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dimanche 18 juillet 2021

La Collection Lambert, en Avignon

La Collection est le témoignage d’un marchand visionnaire, qui s’est passionné pour l’art minimal, l’art conceptuel et le land art avant de s’intéresser au retour de la peinture dans les années 1980, puis à la photographie, à la vidéo et aux installations dans les années 1990 et 2000.

Constituée dès les années 60, la Collection Lambert représente les goûts du collectionneur, ses aspirations et ses passions : marchand depuis cette période, Yvon Lambert a combattu les académismes d’une peinture française qui refusait depuis la guerre de reconnaître que le centre mondial de la création n’était plus le Paris des années glorieuses, mais l’Amérique triomphante.

L’art minimal, l’art conceptuel, le land art représentent les piliers de la collection. Dans les années 80, le marchand-collectionneur s’est tourné vers une nouvelle peinture plus figurative, puis dans les années 90, la photographie a recueilli tous ses suffrages. Ensuite, la vidéo, les installations, la peinture ont constitué l’essentiel des achats qui permettent d’accroître le fonds toujours tourné vers la jeune création en devenir.

On trouve dans la collection des œuvres d’artistes aussi variés et renommés que Jean-Michel Basquiat, Miquel Barceló, Sol LeWitt, Robert Ryman, Lawrence Weiner, Nan Goldin, Andres Serrano, Christian Boltanski, Daniel Buren, Douglas Gordon, Anselm Kiefer, Cy Twombly, Niele Toroni, Bertand Lavier, Claire Fontaine, Miroslaw Balka, Adel Abdessemed ou Francesco Vezzoli, avec des ensembles souvent sans équivalent dans d’autres collections françaises.
Une exposition composée d’une sélection régulièrement renouvelée d’œuvres du fonds est présentée en permanence dans l’Hôtel de Caumont, avec des focus consacrés à certains mouvements ou à certains artistes particulièrement bien représentés dans la collection, tandis que l’Hôtel de Montfaucon accueille les expositions temporaires selon deux cycles annuels.
Avant que la pelouse se venge est ici jusqu’en septembre. David Shrigley est né en 1968 à Macclesfield et vit et travaille à Brighton (Royaume-Uni).

Ses mondes singuliers se déploient à travers une multitude de médiums et de pratiques allant du dessin à l’installation et à la sculpture, en passant par l’animation, la photographie, la vidéo ou la production musicale. Ils sont peuplés d’antihéros maladroits, loufoques, faussement naïfs et parfois méchants, embarqués dans le chaos d’un monde absurde où toute activité humaine semble inexorablement vouée à l’échec. 
Les personnages aux traits fragiles y partagent des vies désœuvrées avec une foule d’animaux et de créatures fantastiques semblant avoir été expulsées d’un conte pour enfant ou de l’imaginaire halluciné d’un auteur de science-fiction. Les situations tragi-comiques inventées par l’artiste nous dérangent autant qu’elles nous enchantent et nous plongent dans un état de sidération permanente où l’humour et le drame se disputent la meilleure place pour ouvrir le champ à une certaine poésie. 
Depuis la centaine de dessins en noir et blanc réalisés à l'encre sur du papier il y a dix ans pour une exposition dans la galerie d’Yvon Lambert à Paris jusqu’aux récentes œuvres colorées rendant un vibrant hommage à la nature, il est toujours question — malgré tout — de nous inscrire dans le monde avec une jubilation salvatrice. Aucun n'a de titre, mais est-ce nécessaire ?
Jérôme Taub, Purple America
Ce photographe nous livre sa vision de l'Amérique (jusqu'au 5 septembre)

La série de photographies qu’il a produites est née d’un projet de voyage visuel au cœur de l’Amérique contemporaine. Envisagé comme un anti-roadtrip traversant les États-Unis d’un océan à l’autre en ne suivant que des itinéraires empruntant les Interstates, il déploie une vision polymorphe nourrie par l’esthétique du documentaire, de la photographie conceptuelle ou de la lumière d’un cinéma américain d’avant-garde. Image après image apparaît, en surface, un système de références communes propres à l’imagerie américaine que l’artiste nous rappelle pour mieux le tenir à distance. 

