suisse, La collection avec trois fauteuils de cuir blanc qui pourraient être signés Eliott Barnes et qui s’arracheraient à prix d’or sur les sites de ventes d’occasion.
Les trois artistes sont à la fois auteurs, interprètes et metteurs en scène.
Ce sont Catherine Büchi, Léa Pohlhammer et Pierre Mifsud.
Ils ont beaucoup de talent et nous offrent une évocation, tout à la fois sobre et débridée, de deux objets d'antan, le vélomoteur et le téléphone en bakélite qu’ils ont réussie à co-écrite en langue inclusive, ce qui est déjà une première prouesse.
Ils sont entrés en tenue de soirée, comme pour nous interpréter un air d’opéra. Les entendre raconter, dans quel contexte, combien la jeunesse rêvait de posséder un vélomoteur est en complet décalage. Ils n’ont absolument pas la tête de l’emploi et nous devons faire un effort pour passer outre leur apparence. Il faut assumer les risques disent-ils à propos de je ne sais plus quoi mais cette phrase est dire de telle manière qu’elle provoque le rire du public. Ils nous ont mis dans leur poche.
Certains des objets dont il va être question n’ont jamais été utilisé par les spectateurs. Ce sont, dans le meilleur des cas, des objets devenus vintage mais dont personne n’a plus l’usage. La réussite du spectacle est de parler aussi bien à ceux (âgés) qui les ont connu qu’aux plus jeunes.
Les trois complices n’ont nul besoin d’accessoires pour faire revivre une époque. Celle où on ne pouvait s’offrir un vélomoteur qu’après avoir engrangé une année d’économie. Ils racontent les espoirs de la jeunesse aussi bien que les craintes des parents mettant en garde leur progéniture contre les accidents. Ils provoquent les rires du public par leur jeu, les intonations de leur voix, les expressions qu’ils utilisent (personnellement moi-même), les répétitions, les bruitages, et un texte sur mesure.
On fait constamment des bonds dans le temps. Catherine Büchi a bien du talent pour suggérer un après-midi à la patinoire sans retirer ses hauts-talons. Pierre Mifsud m’a amusée à se régaler de glaces, produit ô combien essentiel pendant cet été avignonnais. Si l’avocate de La dernière lettre adore l’association coco-caramel le comédien est plutôt porté sur la pistache.
Léa Pohlhammer m’a embarquée en Colombie devant l’unique cabine téléphonique de son village et j’ai adoré sa leçon d’espagnol. J’appliquerai leur truc pour me débarrasser des inopportuns démarcheurs téléphoniques en les gratifiant d’un coup de sifflet dans les tympans.
Tout nous parle même si l’on n’a pas de souvenir personnel de ces objets. La collection est avant tout une leçon de choses, une leçon de théâtre, …un bijou dont je verrais bien les autres opus.
Article extrait d’une publication intitulée "Avignon le 15 juillet à l’Espace Roseau Teinturiers, au 11, aux 3 Soleils et à Théâtre actuel".
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