Pour finir, Sosies de Rémi de Vos à 19 heures au Théâtre des Halles, dans la mise en scène ultra précise d’Alain Timar qui assume une scénographie toute minimaliste (totalement à propos).
Sosies appartient à cette catégorie des inclassables, inqualifiable avec un seul adjectif. Décapant serait peut-être le mot idoine. C’est une comédie mais le sujet (la quête identitaire) est traité en dehors de la question du genre (si fréquemment posée qu’elle en est devenu lassante).
La langue est brute de décoffrage sans jamais chavirer dans la vulgarité. Les personnages sont à fleur de peau sans se laisser happer par l’hystérie. Le public rit sans l’arrière-pensée de vouloir faire entrer le monde dans des cases dites normales.
Ils habitent le même quartier. Bernie (John Arnold), sosie fatigué de Johnny Hallyday , qui vit seul après avoir perdu sa femme. Momo, dit le Gainz (David Sighicelli), réplique plutôt médiocre de Serge Gainsbourg tire la corde par les deux bouts… Biche (Christine Pignet), son épouse, est femme de ménage. Jean-Jean, leur fils (Xavier Guelfi), n’a qu’une envie : partir, mais sans travail c’est impossible. Kate (Victoire Goupil) traîne dans la rue quand elle rencontre Bernie lors d’un karaoké. Tous sont à la recherche d’eux-mêmes et rêvent d’une vie meilleure pour échapper à leur quotidien misérable. C’est cela qui touche, qui fait rêver et qui donne, de toute évidence matière à rire (beaucoup) et à pleurer (peut-être).
Ils enchaînent catastrophe sur catastrophe en vertu de l’adage claudéllien : le pire n’est jamais sûr. Et pourtant ils se relèvent de chaque coup du sort, fut-il un coup de poignard dans le dos. Quand ils se prennent pour une célébrité, leur jeu se situe dans l’évocation plutôt que dans l’imitation, entraînant par là-même le spectateur dans une forme d’hommage évitant la caricature.
Rémi de Vos a écrit des dialogues en transcendant ce à quoi peuvent conduire la jalousie et l’humiliation chez quelqu’un qui se sent poussé à bout… de lui-même. Il connaît par cœur la « France profonde pas toujours reluisante » qu’il nous rend subitement attachante. Il nous donne à voir quelle porte de sortie on peut pousser pour se libérer de ses drames familiaux. Comment on peut devenir soi-même en vivant à travers un autre, par procuration.
C’est la troisième pièce de cet auteur qu’Alain Timar met en scène dans ce Théâtre des Halles. Il nous dispense d’installer sur le plateau une machinerie compliquée. Une table, deux chaises, un banc et un miroir suffisent pour camper le décor. Voilà un spectacle qui trouvera (et touchera) le public aussi bien sur une grande scène parisienne qu’en région dans un théâtre municipal.
Ce qui est grand, et qui n’est jamais artificiel, c’est le jeu des acteurs. Ce soir, on aurait bien retenu la nuit encore un peu en leur compagnie.
Article extrait d’une publication intitulée "Avignon le 12 juillet à Avignon Reine Blanche, à l’Adresse et aux Carmes".
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