Dans un geste dont la singularité doit à l’ampleur de l’entreprise menée −deux ans de préparation à travers des sources littéraires, musicales, cinématographiques, sociologiques, philosophiques, puis un voyage de trois mois ininterrompu − Purple America nous tient en équilibre entre une relation éprouvante nouée avec le territoire parcouru et une osculation quasi psychanalytique des êtres et des lieux qu’ils habitent. Alors que se construit devant nous le portrait sombre et sans concession d’une Amérique bipolaire, persiste le désir pour une nation illuminée de ses mythes fondateurs. 

Cette photographie du temps suspendu nourrit alors la possibilité d’une contemplation où rien ne compte plus que la question de la présence au monde dans sa totalité, délivrée de l’obligation de l’événementialité de la photographie. 

Loris Gréaud + Yvon Lambert Broccoli
Niele Toroni, empreintes de pinceaux n°50 répétées à intervalles réguliers de 30 cm,
juin 2000, acrylique et ruban adhésif

Sol LeWitt , Wall drawing #1143, 2004, acrylique sur mur


1988 (19.05 – 05.09.2021)

Les œuvres présentées dans cette deuxième exposition du programme Playground, dédié aux œuvres de la Collection Lambert, ont un point en commun : avoir été créées en 1988. À travers l’arbitraire du choix d’une date particulière apparaissent pourtant de nombreuses questions. Certaines sont liées à la constitution d’une collection d’œuvres d’art — de celle d’un marchand-collectionneur en particulier —, d’autres aux scènes existantes ou émergentes dans un espace temporel déterminé, ou encore à la mémoire du temps et des événements que les œuvres embarquent avec elles, aux liens qu’elles entretiennent avec la société dans laquelle elles naissent et s’épanouissent, à nos côtés.

1988 est certainement l’une des dates qui revient le plus souvent dans la vie de marchand et de collectionneur d’Yvon Lambert car elle marque à la fois l’inoubliable exposition de Jean-Michel Basquiat dans sa galerie parisienne — la première en France pour lequel l’artiste a produit des œuvres spécifiques — et la mort à 27 ans de celui que le monde de l’art, sous les mots de Rene Ricard, nommait The Radiant Child. Elle symbolise une période charnière qui voit, en Europe et aux USA, la peinture revenir d’un monde des morts où certains l’avaient trop rapidement expédiée. En témoigne ici la présence de Robert Combas et Loïc Le Groumellec.

Elle voit une certaine photographie investir définitivement le monde de l’art, à travers le geste d’hommes et de femmes qui se définiront comme des artistes — tel Andres Serrano, Louise Lawler ou Louis Jammes — utilisant le médium qu’ils considèrent comme le mieux à même de questionner nos rapports à l’image dans une société ultra médiatique.


Louise Lawler, Je vous ai écrit; verres sérigraphies et étagères

1988 est assurément encore le terrain de jeu des artistes issus des nouvelles avant-gardes des années 1960 — l’art minimal et conceptuel, le land art — tels Sol LeWitt, Joseph Kosuth ou Jonathan Borofsky, et nous prouve ainsi qu’il est inopérant de s’obstiner à considérer l’histoire de l’art à travers la seule linéarité du passage du temps qui verrait se succéder mouvements et scènes artistiques. Il est davantage intéressant de remarquer comment dans une même année des scènes émergent aux côtés de gestes plus anciens avec lesquels elles coexistent, que ce soit par la rupture, la réappropriation, l’inspiration, le dialogue.

