Ce lundi c’est célébration, au Théâtre des Carmes sous l’intitulé de Journée nécessaire.
Après une lecture le matin et un apéro-sérigraphie (auxquels je n’ai pas participé) la Compagnie Rue des Chimères avait préparé une lecture-spectacle de poèmes d'André Benedetto.
Un pique-nique poétique aurait dû se déployer ensuite sur les berges du Rhône de la Barthelasse. Les menaces de pluie en ont entrainé l’annulation, avec report sur la place des Carmes.
Je n’avais sans doute pas suffisamment été attentive mais je ne m’attendais absolument pas à voir et à entendre ce que Christine Gandois et Bruno Bernard avaient généreusement préparé. Je ne parlerai pas ici de leur création, sous le nom de Marseille et Méditerranée puisque la représentation fut unique et que vous ne pourrez pas la voir dans cette édition du festival.
Je préfère vous dire ce que j’avais supposé. Que le fils rendrait hommage au père, avec un petit (tout petit mais émouvant) discours qui aurait lancé un moment en forme d’happening joyeux mais sérieux et respectueux, teinté d’espoir aussi. Car enfin, André Benedetto (1934-2009) n’est pas n’importe qui. Il est au Off ce que Jean Vilar fut au In.
Ce marseillais, très attaché à sa ville d’origine, fut un homme de théâtre très prolifique (près de soixante-dix pièces), dévoué à la culture – on pourrait même dire à la cause – occitane ainsi qu'à la question de l'identité méditerranéenne, toujours liées, chez lui, à une option progressiste. En ce sens, le titre du spectacle est totalement adéquat.
Il installa sa troupe en 1963 dans une ancienne salle paroissiale avignonnaise, la Salle Saint-Benoît, qui deviendra le Théâtre des Carmes, et y jouera pour la première fois à l'hiver 1963, une de ses créations, Le Pilote d'Hiroshima.
J’aurais aimé qu’on salue combien il avait réussi, alors qu’il avait été élu président du Festival Off d'Avignon en 2006 à rétablir la paix dans ce Off bouillonnant qui ne parvient plus à rétablir son équilibre depuis 2019. Et je ne pense pas que ce soit par « la faute au Covid ».
Auteur-acteur-metteur en scène, associant étroitement poésie et politique, André Benedetto est l'un des artistes les plus représentatifs du théâtre engagé de la fin des années 1960. Il osa, en 1966, présenter Statues en marge du festival d'Avignon, déboulonnant symboliquement le cadre officiel en lançant dit-on sans le vouloir, ce Off (comme officieux) qui ne cessera de gonfler jusqu’à devenir pléthorique et proche de l’éclatement.
Sébastien Benedetto lui succèdera après sa mort à la tête du Théâtre des Carmes, rebaptisé en 2009 « Théâtre des Carmes André Benedetto » et cette année Sébastien est aussi président de l’association qui coordonne le « off » d’Avignon. J’étais persuadée qu’on oublierait un instant que le nom de cette ville est devenu synonyme de marché du spectacle vivant, que bien des artistes vivent comme une foire aux bestiaux dépourvue d’humanité. J’avais cru qu’en ce lundi de relâche il y aurait eu un hommage plus sensible.
Article extrait d’une publication intitulée "Avignon le 12 juillet à Avignon Reine Blanche, à l’Adresse et aux Carmes".
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