Liste d’artistes :
Jean-Michel Basquiat, Jean-Charles Blais, Jonathan Borofsky, Robert Combas, Federico Guzmán, Louis Jammes, On Kawara, Anselm Kiefer, Joseph Kosuth, Louise Lawler, Loïc Le Groumellec, Sol LeWitt, Kay Rosen
Joseph Kosuth, The Square Root of Minus One, encres sérigraphies sur feuille de verre, plaque métallique

Louis Jammes, Portrait de Jean-Michel Basquiat,
tirage photographique rehaussé à l'encre par Jean-Michel Basquiat
Jean-Michel Basquiat, She installs Confidence anc Picks Up His Brain like a salad,
technique mixte sur bois (une palette)
Robert Combas, sans titre, peinture sur toile libre (il ose le sans titre)

Yan Pei-Ming, Tigres et vautours (26.06 – 26.09.2021)
La double exposition de Yan Pei-Ming dans la Grande Chapelle du Palais des Papes et à la Collection Lambert, s’inscrit dans la longue histoire des expositions organisées avec le palais pontifical. Nombreux sont les projets menés par l’artiste ces dernières années à avoir été étroitement associés à un lieu emblématique : à la Villa Médicis, au Louvre, au Musée d’Orsay, au Musée Courbet ou au Musée du Petit Palais.

Aujourd’hui encore, à travers cette nouvelle exposition, Yan Pei-Ming révèle toute l’ambition d’une œuvre pleinement ancrée dans le monde contemporain, mais dont l’essence même se révèle à travers une appréhension très large de l’espace et du temps, qui mobilise aujourd’hui le passé pour que nous regardions le présent avec une conscience renouvelée, sans cesse mise à l’épreuve. 

À la Collection, sont exposées près de 40 œuvres de l’artiste issues de presque 40 ans de pratique artistique. Les figures d’Innocent X, Paul III, Bruce Lee, Marilyn, Martin Luther King, Lee Harvey Oswald, John F. Kennedy ou Mao, partagent les salles du rez-de-chaussée des hôtels particuliers avec les portraits d’hommes et de femmes – militaires américains, clandestins et enfants soudanais, prostituées, visages inconnus, père et mère de l’artiste – ainsi qu’avec des paysages imaginaires d’exode ou les représentations d’animaux sauvages.

Toutes et tous nous racontent le pouvoir qu’a la peinture de Yan Pei-Ming d’embrasser d’un seul coup des siècles d’histoire pour y embarquer, aux côtés des figures qui ont façonné le monde, les destins inconnus de ceux qui constituent ces peuples que l’histoire « regarde directement » pour reprendre la formule de Georges Didi-Huberman.

Né à Shanghai en 1960, il vit et travaille à Dijon et Ivry-sur-Seine. Diplômé en 1986 des Beaux-Arts de Dijon, l’artiste a rencontré le succès avec ses peintures centrées sur le genre du portrait. Ses tableaux se caractérisent par l’uniformité du coloris, de grands tracés noirs et blancs, où s’insinuent des touches rouges. Sa participation à la Biennale de Venise en 2003 l’a consacré sur la scène internationale. Six ans après, le Musée du Louvre l’accueillait pour une confrontation avec La Joconde déclinée dans une suite de tableaux. En 2019, il célébrait au Petit Palais et au Musée d’Orsay le bicentenaire de la naissance de Courbet à travers deux expositions.

Peinture, monumentalité, palette épurée–où noirs, blancs et gris sont contrebalancés par du rouge–, obsession du portrait et de l’auto-représentation tels sont quelques traits de son œuvre prolifique qui commente avec acuité le monde contemporain tout en se nourrissant d’un dialogue ininterrompue avec l’histoire de l’art. Le peintre désirait exposer dans la Grande Chapelle du Palais des papes depuis longtemps. L’invitation de la collection Lambert et de la Ville d’Avignon à concevoir une double exposition sur le commissariat général d’André Loyrette lui en aura donné l’occasion.
Après ces auto-portraits la couleur éclate pour un portrait papal, celui du Pape Paul III, 2017, huile sur toile, 300x250 cm
Les vautours sont à peine discernables parmi les tigres, 2015 huile sur toile, 250x300 cm

Crucifixion, 2015, 300x200
Ses toiles de prostituées, plus petites, peuvent heurter la sensibilité; Ci-dessus, Prostituée, Clara, 2003, huile sur toile, 200x200 cm
A gauche Marilyn, 2003, huile sur toile, 200x235 cm
et John F. Kennedy (22 novembre 1963, Dallas), 2012, huile sur toile
Il y a aussi Che Guevara, Martin Luther King. Un seul personnage est seul, c'est Lee Harvey Oswald, et il est vivant, 24 novembre 1963, Dallas, 2012
Portraits de clandestins 1994, chacun mesure 150x120
Portraits d'enfants de Trièves, 1998, 120 huiles sur toile de 60x50 cm.
Ce polyptyque est violent.

Mimosa Echard, Sluggy me (jusqu'au 26 septembre 2021)
Après une première présence à la Collection Lambert à l’occasion de l’édition 2020 du Festival Viva Villa ! Mimosa Echard revient à Avignon à l’été 2021 pour une exposition personnelle. Elle investit les 600 m2 du premier étage de l’Hôtel de Montfaucon pour une installation inédite, conçue pour les espaces même du musée.
Peau de mouton, noyaux de cerises, perles en verre, paillettes, fleurs de châtaigniers, fleurs de Clitoria ternatea, coupures de journaux, écharpe synthétique, lycra, laque, acrylique, gloss – les éléments qui composent les œuvres de de Mimosa Échard se frottent, s’absorbent, se dissolvent, se mêlent, luttent, vivent et meurent en un seul et même instant suspendu, si bien que les agencements imaginés par l’artiste semblent n’apparaître que dans un des états possibles de leur vie sensible, capturés dans de véritables aires de transition.
À la vue de ses œuvres, il naît en nous quelque chose qui relève d’un désir étrange pour ce spectacle sophistiqué où l’organique, l’artificiel et le sauvage s’imbriquent en des formes hybrides et troublantes, où une vision du monde aussi effrayante qu’élégante s’offre à nous. 
Mimosa Echard est née en 1986, et vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2010. Elle a exposé son travail dans de nombreux lieux de renommée internationale.
Théo Mercier, OUTREMONDE (05.07 – 26.09.2021)

Une exposition… À l’occasion de la 75ème édition du Festival d’Avignon, Théo Mercier a été invité à la Collection pour investir les salles du sous-sol ainsi que l’auditorium, dans lesquels il propose Outremonde, biotope collaboratif organisé autour d’un double dispositif d’exposition-décor et de spectacle activé durant le festival de théâtre.
Dans ce théâtre des transformations, le spectateur est embarqué dans une enquête sensible où les objets et acteurs rencontrés constituent la matière de l’exposition. Sous la terre, physiquement coupé du monde extérieur, le visiteur arpente un environnement où les gestes et les regards sont guidés par des dispositifs sonores, lumineux et visuels, qui inventent des chorégraphies éphémères où le désir généré par les agencements influence l’expérience du spectateur.

Ce projet se double d’un spectacle coproduit par Production Studio Théo Mercier et Compagnie Good World. avec le Festival d’Avignon (10 – 20 juillet 2021). Chaque soir, le public est accueilli dans l’espace d’exposition pour une expérience singulière qui influencera la forme prise par l’exposition le lendemain.

Dans un premier temps, les spectateurs investissent les salles d’exposition, guidés par des scenarii sonores et visuels et par la présence d’un enfant. Dans un second temps, dans l’auditorium, les spectateurs assis, regardent vers la scène et vers l’ensemble d’objets inanimés qui l’occupe, tels les fantômes des corps qui la peuplent habituellement. Depuis la régie ouverte installée au milieu des sièges, une comédienne offre un des récits possibles de la situation… Enregistré, ce récit sera diffusé dans cet espace durant la fin de l’exposition après la dernière représentation.

La Collection Lambert
5, rue Violette – 84000 Avignon (horaires et jours d’ouverture variables selon les mois)

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